Les abonnés du compte Instagram de Tataki n’ont pas pu passer à côté de cette publication. Les deux meilleurs footballeurs en activité, Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, s’embrassent langoureusement. Le but de ce post: faire la promotion pour le dernier épisode de «YADEBAT», l’émission du média appartenant à la Radio Télévision Suisse. Mais pas seulement.
«Chaque épisode est développé avec un contenu long sur YouTube et un contenu Transmédia plus court sur notre compte Instagram, explique Manon Bornand, cheffe de projets chez Tataki. On utilise régulièrement la satire ou les détournements pour twister des actus ou des phénomènes de société afin de questionner». Ce coup-ci, Tataki se penche sur le sujet du tabou de l’homosexualité dans le monde du football.
Il y a débat
En utilisant les deux stars du ballon rond, le média a frappé ses followers. «On s’attendait à ce que les gens soient touchés car ce sont deux papes du football, développe Manon Bornand. On n’est donc pas forcément étonnés que ça ait fait réagir.» Dans la section commentaires, deux camps s’affrontent: ceux qui adorent le visuel et ceux qui le trouvent inapproprié.
«Vous jouez à quoi? Respectez un peu leur hétérosexualité aussi… Surtout quand un des deux concernés attend des jumeaux! L’article est intéressant mais l’image enlève toute crédibilité»; «On comprend le message mais là, c’est un manque de respect pour ces deux légendes du football», peut-on notamment lire sous l’image. «Il faut relativiser le côté négatif, souligne la cheffe de projets. Nous avons reçu beaucoup de réactions positives en commentaires et en DM (ndlr: message privé). Il y a aussi énormément de likes et de partages.»
«La caricature est un droit des médias»
Au vu de certaines réponses épidermiques et même parfois homophobes, l’épisode «YADEBAT» semble toucher dans le mille. Peut-on d’ailleurs en conclure que le milieu du football est empoisonné par une masculinité toxique? «Le but de ce reportage est de soulever une question importante de société qui interroge et intéresse notre public. On tente d’apporter des pistes de réponses à travers cette enquête et ces témoignages», développe Julien Bagourd, producteur éditorial de Tataki
Reste la question du bien-fondé du montage. Tataki a-t-il respecté le cadre légal en le réalisant? «La satire ou la caricature est un droit des médias et un outil qui sert à susciter des questionnements et de l'émotion, répond Manon Bornand. Même si on n’utilise plus le fusain, il s’agit toujours de dessin de presse.»
«Il n'y pas matière à scandale»
Un avis partagé par Nicolas Capt, avocat en droit des médias, qui cite les directives du conseil de la presse et qui dit qu'un photomontage doit éclairer un événement, illustrer une conjecture, offrir un recul critique ou contenir une satire. «D'ailleurs, ce montage est un peu un mélange de tout cela», souligne-t-il.
Toutefois, ce même article précise que le visuel doit être clairement signalé comme tel. «La manière la plus rigoureuse aurait été de mentionner le montage, explicite Nicolas Capt. Mais il n'y a pas matière à scandale.»
Pour l'avocat en droit des médias, les seules personnes qui auraient pu se plaindre d'une telle image sont celles qui y sont représentées, à savoir Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. «Ce visuel est destiné à provoquer et soulever un débat», explique Nicolas Capt, qui tient à rappeler que le baiser entre Brejnev et Hoenecker a bien souvent été parodié.
Et si le bon baiser de Russie est encore visible aujourd'hui sur le mur de Berlin, celui des deux footballeurs mourra sans doute un autre jour.