La ministre des Finances Karin Keller-Sutter applique sa politique d'austérité plus que jamais. Dans le but d'alléger le budget de la Confédération de plus de quatre milliards de francs, un groupe d'experts avait proposé 60 mesures début septembre. Le Conseil fédéral a repris la plupart d'entre elles.
Karin Keller-Sutter met ainsi ses collègues dans l'embarras. Les économies sont en effet réalisées dans presque tous les domaines – une «symétrie» des sacrifices, en somme. En coulisses, les conseillers fédéraux ont donc marchandé concernant les mesures. C'est ce que montrent des documents internes à l'administration que Blick a obtenus en vertu de la loi sur la transparence. Voici quatre exemples de négociations faites en privé.
Retraits en capital des deuxième et troisième piliers
Un sujet en particulier a suscité l'émotion du public. Le Conseil fédéral propose d'augmenter les impôts sur les retraits de capitaux des deuxième et troisième piliers. Aujourd'hui, ce capital est moins imposé que, par exemple, la perception d'une rente AVS. La commission d'experts a souligné que l'Etat gagnerait ainsi 200 millions de francs par an.
Le PLR s'est emporté et a même déposé une pétition contre cette mesure – s'attaquant ainsi à sa propre conseillère fédérale. Celle-ci a toutefois laissé son parti sur sa faim: son département a même explicitement demandé de poursuivre ces adaptations. Même si les avantages sont «difficilement justifiables» et «potentiellement nuisibles du point de vue de la politique sociale», a-t-on fait remarquer. Ni son collègue PLR Ignazio Cassis ni aucun autre membre du Conseil fédéral ne s'est opposé à la hausse de l'imposition.
Prestations transitoires
L'administration des finances du département de Karin Keller-Sutter voulait supprimer la rente transitoire pour les chômeurs âgés. Il y a quatre ans, cette prestation avait été adoptée à la hâte par le Parlement afin de couper l'herbe sous le pied de l'initiative de limitation de l'UDC à propos de l'immigration. Le but était de ne pas pousser les Suisses à se retourner contre la libre circulation des personnes par craintes économiques.
La ministre de l'Intérieur Elisabeth Baume-Schneider a à présent estimé que la suppression de ces prestations n'était pas une bonne idée. Et ce, par crainte que cela ne fasse l'affaire des opposants à la prochaine initiative de l'UDC. «L'abandon de cette mesure devrait être réexaminé au vu du potentiel d'économie relativement faible, tout en considérant son impact symbolique élevé – notamment par rapport à la prochaine votation sur la Suisse à 10 millions», note le département de l'Intérieur. Cela a convaincu: le Conseil fédéral a supprimé la mesure du paquet d'économies.
Impôt foncier et impôt sur le tabac
La gauche a qualifié le plan d'économies d'«attaque frontale contre la Suisse sociale». Selon ses partisans, il faudrait aussi s'attaquer aux recettes au lieu de se contenter d'économiser.
Cette demande n'a toutefois pas trouvé une oreille attentive au Conseil fédéral. Les conseillers fédéraux du PS Elisabeth Baume-Schneider et Beat Jans voulaient poursuivre l'introduction d'un impôt sur les gains immobiliers au niveau fédéral. Un bénéfice fait lors de la vente d'un bien immobilier devrait ainsi être imposé. La ministre des Finances a rejeté ces propositions: ce serait entrer en concurrence avec les cantons qui prélèvent déjà un tel impôt.
Sans aucune chance de succès, Elisabeth Baume-Schneider a fait sa propre proposition pour réaliser des profits: augmenter nettement l'impôt sur le tabac. Cette proposition est restée lettre morte.
Encouragement à la construction de logements
Sur proposition de la commission d'experts, les fonds destinés à la promotion de logements abordables devaient être supprimés. D'ici 2027, la Confédération aurait ainsi économisé 26 millions de francs. Le ministre de l'économie Guy Parmelin et le ministre de la justice Beat Jans ont fait remarquer que l'on ne respecterait ainsi pas une décision populaire récente.
Après le rejet de l'initiative sur le logement 2020 par les citoyens suisses, un contre-projet indirect est entré en vigueur. Le Conseil fédéral est donc obligé de soutenir la construction de logements d'utilité publique. Ce projet aurait été empêché par la mesure d'économie.
Les débats enflammés sont encore à venir
Même sur les points où les partis et les associations se sont parfois violemment opposés, les conseillers fédéraux ont laissé passer de nombreuses propositions d'économie. Les conseillers fédéraux du PS ne se sont pas engagés en faveur des crèches, pas plus que le ministre de l'agriculture Guy Parmelin n'a pris la défense des agriculteurs. Au lieu de cela, les départements se sont souvent contentés de remarques provisoires lors de la consultation.
Mais non sans raison: les grandes batailles à ce propos sont encore à venir. Le débat ne deviendra plus enflammé que lorsqu'il s'agira d'examiner le projet mis en consultation, puis les propositions définitives. Et c'est lorsque le paquet d'économies sera finalement soumis au Parlement que les choses se gâteront vraiment. Jusqu'à présent, le Parlement s'est montré moins enclin à faire des économies que le gouvernement national.