Lorsqu’Albert Rösti est entré dans la salle de réunion de Meyrin (GE) samedi, une foule de gens l’a immédiatement entouré. Une photo par-ci, une poignée de main par-là, et des salutations à la pelle. Pour le conseiller fédéral UDC, cela aurait pu être un match à domicile: une démonstration décontractée à l’assemblée des délégués de son parti. Seulement voilà: cela aurait pu être le cas s’il n’y avait pas la loi sur la protection du climat, à propos de laquelle les quelque 150 membres du parti allaient voter.
Durant ses jours en tant que conseiller national, Albert Rösti a combattu la loi et a même lancé un référendum. À présent, il est désormais conseiller fédéral et doit, en vue de la votation de cet été, faire le tour de la Suisse pour défendre la position du gouvernement, soit obtenir du soutien. Même pour des projets qu’il ne soutenait pas lui-même auparavant.
Une «preuve d’indigence» pour la Suisse
Albert Rösti n’a pourtant pas laissé transparaître sa position d’ancien leader du référendum samedi. Le ministre de l’Énergie a souligné qu’il voulait protéger la population d’une pénurie d’électricité. «Nous aurons rapidement besoin de plus d’électricité.»
C’est une «preuve d’indigence» pour un pays riche comme la Suisse que de devoir avertir la population d’une pénurie d’électricité, poursuit Albert Rösti. Il a ensuite loué les 200 millions de francs promis par la loi sur la protection du climat pour le remplacement des chauffages, parlant d’un compromis que l’on pouvait se permettre d’accepter. La loi ne prévoit ni interdictions ni nouvelles taxes et redevances.
«Quelques voix en plus seraient les bienvenues»
Le conseiller fédéral a renoncé à pointer les faiblesses de la loi et a défendu la position du Conseil fédéral tout au long de son exposé d’une dizaine de minutes. Même les membres de l’UDC pourraient approuver la loi sans remords, a affirmé le ministre de l’énergie. «Quelques voix en plus seraient les bienvenues», ajoute-t-il en haussant les épaules.
Le conseiller fédéral UDC s’est ensuite montré serein. «Cela ne m’a pas posé de problème de défendre cette loi. J’ai toujours dit que j’étais attaché au principe de collégialité», déclare Albert Rösti. Il précise également que le souhait d’obtenir des voix était tout à fait sérieux. «Quand je défends quelque chose, j’apprécie être soutenu.»
Soutien des délégués, mais aussi des critiques
Parmi les délégués, beaucoup de compréhension est exprimée à l’égard d’Albert Rösti. «Il doit maintenant représenter le Conseil fédéral et a un autre rôle», a concédé Ruedi Zbinden de la section thurgovienne du parti. «Je suis content qu’il n’ait pas laissé transparaître son opinion personnelle. Les autres partis n’auraient fait qu’en profiter», a déclaré, soulagé, Ernst Lampert de Lachen (SZ).
Andi Trüssel de Bâle-Campagne a émis quant à lui des critiques en qualifiant Albert Rösti de «retourneur de veste». Il s’exclame: «Je ne travestirais pas ainsi ma position, même si j’étais conseiller fédéral.» Selon lui, la loi sur la protection du climat n’a aucun sens. «Elle conduit uniquement à ce que de plus en plus de gens ne puissent pas payer leur facture d’énergie.»
Un camouflet pour le ministre de l’Énergie
Durant cette réunion, certains ont toutefois fait en sorte que les positions d’Albert Rösti, en tant que personne privée, ne soient pas oubliées. Après que la conseillère nationale des Vert-e-s Delphine Klopfenstein Broggini a représenté les partisans et vanté la loi comme une aide utile dans la lutte contre le changement climatique, le conseiller national UDC Michael Graber est monté à la tribune. «Je vais maintenant rappeler quelle est l’opinion d’Albert Rösti», et a mentionné la séance du groupe parlementaire au cours de laquelle le conseiller fédéral avait, par un «discours enflammé», rallié le parti au référendum.
Le jeu était donc de savoir si Albert Rösti obtiendrait quand même quelques voix. «Zéro, zéro, zéro, zéro, zéro, zéro, zéro», ont tonné les votants autour des tables lorsqu’on leur a demandé combien étaient d’accord. À l’unanimité, l’UDC a rejeté la loi sur la protection du climat. Une défaite pour le conseiller fédéral Albert Rösti, mais qu’il sûrement pourra surmonter.
(Adaptation par Lliana Doudot)