Madame Mettler, la rente AVS moyenne s’élève à 1800 francs, la rente moyenne de la caisse de pension à 1700 francs. Pourriez-vous vivre avec ces montants?
Je pourrais en vivre, mais c’est aussi parce que j’ai des frais fixes relativement bas. Et c’est un point important: 40% des ménages les plus riches de Suisse sont des ménages de retraités qui, après déduction de tous les frais fixes, y compris les impôts et les frais de santé, ont encore entre 5000 et 9000 francs par mois à leur libre disposition. Un grand nombre de retraités ne sont donc pas à plaindre. Les chiffres moyens ne disent pas grand-chose de la réalité.
Néanmoins, citons encore une fois ce chiffre: les femmes perçoivent en moyenne un tiers de retraite en moins que les hommes. La gauche affirme que la situation des femmes ne serait guère améliorée par la réforme de la LPP qui est prévue.
Je m’oppose avec véhémence à cet avis. Les femmes profiteront énormément du déblocage de la réforme. Aujourd’hui, il existe différentes formes d’activité professionnelle qui sont désavantagées par le système du deuxième pilier. Les emplois à temps partiel et les bas revenus sont mal assurés. Les femmes sont particulièrement touchées par cette situation. La réforme corrige en grande partie ces erreurs. Dans toutes les variantes en discussion, les femmes sont mieux assurées avec la réforme que sans.
Et les retraités?
Les bénéficiaires actuels de rentes ne sont pas concernés par les réductions. Bien qu’une grande partie des ménages retraités actuels fassent partie des ménages les plus riches du pays, ils ne vont pas participer solidairement au dénouement du blocage de la réforme. C’est une faiblesse de la réforme.
Et les quinze prochaines classes d’âge de retraités recevront des suppléments pour compenser la baisse du taux de conversion. Pourquoi? Si les taxes sur les déchets sont augmentées, il n’y a pas non plus de compensations…
Ces quinze à vingt classes d’âge ont particulièrement ressenti les conséquences du blocage de la réforme et ont donc pu épargner moins de capital de prévoyance. Il s’agit donc aussi de compensations pour le blocage des réformes avec un seuil de fortune. Les nouveaux retraités aisés ne reçoivent pas de supplément.
Les jeunes financent ces suppléments de plusieurs milliards – et touchent plus tard une rente plus basse sans compensation.
La charge des jeunes est réduite avec cette réforme. En raison du blocage des réformes dans le deuxième pilier, des milliards de francs passent aujourd’hui chaque année des actifs aux retraités. Sans réforme, nous poursuivons des redistributions étrangères au système. Cela pèse beaucoup plus lourd dans la balance pour les jeunes. Ce sont donc eux qui profiteront le plus de la réforme.
Une chose est sûre: les assurés doivent se serrer la ceinture. Pourquoi personne à Berne ne parle de l’industrie financière qui gère l’argent de la prévoyance et qui encaisse chaque année des taxes de plusieurs milliards?
Attendez, c’est le contraire qui se produit! Pour les assurés, les rentes continuent de baisser si nous restons dans l’impasse des réformes. Si nous résolvons ce problème, les pensions augmenteront. Mais vous évoquez la gestion des fonds de pension. Le Parlement a reconnu que les exigences d’une surveillance efficace de la gestion des placements ont fortement évolué depuis l’introduction du deuxième pilier. Un postulat que j’ai déposé demande à la Confédération de revoir la surveillance du marché des caisses de pension. Cela nous permettra d’identifier les points faibles et de les corriger. Les rapports à ce sujet seront publiés prochainement. Nous gagnerons ainsi un levier pour agir aux bons endroits.
L’industrie financière dispose d’une grande liberté dans la gestion de la fortune de prévoyance – depuis 1985, les assurés sont contraints de cotiser au deuxième pilier. C’est pourtant une erreur de structure!
En 1985, lorsque chaque entreprise avait sa propre caisse de pension, ce système était cohérent – voire révolutionnaire. On a alors créé une œuvre sociale fondée sur le partenariat social et financée uniquement par le marché du travail. Mais aujourd’hui, les caisses de pension d’entreprise sont rares. Au lieu de cela, l’industrie financière joue un rôle central. Le problème, c’est que les bases légales sont toujours dans la logique des caisses de pension d’entreprise. Il faut changer cela. C’est pourquoi il est si important de débloquer enfin maintenant cette impasse des réformes.
Ne serait-il pas préférable de confier au moins la partie obligatoire de la fortune des caisses de pension à l’État plutôt que de bricoler des lois?
Notre État organise le deuxième pilier en partenariat avec le secteur privé. Il le fait également dans d’autres domaines, comme la santé, ce qui rend ces systèmes très agiles et adaptés aux besoins. Leur qualité est très élevée en comparaison internationale. Nous constatons également que dans de nombreux cas, la participation des employeurs va au-delà du minimum légal. Cet engagement se perdrait avec une solution étatique.
Le mode d’organisation actuel présente-t-il aussi des inconvénients?
Sa grande complexité, par exemple. Il nécessite également plus d’efforts pour éviter les échappatoires aux sorties d’argent qui ne sont pas dans l’intérêt des assurés. Nous ne pouvons profiter des chances du système actuel que si nous restons capables de nous réformer. En revanche, si nous nous mettons en travers et ne sommes plus disposés à apporter des corrections, nous devrons peut-être nous organiser autrement.
Nous pourrions en effet bricoler l’AVS, par exemple en introduisant une 13e rente AVS…
La demande d’améliorer les rentes basses est légitime. Mais la 13e rente AVS du PS irait aussi aux nombreux retraités aisés – et coûterait cinq milliards de francs. J’ai fait calculer par la Confédération combien coûterait une 13e rente AVS qui ne soutiendrait que les ménages de retraités dans le besoin. Ceux-ci représentent environ 20%.
Le résultat?
Une telle rente complémentaire adaptée aux besoins coûte dix fois moins, soit 500 millions. En d’autres termes, 90% des cotisations salariales pour une 13e AVS, comme le réclame le PS, sont versés aux ménages de retraités aisés qui n’ont pas besoin de cet argent. Ce n’est pas ainsi que nous améliorerons la situation de la prévoyance en Suisse.
Le ferions-nous si nous augmentions l’âge de la retraite à 66 ans, comme le demandent les jeunes libéraux-radicaux?
Cette initiative n’a pas encore été pensée jusqu’au bout. Mais elle lance un débat important. Nous sommes en bonne santé de plus en plus longtemps et il y a de plus en plus de retraités par rapport à la population active. Une activité professionnelle plus longue est donc un sujet qui mérite réflexion. Mais la question est: pour qui? Il existe des professions pour lesquelles une activité professionnelle prolongée n’est pas envisageable – ni nécessaire. À l’inverse, nous avons aujourd’hui 40% de préretraités aisés dans le deuxième pilier. Nous ne devons pas mettre tout le monde dans le même panier.