Monsieur Prix appelle les consommateurs à se défendre
«Ma mère disait: 'soit tu ouvres ta gueule, soit tu ouvres ton porte-monnaie'»

Malgré la baisse de l'inflation constatée l'année dernière, Monsieur Prix ne veut pas baisser la garde. Pour Blick, il revient sur les coûts de la santé et des transports publics et sur son job. Interview.
Publié: 18.02.2025 à 06:31 heures
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Dernière mise à jour: 18.02.2025 à 08:39 heures
Le Surveillant des prix Stefan Meierhans reçoit toujours de très nombreuses lettres de consommateurs et consommatrices.
Photo: KARL-HEINZ HUG
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Jean-Claude Raemy

Stefan Meierhans, alias Monsieur Prix, a l'habitude de combattre les arnaques et de défendre des prix équitables. Même lorsque le «risque d'incendie latent» l'empêche de recevoir Blick dans son bureau, il s'empresse de trouver une autre salle, car le flot – toujours aussi élevé – de plaintes en provenance de la population impose une réaction immédiate. Inflation, santé, transports publics et son amour de sa poste: Stefan Meierhans n'élude aucune question. Interview.

Stefan Meierhans, le nombre record de 2768 plaintes reçues par le bureau du Monsieur Prix en 2023 a-t-il été battu l'an dernier?
Je ne communiquerai le chiffre exact que dans quelques semaines. Mais l'année dernière, la population s'est une nouvelle fois adressée très souvent à moi. Les chiffres sont restés à peu près stables. On peut donc à nouveau parler d'un afflux de plaintes. Le niveau élevé de réclamations le montre: la pression qui pèse sur la population n'a pas encore diminué.

Pourtant, statistiquement, le renchérissement affecte moins les Suisses qu'en 2023...
Lors d'un sommet sur le pouvoir d'achat en octobre dernier, de nombreux représentants de l'économie suisse m'ont dit qu'il n'y avait plus de problème. Leur argument: l'inflation recule, le franc est fort, le dollar et l'euro se sont dépréciés, de nombreux biens importés sont devenus moins chers. Tout cela est vrai. Mais cela n'élimine pas les soucis et les difficultés financières de nombreux consommateurs dans le pays. Pour beaucoup, la baisse du pouvoir d'achat est une réalité et cette question ne disparaît donc pas.

Malgré la baisse du renchérissement, la situation financière reste tendue pour de nombreux Suisses (Sur la photo: une épicerie Caritas).
Photo: keystone-sda.ch

De quoi les consommateurs souffrent-ils le plus?
Principalement des prix excessifs, notamment de la hausse des primes d'assurance maladie, des prix de l'énergie et des loyers. Mais il y a bien plus encore. Le manque de bonne volonté (ndlr: de certaines entreprises), le mauvais service à la clientèle et tout un tas d'autres choses.

Donnez-vous une réponse à tous ceux qui vous ont adressé une plainte?
Nous nous efforçons de répondre à tous les courriers et nous essayons, dans la mesure du possible, de transmettre des infos et des conseils utiles.

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Ma mère disait toujours: 'Soit tu ouvres ta gueule, soit tu ouvres ton porte-monnaie'
Stefan Meierhans, sur la nécessité de se défendre en tant que consommateurs
»

Et donc? Quels sont vos principaux conseils en cette période?
Comparez toujours les prix de manière aussi précise que possible. Si vous avez l'impression qu'un prix n'est pas justifié, cherchez le dialogue. Ma mère disait toujours: «Soit tu ouvres ta gueule, soit tu ouvres ton porte-monnaie».

Du coup, l'avez-vous ouverte l'année dernière pour que les consommateurs n'aient pas à ouvrir davantage leur porte-monnaie?
Le secteur de la santé continue de beaucoup nous occuper. En fait, il existe depuis huit ans une liste de 38 mesures recommandées, établie par le «groupe d'experts Diener pour freiner la croissance des coûts dans le secteur de la santé». Ces mesures pourraient permettre de réaliser des économies de l'ordre d'un milliard de francs. Cela concerne les frais hospitaliers, les prix des médicaments et bien plus encore.

Les tarifs des laboratoires ont tout de même déjà été réduits de 10%, et ce d'une façon linéaire...
Comme tout prend du temps, j'ai d'ores et déjà demandé 20% de réduction linéaire en plus. Avec la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, nous discutons des moyens possibles pour économiser environ 300 millions de francs dans le domaine de la santé d'ici à 2026. J'espère que nous y parviendrons. Le rythme des réformes est tout simplement trop lent par rapport au renchérissement.

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Pour faire des économies, beaucoup choisissent la franchise la plus élevée auprès de leur caisse maladie et ne vont donc plus chez le médecin
Stefan Mierhans, sur la hausse des coûts de la santé
»

A quoi est-ce dû?
Les intérêts des lobbies se font sentir à Berne. Leurs actions ressemblent à celle du «catenaccio» italien au football: faire le dos rond (ndlr: en football, le «catenaccio», «verrou» en français, est une tactique qui consiste à protéger son but grâce à une assise défensive élevée).

Le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse a récemment fait valoir qu'il n'y avait pas d'explosion des coûts dans le secteur de la santé, et que les prix baissaient même depuis dix ans...
Selon l'Office fédéral de la Santé, les coûts facturés chaque année à la charge de l'assurance obligatoire ont plus que triplé depuis 1996. La conclusion de l'étude est la suivante: le patient est responsable de l'augmentation globale des coûts, car il va trop souvent chez le médecin. En comparaison européenne, nous nous situons dans la moyenne inférieure en ce qui concerne les visites chez le médecin. Pour faire des économies, beaucoup choisissent la franchise la plus élevée auprès de leur caisse maladie et ne vont donc plus chez le médecin. Le problème, c'est surtout le manque de transparence sur les prix dans le secteur de la santé.

