Salle de réunion à Berne, mercredi soir : Simonetta Sommaruga est plongée dans une conférence zoom. Elle prend la parole, visiblement émue du rapport sur les feux de forêts en Californie qu'elle vient d'entendre, une main droite posée sur son coeur: «Cela me fend le cœur de constater à quel point la situation a dû être effrayante».
A l'autre bout de la ligne, les interlocuteurs montrent des signes ostentatoires de perplexité. «On n'entend rien» et «Je crois qu'elle est en sourdine», murmurent les gens. Sommaruga remarque l'agitation et jette un regard interrogateur à son technicien. «Désolé», dit-il, et il s'empresse d'attraper la souris. Nouvelle tentative : «Pouvez-vous m'entendre, à présent?» demande Sommaruga en souriant.
Depuis une année, les micros éteints, les filtres malencontreux et les images pixelisées ont largement envahi notre quotidien de travailleurs à la maison. Sauf qu'ici, il ne s'agit pas d'une réunion ordinaire: c'est une visite officielle de la conseillère fédérale chargée de l'environnement en Californie.
En effet, Simonetta Sommaruga y a tenu des visites de travail toute la semaine sans que le PC-24 du Conseil fédéral n'ait décollé de Berne-Belp pour San Francisco. C'est le premier «voyage vert» d'une conseillère fédérale. Tout s'est déroulé virtuellement : visites d'entreprises, événements conjoints et entretiens bilatéraux avec des responsables politiques.
Les drones et le décalage horaire
«Il s'agit d'un test», explique Sommaruga à Blick. «Avec un voyage virtuel, vous économisez beaucoup de temps et de CO2. Ce genre de pilote a donc du potentiel.» En Californie, des drones sont même utilisés pour que la conseillère fédérale ait l'impression de se trouver dans le «Golden State». La mise en œuvre technique est un exploit. Une douzaine de personnes sont à la manoeuvre.
«J'ai l'impression d'être sur le terrain en Californie», s'enthousiasme Simonetta Sommaruga. Les réunions sont programmées en temps réel, malgré un décalage horaire de neuf heures. Le mercredi fut à cet égard une journée marathon pour la ministre de l'Environnement, qui a commencée le matin avec la réunion du Conseil fédéral et a enchaîné les réunions virtuelles avec la Californie jusque dans la soirée. «Arrêtons-nous là», dit une Sommaruga visiblement fatiguée, peu avant 22 heures.
Le changement climatique frappe durement la Californie
La conseillère fédérale a choisi la Californie en raison du changement climatique. L'État est durement touché par ce phénomène. Année après année, de nouveaux tristes records sont établis lors de la saison des feux de forêt. 2020 a été la pire année jamais enregistrée. 18 000 miles carrés de terres carbonisées, soit environ la moitié de la superficie de la Suisse.
Les photos prises à San Francisco en septembre dernier ont fait le tour du monde. Pendant des jours, la nuit ne tombait plus, le ciel rougeoyait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
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Dans la métropole de San Diego, le ciel a été obstrué durant des semaines par la fumée des forêts se consumant. La qualité de l'air a par moment atteint la valeur alarmante de 220, soit deux fois plus que le même jour dans l'enfer du smog chinois de Pékin.
«La Suisse est également touchée par le changement climatique, bien que dans une moindre mesure que la Californie», a déclaré Simonetta Sommaruga. «C'est un problème mondial. L'objectif de cette visite de travail est de tirer des enseignements de l'expérience du Golden State.» À cette fin, la ministre de l'environnement a rencontré, entre autres, le lieutenant-gouverneur de la Californie, Eleni Kounalakis. Une conversation privée pour laquelle Blick a dû quitter la salle de réunion.
Des bugs à répétition
Techniquement, tout ne s'est pas passé comme sur des roulettes lors de ce premier voyage virtuel. Mardi, un représentant de l'Office fédéral de l'environnement a voulu montrer aux Américains une vidéo sur les parcs nationaux suisses. En Californie, les extraits sons passés - mais sans le son.
Une autre anicroche s'est produite mercredi lors d'une visio-conférence zoom, lorsque l'image d'un expert ne cessait de se figer. Son collègue de l'Agence californienne des forêts et de la protection contre les incendies a fait pire. Sommaruga a écouté ses explications grésillantes pendant des minutes sans pouvoir en saisir un mot. À un moment donné, l'un des participants de San Francisco en a assez et lâche : «Si tu éteins la vidéo, ça pourrait s'améliorer.» Sommaruga sourit.
Stadler Rail en Californie
Dans d'autres conversations de haut profil, les choses se sont toutefois mieux passées, par exemple lors de l'échange entre la Conseillère fédérale, le milliardaire suisse Hansjörg Wyss et l'ex-candidat à la présidence des États-Unis Tom Steyer. La connexion est restée stable tout au long de l'entretien. Ce fut aussi le cas pour les visites virtuelles chez le fabricant d'électronique Tesla et le fabricant suisse de trains Stadler Rail.
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Chez Stadler Rail, on raconte fièrement à Simonetta Sommaruga que le premier train à hydrogène est en cours de construction en Californie. «Les échanges sont importants pour nous. Ces entreprises investissent dans un avenir respectueux du climat, dans des technologies propres et une mobilité qui fonctionne sans combustibles fossiles», déclare la conseillère fédérale. Elle nous quittera, après une longue semaine placée sous la lutte contre le réchauffement climatique, avec ces mots : «Nous continuerons à nous battre».