En automne, les syndicats ont essuyé un revers lors de la votation sur l'AVS. Mais avec la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP), la prochaine bataille sur les retraites se profile déjà pour la session de printemps. Plusieurs initiatives sont prévues sur le sujet. Au cœur du débat: le président de l'Union syndicale suisse et conseiller national socialiste Pierre-Yves Maillard. Le Vaudois se montre prêt à combattre. Interview.
Monsieur Maillard, c'est la dernière ligne droite pour la réforme de la LPP. Jeudi, la Commission sociale du Conseil national se penchera sur la proposition du Conseil des Etats. Un compromis va-t-il enfin être trouvé?
Nous avions un compromis! Les syndicats ont négocié durement et loyalement avec les employeurs. Ils ont trouvé une solution que le Conseil fédéral a reprise. Mais les partis bourgeois ont balayé ce compromis d'un revers de main. Je demanderai donc à la Commission sociale de revenir sur le compromis trouvé avec les partenaires sociaux.
Cela ne s'annonce pas facile. N'est-ce pas de l'entêtement?
Avec la proposition du Conseil des Etats, les salariés et les employeurs devront payer trois milliards de francs de cotisations supplémentaires par an. En contrepartie, le taux de conversion est abaissé. Cela signifie une baisse générale des rentes. C'est inacceptable.
Mais les rentes ne seront pas réduites pour tout le monde. Les bas revenus et les personnes travaillant à temps partiel, en particulier, peuvent se constituer une rente plus élevée.
Oui, mais à un prix trop élevé! Avec le compromis trouvé, l'amélioration des petites pensions était financée par une solution solidaire modérée. Mais les partis de droite ne veulent pas de cette solidarité et augmentent massivement le salaire assuré à la place. Cela induit parfois une baisse de salaire net de plus de 5%, notamment pour les bas salaires. Au final, les rentes de la classe moyenne baisseront et les petits revenus devront payer beaucoup plus. Ils ne profiteront nullement d'une amélioration de la rente, car ils devront de toute façon souvent recourir aux prestations complémentaires.
Vous vous préparez donc déjà à un référendum?
La solution du Conseil des Etats est mauvaise. Au Conseil national, les bourgeois prévoient en plus une nouvelle détérioration des conditions. Avec le retournement des taux d'intérêt, les rendements vont augmenter et la baisse du taux de conversion est tout simplement devenue inutile. Dans ces conditions, il est clair que nous lancerons un référendum.
Un référendum signifierait toutefois que la situation serait à nouveau bloquée sur le front des retraites...
C'est le peuple qui en décidera. En attendant, nous discutions volontiers d'une réforme de la LPP sans baisse du taux de conversion. De plus, avec l'initiative pour une 13e rente AVS, nous proposons une solution rapide pour de meilleures rentes. Les trois milliards de francs pour des cotisations salariales plus élevées provenant de la réforme de la LPP sont bien mieux investis dans l'AVS. Ici, tous les retraités profitent d'une augmentation.
Vous souhaitiez financer la 13e rente AVS par les bénéfices de la Banque nationale. Mais avec les pertes de cette dernière, les réserves de distribution ont disparu. Avez-vous fait un mauvais calcul?
La Banque nationale a fait des bénéfices pendant des années. La perte énorme qu'elle vient de subir est historique et n'était pas prévisible.
Toujours est-il qu'il vous manque ainsi la base de financement pour une 13e AVS...
Pas du tout. La donne a changé depuis le lancement de cette idée. Avec la réforme de l'AVS — que nous avons combattue — deux milliards de francs supplémentaires sont versés chaque année dans la caisse de l'AVS. Avec les trois milliards provenant de la LPP, il y a bien assez d'argent pour une 13e rente AVS.
Faut-il donc abandonner cette idée de financer l'AVS par les bénéfices de la Banque nationale, défendue par une initiative qui, actuellement, est en cours de récolte de signatures?
Les attaques des bourgeois contre les rentes ou les conditions de travail sont massives. Nous devons donc concentrer nos forces sur le référendum LPP. Le cas échéant, un autre référendum contre l'assouplissement de la loi sur le travail sera nécessaire. C'est pourquoi nous devons redéfinir nos priorités et abandonner la récolte de signatures pour l'initiative de la Banque nationale. C'est ce qu'a décidé le comité de l'USS ce mercredi.
N'est-ce pas une manière de baisser les bras?
Nous avons certes déjà récolté plus de 70'000 signatures et nous ferions certainement aboutir l'initiative. Mais le déficit de la Banque nationale a nettement freiné la collecte de signatures. Dans le contexte actuel, il est difficile d'aller plus loin avec ce projet. Mais les choses peuvent changer dans les années à venir.
Il est en effet possible que la Banque nationale enregistre bientôt à nouveau des bénéfices élevés. N'abandonnez-vous pas trop tôt?
Il reste absolument vrai pour nous que des bénéfices élevés de la BNS sont à leur place dans l'AVS, car tout le monde en profite. Si nous en arrivons là, nous remettrons le sujet sur la table. Nous relancerons alors le projet et nous l'élargirons.
Dans quelle mesure?
La Banque nationale fait aujourd'hui ce qu'elle veut de ses bénéfices. La Constitution fédérale stipule pourtant très clairement qu'elle doit distribuer au moins deux tiers des bénéfices nets aux cantons. Au lieu de cela, elle a accumulé les bénéfices pendant des années — et aujourd'hui, ils ont disparu. Notre initiative n'aurait en principe rien changé à cette situation. Un nouveau projet devrait thématiser cela.
Vous attaqueriez alors l'indépendance de la Banque nationale?
Les banques centrales essaient désormais de provoquer explicitement une récession. Elles prétendent vouloir éliminer l'inflation. La décision de la BNS de ne pas donner d'argent aux cantons va exactement dans ce sens. Les programmes d'austérité suivent déjà. Cela ne se fera pas sans débats.