C'est désormais chose faite: l'Union européenne (UE) a une nouvelle réglementation sur les multinationales. Les ministres des 27 États membres ont définitivement accepté de tenir les entreprises responsables en matière de droits humains et de durabilité.
À l'avenir, les grandes entreprises qui profitent de violations des droits humains – comme le travail des enfants ou le travail forcé – dans leurs chaînes d'approvisionnement, devront répondre de leurs actes devant les tribunaux européens. Les États membres ont maintenant deux ans pour transposer dans leur droit national cette «directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité» (CSDDD).
200'000 personnes demandent une nouvelle loi
La Suisse sera donc bientôt le seul pays d'Europe à ne pas disposer d'une telle réglementation. Elle a pourtant été à un cheveu d'être pionnière en la matière. En novembre 2020, 50,7 % de l'électorat a dit oui à l'initiative sur les multinationales responsables. Le texte a cependant échoué dans une majorité des cantons.
Mais l'évolution de la situation au sein de l'UE fait bouger les choses en Suisse. La Coalition pour les multinationales responsables demande que la Confédération introduise à son tour une loi équivalente. Une demande soutenue par plus de 200'000 personnes dans le pays: c'est le nombre de signataires d'une pétition qui a été remise au Parlement.
La Suisse est «une île»
Le sujet sera mis sur la table dès la session d'été qui débute lundi. Le conseiller national du Centre Stefan Müller-Altermatt a indiqué à Blick que des interventions iraient dans ce sens: «Nous sommes maintenant une île et cela ne nous conviendra pas à long terme», justifie le Soleurois. Et de rappeler que les entreprises non européennes, par exemple suisses, seront aussi obligées de respecter les règles plus strictes. La Commission européenne publiera une liste des entreprises concernées.
«Le ministre de la Justice Beat Jans doit maintenant s'activer et améliorer la législation suisse, déclare Stefan Müller-Altermatt. Et j'attends de sa prédécesseure Karin Keller-Sutter qu'elle tienne sa promesse faite lors de la campagne de votation et qu'elle soutienne une solution analogue à la directive de l'UE.»
Keller-Sutter a promis des améliorations
Dans le détail, Stefan Müller-Altermatt fait allusion à l'engagement suivant: la ministre de la Justice de l'époque, Karin Keller-Sutter, avait promis lors de la campagne de votation que la Suisse se mettrait au diapason d'une éventuelle réglementation européenne. «Je partage le point de vue selon lequel nous devrions davantage responsabiliser les entreprises, mais cela devrait se faire de manière coordonnée au niveau international», avait-elle déclaré dans une interview à Blick.
Les deux représentants socialistes du Conseil fédéral, Beat Jans et Elisabeth Baume-Schneider, ainsi que la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd devraient être favorables à une mise en œuvre. Il ne faudrait donc qu'une seule voix pour atteindre une majorité au gouvernement. Et selon Stefan Müller-Altermatt, celle-ci devrait venir de Karin Keller-Sutter.
Nouvelle initiative dans le pipeline
Pour augmenter la pression, la Coalition pour les multinationales responsables a déjà annoncé une nouvelle initiative populaire. «Nous sommes en train d'analyser en détail la directive européenne sur la responsabilité des entreprises et d'élaborer un texte d'initiative adapté à la Suisse», explique Dominique de Buman, ancien conseiller national et membre du comité de la coalition. Un lancement est attendu dans les prochains mois.
L'ancienne initiative demandait que les multinationales puissent être tenues responsables des violations des droits humains et du non-respect des normes environnementales contraignantes – soit à peu près exactement ce que les États membres l'UE viennent de décider. Les nouvelles règles s'appliqueront aux entreprises employant au moins 1000 personnes et réalisant un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros minimum, après une période de transition de cinq ans.