Serge Gaillard était syndicaliste. Aujourd'hui, il donne des sueurs froides à la gauche. Le Conseil fédéral et la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, a mis en place autour du professeur de l'Université de Berne un groupe d'experts pour déterminer où la Confédération peut faire des économies afin de combler le trou de plusieurs milliards.
Serge Gaillard préside l'équipe qui a présenté jeudi plus de 60 mesures, provoquant l'ire du Parti socialiste et des syndicats. Quelles propositions ont des chances d'aboutir? Et quelle est la prochaine étape? Blick vous présente une aperçu des différentes mesures proposées.
Sur l'AVS
Une proposition concernant le financement de l'AVS est particulièrement critiquée par la gauche. La Confédération participe elle aussi aux coûts de l'AVS. Désormais, les contributions fédérales devraient être dissociées des dépenses de l'AVS et couplées à l'évolution de l'économie. Ainsi, la Confédération devrait payer moins.
Potentiel d'économies: 289 millions de francs d'ici à 2030.
Potentiel de conflit: Important. Une baisse de la contribution fédérale est déjà discutée pour le financement de la 13e rente AVS. La proposition n'a pas été retenue lors de la consultation. Malgré tout, le Conseil fédéral s'y tient pour la 13e rente AVS.
Sur l'armée
L'ampleur des économies à réaliser dépend également du nombre de milliards que l'on souhaite consacrer à l'armée. Qu'elle doive s'équiper en raison de la guerre en Ukraine est compréhensible. Mais aux frais de qui? Le groupe d'experts a également examiné ce que cela signifierait si les dépenses de défense augmentaient moins que prévu.
Potentiel de conflit: Elevé. Avant même de se prononcer sur les propositions d'économies, le Parlement prendra des décisions d'orientation concernant l'armée. Celles-ci auront des répercussions sur les autres plans d'économies.
Sur les familles
Le groupe d'experts recommande que la Confédération se retire de domaines de tâches qui relèvent de la compétence des cantons. L'accueil des enfants en est un exemple, pour lequel la Confédération pourrait cesser complètement de verser ses subventions ainsi que l'extension prévue.
Potentiel d'économies: Près de 900 millions de francs d'ici à 2030.
Potentiel de conflit: Moyen. Le PS n'a pas l'intention d'approuver, lors des prochains débats, un budget qui se ferait au détriment des personnes, a-t-il annoncé. Malgré tout, la proposition d'économie a de bonnes chances. En effet, la variante plus coûteuse ne trouvera probablement pas de majorité au Parlement bourgeois.
Sur la migration et l'asile
La Confédération doit davantage axer l'intégration des réfugiés sur le marché du travail afin de réduire les coûts de l'aide sociale. En outre, elle ne devrait plus verser les forfaits pour les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire aux cantons que pendant quatre ans au lieu de cinq ou sept. Cela permettrait de réduire considérablement les paiements de la Confédération.
Potentiel d'économies: 500 millions de francs au total d'ici à 2030.
Potentiel de conflit: Moyen à élevé. Il y a un consensus au Parlement sur le fait que les demandeurs d'asile doivent être rapidement intégrés dans le marché du travail. Le grand point d'achoppement sera la mise en œuvre. Dans la réalité, l'intégration sur le marché du travail s'avère déjà difficile aujourd'hui. Il faut s'attendre à ce que les cantons s'opposent avec véhémence à la réduction du forfait d'intégration.
Sur le climat et l'énergie
Afin de freiner le réchauffement climatique et d'accélérer le passage aux énergies renouvelables, la Confédération verse de nombreuses subventions. Trop, selon le groupe d'experts. Dans le domaine du bâtiment, beaucoup peut être fait avec des prescriptions techniques, par exemple pour le remplacement des chauffages. Cela ne nécessite pas de subventions.
Mais: «Il n'est pas facile de supprimer les subventions», a déclaré Serge Gaillard. Si cela ne permet plus d'atteindre entièrement les objectifs climatiques, le groupe d'experts recommande de miser davantage sur les taxes sur le CO2, qui sont toutefois redistribuées à la population. Ceux qui émettent moins de CO2 peuvent ainsi gagner de l'argent.
Potentiel d'économies: 435 millions de francs d'ici à 2030.
