«Nous n’avons toujours pas une image complète de la situation. Nous ignorons encore à quel point la sortie des fonds des clients a été rapide et importante», assène Marcel Rohner. Celui qui est président de l’Association suisse des banquiers depuis un an a demandé un «éclaircissement impitoyable» des événements après le rachat en urgence de Credit Suisse. Mais ne devrait-il pas plutôt se concentrer sur l’avenir de la place financière suisse? Sur comment renforcer la place de notre pays en tant que hub mondial pour les personnes fortunées, malgré la faillite de Credit Suisse? Sur la survie de son organisation?
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Face aux questions de Blick, le premier banquier de Suisse sert des réponses kafkaïennes. Est-il favorable à des bonus pour les cadres supérieurs lorsqu’une banque enregistre une perte? «L’Association suisse des banquiers souhaite et soutient un examen approfondi, indépendant et ouvert aux résultats des événements, avec la participation de tous les acteurs concernés.» Quel est l’impact de la faillite de Credit Suisse – un des anciens principaux contributeurs – sur les finances de l’organisation de lobbyisme? «L’accent est mis en premier lieu sur le traitement indépendant et ouvert des événements, avec la participation de tous les acteurs concernés.»
Des démissions à la chaîne
L’Association suisse des banquiers a de gros problèmes, et pas seulement financiers. Elle est affaiblie en termes de personnel. Le directeur Jörg Gasser a démissionné brutalement. Il n’a jamais été officiellement remercié: il n’y a jamais eu d’apéritif d’adieu. Les affaires sont dirigées par intérim par August Benz, qui ne veut toutefois pas reprendre la direction. Il devrait dans ce cas abandonner son mandat de président du conseil de banque de la Banque cantonale de Schwytz.
Silvan Lipp, membre de la direction et responsable de la communication et des relations avec le monde politique, a également démissionné. Il dirigera à partir du mois de mai la communication de la fédération Economiesuisse. Les initiés soufflent que ces départs sont liés au nouveau président. Et ce n’est pas tout: Raiffeisen, le deuxième plus grand groupe bancaire après l’UBS, refuse toujours de devenir membre de l’association.
Au conseil d’administration avec deux élus UDC
Mais qui est Marcel Rohner? Selon le site web de l’association, il est vice-président du conseil d’administration de la banque privée genevoise Union Bancaire Privée (UBP). Aucun autre mandat bancaire n’est mentionné. Pourtant, il siège depuis onze ans au conseil d’administration de la Banque Helvétique à Zurich. Celle-ci a été fondée en 2010 par le banquier Thomas Matter, qui représente notamment l’UDC au Conseil national. Il est très impliqué en matière de politique financière.
Ce que l’on sait peu, c’est que le conseil d’administration de la Banque Helvétique compte un deuxième politicien UDC de premier plan: Thomas Aeschi, président du groupe parlementaire du plus grand parti de Suisse.
Cette semaine, les deux élus UDC ont fait jurer à leurs collègues de parti de voter Non. Au Conseil national, ils ont tiré à boulets rouges sur l’accord pour sauver Credit Suisse. Thomas Matter a tonné que la banque avait placé un agenda «woke» – avec des thèmes liés au genre et à la protection du climat – au-dessus de son véritable cœur de métier. Thomas Aeschi a vivement critiqué la ministre des Finances Karin Keller-Sutter et a demandé pourquoi on n’avait pas autorisé la Banque nationale à mettre des liquidités illimitées à disposition par le droit d’urgence.
Le fossé entre les représentants de l’UDC et ceux de la place financière suisse s’est élargi. Et ce n’est pas du goût de tous au sein du parti agrarien: «Je suis un électeur de l’UDC, mais ce que font mes collègues à Berne est tout simplement irresponsable», déclare un banquier.
Conflit d’intérêts?
Blick a voulu savoir si Marcel Rohner ne trouvait pas problématique d’appartenir à un conseil d’administration dont deux membres font de la politique… contre les intérêts qu’il est supposé défendre. Toutes nos questions sont restées sans réponse.
Il y a 15 ans, Marcel Rohner était directeur général du groupe de l’UBS lorsque celle-ci a dû être sauvée par l’État. Puis, il a été remplacé par Oswald Grübel. Auparavant, il était responsable du secteur Wealth Management, au cœur du litige fiscal avec les Etats-Unis. Le fait que la carrière professionnelle du principal lobbyiste de la place financière suisse soit si étroitement liée à des scandales bancaires n’envoie certainement pas le bon signal à l’étranger.
*Le journaliste Beat Schmid écrit sur des sujets financiers pour Blick. Il est également l’éditeur du média en ligne tippinpoint.ch.