Stefan Meierhans reproche à l'économie sa méconnaissance des problèmes des classes de revenu inférieures.
Photo: KARL-HEINZ HUG

Il y a dix ans, vous aviez réclamé une baisse des prix pour l'utilisation du réseau électrique. Récemment, sur votre recommandation, le Conseil fédéral a adapté sa feuille de calcul, mais seulement à partir de 2026. Etes-vous satisfait?
Mieux vaut tard que jamais. En fait, on aurait pu le faire il y a trois ans déjà, ce qui aurait permis de soulager non seulement les ménages, mais aussi de nombreuses PME. Je m'attends à une baisse de la rémunération du réseau électrique d'environ 125 millions de francs par an.

Qu'est-ce que cela va faire gagner à chaque ménage?
Peut-être 10 à 15 francs d'économie. Ça ne semble pas énorme. Mais si on peut réaliser de petites économies dans divers domaines, ça devient un moyen de compenser le renchérissement.

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Je reçois des remerciements dans le train et sur les pistes de ski!
Stefan Meierhans, sur la baisse des prix des transports publics obtenue de haute lutte
»

Comme pour les transports publics, dont vous avez pu atténuer les hausses de prix l'année dernière...
En réponse, je reçois des remerciements dans le train et sur les pistes de ski!

La hausse des prix dans les transports publics est-elle à nouveau l'ordre du jour?
C'est toujours un sujet de discussion. En avril, les transports publics communiqueront sur la question. Jusqu'à présent, je ne vois aucune raison d'augmenter les prix.

Si l'inverse se produit, votre base de fans, usagers des transports publics, risque de s'estomper...
Nous ne baissons pas les bras. Nous avons développé une nouvelle pratique de régulation. Celle-ci permet de calculer les prix maximaux autorisés également pour le trafic régional subventionné. Elle sera appliquée lors de futures demandes d'augmentation de prix.

Qu'allez-vous surveiller de près cette année?
Nous allons garder un œil sur l'UBS, notamment en ce qui concerne l'octroi de crédits et les relations avec les PME. Nous avons déjà pris contact avec des universités qui nous aideront notamment à mener des études. Nous avons également la Poste à l'oeil. Pour celle-ci aussi, je ne vois pas de raison d'augmenter encore les prix.

Vous demandez un maximum de concurrence pour des prix équitables. Qu'en est-il du commerce de détail, la situation s'est-elle calmée?
Il y a davantage d'acteurs sur le marché. Le marché global, c'est-à-dire la population, augmente. Migros/Denner et Coop continuent d'avoir une part de marché très élevée. Malgré tout, ce n'est pas là que le bât blesse le plus. Le tourisme d'achat dans les pays limitrophes n'est plus à son niveau d'antan. Et l'abaissement de la franchise douanière n'y change rien.

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J'ai des filles adolescentes qui apprennent maintenant à gérer leur argent, et elles ont déjà commandé chez des fournisseurs asiatiques bon marché.
Stefan Meierhans, sur les sites de vente en ligne à bas prix
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A propos de commerce de détail: avez-vous vous-même déjà commandé chez Temu pour faire des économies?
Pas moi. Mais j'ai des filles adolescentes qui apprennent maintenant à gérer leur argent. Et elles ont déjà commandé chez des fournisseurs asiatiques bon marché. On peut se le permettre, mais la durabilité passe au second plan.

Cela nous amène au thème des produits bio...
Une baisse des prix des produits bio serait possible, car les marges brutes d'une grande partie des aliments bio sont nettement plus élevées que celles de leurs équivalents conventionnels. Nous avons pris contact avec certains acteurs et leur avons fait des propositions. Elles ont été refusées jusqu'à présent.

Vous avez le pouvoir de mettre en œuvre des règlements à l'amiable ou même fixer les prix par arrêté. Est-ce que vous le faites souvent?
L'année dernière, nous avons pu conclure neuf accords à l'amiable, notamment avec Swisscom. D'autres sont actuellement en cours de négociation. Dans un seul cas, avec une entreprise zurichoise de ramassage des ordures, nous avons pris un arrêté. L'affaire est maintenant devant le Tribunal fédéral.

Tournons-nous encore vers l'avenir: la technologie peut-elle aussi simplifier votre travail?
Il devient de plus en plus difficile pour les consommateurs de faire des comparaisons de prix fiables. J'espère que l'utilisation de l'IA nous permettra bientôt de disposer de meilleurs comparateurs de prix, lesquels amélioreront alors considérablement la transparence des prix.

Pour finir, permettez-moi de vous poser une question: vous faites ce travail depuis 15 ans. N'êtes-vous pas fatigué?
Pas du tout. J'ai le meilleur travail qui soit.

Vous êtes membre du Centre, et deux anciens surveillants des prix – Léon Schlumpf et Joseph Deiss – ont fini par accéder au Conseil fédéral. Etes-vous intéressé par ce poste?
(Rires.) Non, ce n'est pas à l'ordre du jour.

Comme d'anciens surveillants des prix, Stefan Meierhans est membre du Centre.
Photo: Daniel Rihs / Pixsil
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