Conflit potentiel: Moyen. Si les cantons édictent davantage de prescriptions, ils devront éventuellement modifier leurs lois sur l'énergie, ce qui nécessitera des votations populaires – comme en 2020 dans le canton d'Argovie (non) ou en 2021 à Zurich (oui). Les taxes d'incitation pourraient redevenir un sujet de discussion.
Sur les transports
La Suisse est un pays ferroviaire. Pour le financer, il existe notamment le fonds d'infrastructure ferroviaire. Pour le groupe d'experts, il est envisageable d'y injecter moins de fonds. Le fonds pour les routes nationales pourrait également recevoir moins d'argent. Pour cela, les projets d'extension prévus devraient être revus selon les priorités et éventuellement stoppés. En revanche, il ne devrait pas y avoir de coupes dans les réparations.
Le portefeuille des pendulaires pourrait également être touché. Pour le trafic régional, par exemple, par un financement plus important des usagers sous forme d'augmentation des tarifs. Parallèlement, les contributions fédérales pourraient être réduites de 5%. Des économies pourraient aussi être réalisées dans le trafic marchandises et les trains de nuit.
Potentiel d'économies: Fonds ferroviaire 200 millions, fonds routier 96 millions de francs.
Conflit potentiel: Moyen. Le fonds ferroviaire a déjà été utilisé l'année dernière pour rendre le budget conforme au frein à l'endettement. Il est déjà bien rempli. Les exercices d'économie sur le dos des pendulaires ou sur la promotion des trains de nuit, qui vient d'être décidée, risquent d'être plus impopulaires. Pour les routes nationales, il faudrait peut-être une votation populaire – et les intérêts régionaux s'y opposent.
Sur l'administration fédérale
L'administration fédérale a trop de chair sur les os – elle doit s'alléger. Le groupe d'experts voit un potentiel de gain d'efficacité. Les nouvelles tâches doivent être accomplies avec les ressources existantes. Les salaires des fonctionnaires pourraient également être revus à la baisse. Par exemple, en limitant les augmentations annuelles des salaires individuels au niveau de l'économie privée.
Potentiel d'économies: 300 millions de francs d'ici à 2030, dont les deux tiers proviendraient de coupes dans le personnel. Un poste est estimé en moyenne à 150'000 francs, ce qui signifie que 1300 postes (soit 3% cent de tous les postes) pourraient ainsi être supprimés.
Potentiel de conflit: Faible. Les bourgeois réclament depuis longtemps une réduction des effectifs de l'administration fédérale. Et la gauche ne devrait pas non plus s'y opposer outre mesure, pour elle, il y a des chantiers plus importants.
Sur la santé
Les coûts pour la Confédération augmentent en raison de sa participation aux réductions de primes. Afin de contrôler la croissance des coûts, la Confédération et les cantons doivent fixer des taux cibles de croissance. La part fédérale ne doit augmenter qu'au même rythme que ces objectifs. S'ils sont dépassés, les cantons devront payer davantage. Cela augmente la pression sur eux pour qu'ils freinent la croissance des coûts.
Potentiel d'économies: 80 millions de francs d'ici 2030.
Potentiel de conflit: Moyen. L'introduction de valeurs cibles est déjà prévue. L'élément décisif pour la Confédération sera de convaincre les cantons de lier la contribution fédérale à la réduction des primes à ces objectifs de croissance.
Négociations à venir avec les cantons
Les mesures du groupe d'experts sont des propositions non contraignantes. Le Conseil fédéral veut maintenant en discuter lors de tables rondes avec les Cantons, les partis et les partenaires sociaux. Ce n'est qu'ensuite que le Conseil fédéral établira un plan d'économies définitif.
La résistance sera grande. Et pas seulement de la part de la gauche. Les cantons sont importants au Palais fédéral et disposent d'un grand lobby avec leurs conseillers aux Etats. Ils devraient tenter de torpiller de nombreuses propositions d'économies.
Le rôle du parti du Centre pourrait être décisif. Dans une première prise de position, il demande que les recettes soient également examinées. Là, le groupe d'expert mise sur moins de propositions: les avantages fiscaux devraient être supprimés et un taux de TVA unique est discuté.
Il est bien possible qu'au final, il ne reste presque rien des 60 mesures. Le Parlement doit trouver des compromis. Pour l'instant du moins, ceux-ci ne sont guère en vue.