La question des bonus était sur toutes les lèvres lors de la session extraordinaire du Parlement sur le naufrage de Credit Suisse. Fallait-il plafonner les bonus, voire les interdire? Le Conseil fédéral a maintenant pour mission de soumettre une proposition qui apaise la grogne populaire tout en évitant de trop heurter les banquiers. Et ce n'est pas une mince affaire.
Sur Credit Suisse et l'UBS
Il n'existe aucune étude scientifique qui prouve que les bonus, surtout s'ils sont distribués de manière excessive, incitent effectivement les managers à améliorer leurs performances. D'autant plus qu'il n'est pas possible de précisément mesurer la contribution d'un employé au succès de l'entreprise, y compris quand il s'agit d'un chef de groupe. Et dans les coulisses, même dans les milieux bancaires, on entend dire que personne ne veut d'employés dont les performances maximales sont uniquement dues à un gros salaire. Voilà ce que plaident ceux qui sont en faveur d'une interdiction des bonus.
Sans bonus, rien ne va plus
Toutefois, le changement de culture nécessaire sur la place financière ne peut pas être atteint par un coup de force. Une banque sans bonus reste pour le moment impensable. «Dans le monde bancaire, il s'agit avant tout d'argent», rappelle le spécialiste des rémunérations Sacha Cahn. Et son collègue Urs Klingler ajoute: «La rémunération variable selon la performance a plus d'avantages que d'inconvénients.»
C'est ainsi que l'être humain fonctionne, estime Urs Klingler, il veut être récompensé pour une bonne performance: «C'est comme la médaille d'or lors d'un événement sportif.» Il ne faut toutefois pas commettre l'erreur de vouloir mettre les chefs d'entreprise sur un pied d'égalité avec les superstars du sport en termes de revenus et d'image.
Pas de bonus sans performance
La conception du système de rémunération est donc très importante. «Un bonus de performance ne doit pas être un simple cadeau aux cadres, prévient Sacha Cahn. Les bonus sont utiles s'ils sont utilisés correctement.»
L'expert estime ainsi que distribuer une sorte de bonus de transition serait tout de même une bonne idée. «Il serait judicieux de verser aux employés clés de Credit Suisse un bonus spécial lié à des objectifs de performance, afin qu'ils ne partent pas vers d'autres banques.» Si l'intégration par l'UBS se déroule sans accroc, la nouvelle mégabanque en profitera également.
Pour les deux spécialistes des rémunérations, il est clair qu'il ne doit y avoir de bonus que si les performances, de l'employé et de l'entreprise, sont bonnes. Urs Klingler recommande pour cela un modèle à trois niveaux: «Le système de rémunération doit refléter la performance individuelle, celle du secteur d'activité et celle du groupe.»
L'expert émet toutefois une restriction importante: «Il est important que les différentes composantes de la performance ne soient pas additionnées, mais multipliées.» En cas de pertes du groupe, l'un des multiplicateurs est nul: lors d'une telle année, il n'y aurait pas de bonus pour les employés. Cela freinerait probablement le goût du risque de certains managers.
En cas de pertes, le pot de bonus reste vide
Un calcul que la plupart des personnes étrangères au secteur financier pourraient facilement comprendre. S'ajoute à cela le fait que les rémunérations variables n'explosent pas dans d'autres branches: «Dans de nombreuses entreprises, la taille du pot de bonus est limitée à environ 10% du bénéfice du groupe», relève Urs Klingler.
Ce système aurait vidé le pot de bonus de Credit Suisse pendant les années de pertes. Or, le contraire s'est produit. Au cours des dix dernières années, la banque aux deux voiles n'a pas gagné d'argent et a accumulé une perte de 3 milliards de francs. Pourtant, elle a tout de même versé 32 milliards de francs de bonus durant cette période.
Responsabilité entrepreneuriale
Les top managers aiment se comparer à des entrepreneurs, mais ils agissent rarement en conséquence quand il s'agit de leur revenu. Si la situation de l'entrepreneur est mauvaise, il renonce souvent à une partie de son salaire et préfère l'investir dans son entreprise.
C'est pourquoi une grande partie de la rémunération variable des banquiers de haut niveau devrait être versée sous forme d'actions, selon certains. Et celles-ci devraient rester bloquées au moins jusqu'au départ de la banque, voire plus longtemps encore. Cela signifie que les actions ne peuvent pas être vendues, que le bonus augmente ou diminue pendant des années en fonction du cours de l'action.
Un tel système devrait également juguler le goût du risque des managers. Car ceux-ci seraient ainsi dans le même bateau que les actionnaires qui – tout comme la place financière et le public – ont tout intérêt à ce que l'entreprise soit rentable et exempte de scandales.