Les discounters allemands Aldi et Lidl, nouveaux temples du bio en Suisse? Cette gamme de produits coûte jusqu'à 25% moins cher dans ces magasins. En cause notamment, les marges plus importantes encaissées par Migros et Coop. Le magazine «Bon à Savoir» a mené l'enquête et a découvert que certains aliments sont vendus jusqu'à 110% plus cher par les géants oranges que ce qu'ils sont payés aux producteurs.
Les ventes de produits bio sont au point mort en général en Suisse, écrit «24 heures». Bio Suisse publiera ses chiffres 2023 au courant du mois d'avril, mais la perception du bio — trop cher, réservé aux plus fortunés — est déjà connue du secteur. Et ne va pas s'améliorer. La plupart des produits «verts», analysés par le «moniteur des prix» de la Haute École spécialisée du nord-ouest de la Suisse, sont soit plus chers, soit n'ont pas bougé depuis l'an dernier.
Tranches de bœuf quasi 16 francs plus chères
Comment expliquer qu'Aldi et Lidl parviennent à vendre du lait, des yaourts, des œufs et de la farine bio et suisse meilleur marché que les grands magasins historiques de notre pays? D'une part, il y a les fameuses marges. Les discounters ne paient pas moins les agriculteurs, puisque les produits suisses et bio répondent aux mêmes directives, quel que soit le magasin où ils sont vendus, souligne «24 heures».
Pourtant, les tranches de bœuf biologiques sont 49,90 francs à Lidl et Aldi, contre 65,75 francs à la Migros ou à la Coop, rapporte le quotidien vaudois. Pour illustrer les marges confortables des géants oranges, «Bon à Savoir» prend également l'exemple de la truite bio. Elle est achetée 27 francs le kilo aux producteurs, mais il faut débourser 60 francs pour l'achat en magasin.
Payer pour un logo
La RTS indique par ailleurs que la Migros réalise quatre fois plus de bénéfice brut sur les oignons bios que sur les oignons conventionnels. De son côté, Aldi Suisse explique au média de service public qu'il applique les mêmes marges sur les produits sans pesticides et sur leurs versions classiques.
Un autre facteur expliquant ces prix cassés chez les discounters vient des labels officiels. Lidl et Aldi ne paient pas la licence Bio Suisse, qui permet aux distributeurs d'imprimer le Bourgeon sur les emballages, expliquent «Bon à Savoir» et «24 heures». Mais pour ce faire, il faut verser à l'organisation faîtière du bio 0,9% du chiffre d'affaires réalisé avec les produits verts. Aldi et Lidl vendent donc les mêmes produits d'entreprises Bio Suisse proposés aussi par Coop et Migros, mais sans le Bourgeon, ce qui en réduit le prix.
Observatoire des marges étudié aux États
Avec des prix considérés comme exorbitants, le bio est boudé par beaucoup de consommateurs, et l'agriculture durable n'est pas valorisée. Christophe Darbellay, président du Conseil d’État valaisan, veut que ça bouge. Pour le ministre centriste, interrogé par la RTS, les marges des grands distributeurs représentent «un risque de disparition de l'agriculture». Il appelle à la création d'un observatoire national des marges.
Une initiative déposée par l'ancienne conseillère nationale verte Isabelle Pasquier-Eichenberger est actuellement en commission du Conseil des États. Pour contrôler les marges, le texte propose notamment de forcer les distributeurs à ouvrir leur comptabilité. Un outil qui existe depuis 20 ans en France.