Le désaveu est cinglant. Après avoir dit non au prêt de 109 milliards de francs dans le cadre de la fusion de Credit Suisse et de l'UBS mardi soir, le Conseil national a de nouveau rejeté ce mercredi les garanties du Conseil fédéral pour repêcher la banque en crise. Cette fois, le refus est définitif.
Et le vote des députés est assez net: 103 voix contre 71 et 8 abstentions. L'alliance de la gauche avec l'UDC a coulé le projet, malgré une solution de compromis repêchée dans la matinée par le Conseil des États. La proposition sommait le gouvernement d'élaborer un projet de loi qui permette de réduire drastiquement les risques des grandes banques pour l'économie suisse.
Rejet en bloc de l'UDC
Contrairement au National la veille, les sénateurs ont repris le compromis dans son intégralité, incluant l'examen d'une augmentation substantielle de fonds propres et d'une restriction légale des bonus versés à la direction et aux cadres. Cette solution n'a pas suffi.
L'UDC a persisté jusqu'au bout dans son rejet en bloc. «Pour nous, il ne faut plus qu'une banque too big to fail mette en péril toute la société», a déclaré Lars Guggisberg (UDC/BE). Or la folie des grandeurs demeure et la structure des banques continue de poser problème, a-t-il poursuivi.
Durant toute la session extraordinaire consacrée au sauvetage de Credit Suisse, l'UDC n'a cessé de demander la fin des grandes banques d'importance systémique. Une situation qui concerne certes UBS mais aussi la Banque cantonale de Zurich, Postfinance et le groupe Raiffeisen.
Garanties insuffisantes pour le PS
Quant au PS, il affirme n'avoir pas reçu assez de gages pour que ses exigences en matière de fonds propre et de bonus soient concrétisées. «Nous avons essayé de mettre en route un processus pour que plus jamais les contribuables ne doivent assumer l'irresponsabilité des banques», a indiqué Cédric Wemuth (PS/AG). Sans succès.
Mardi, au premier jour de la session, le Parlement a refusé de modifier l'ordre du jour pour intégrer diverses interventions du PS non encore traitées sur la régulation du secteur bancaire. Et mercredi, les socialistes ont demandé de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter un engagement ferme sur les fonds propres et les bonus.
Karin Keller-Sutter impuissante
La ministre des Finances n'a apparemment pas réussi à convaincre. Elle s'est pourtant engagée à soumettre au Parlement différentes variantes sur les bonus. Le compromis lui paraissait tout à fait acceptable: les bonus n'étaient pas interdits, mais seulement limités.
Quant aux fonds propres, elle a répété à de multiples reprises qu'un durcissement était déjà prévu par Bâle III, un dispositif de régulation bancaire international. Un projet sera soumis au Parlement l'été prochain.
Le PLR et le Centre ont tenté de défendre le compromis, parlant d'une main tendue du Conseil des Etats au Parlement. Hans-Peter Portmann (PLR/ZH) a mis en garde contre le dommage pour la réputation du pays en cas de non. «La honte est dans votre camp. Elle repose sur les épaules des managers de vos banques», lui a rétorqué Cédric Wermuth (PS/AG).
259 milliards de liquidités
Le projet est désormais définitivement enterré. La décision du Conseil national n'a pas d'effet juridique sur les crédits engagés auprès des banques. Mais elle constitue surtout un signal de colère envers le Conseil fédéral et envers la place financière suisse.
Le rachat forcé de Credit Suisse par UBS, décidé le 19 mars par le gouvernement, a impliqué la mise à disposition d'énormes liquidités pour les deux banques. La BNS a libéré 150 milliards de francs de liquidités.
Outre ce montant, la Confédération a soumis au Parlement deux crédits urgents d'un montant total de 109 milliards de francs au titre de garantie. Le premier, d'un montant de 100 milliards, permet à la Confédération de garantir les prêts octroyés par la BNS à Credit Suisse. Le second de 9 milliards est destiné à UBS pour d'éventuelles pertes.
(ATS)