Le débat sur les finances fédérales entre dans une phase critique. A huis clos, une équipe d'économistes a passé le budget de la Confédération au peigne fin. Dès mercredi prochain, la commission d'experts mise en place par la ministre des Finances Karin Keller-Sutter et dirigée par Serge Gaillard, ancien chef de l'administration des finances, pourrait présenter ses propositions d'économies au Conseil fédéral. Celles-ci sont restées secrètes jusqu'à présent, mais ce que la «NZZ am Sonntag» vient de dévoiler pourrait déclencher un séisme politique: le budget de l'armée devrait en prendre un sérieux coup.
Selon les informations de nos confrères, la commission propose de freiner la croissance des dépenses de défense, ce qui pourrait permettre à la Confédération d'économiser plusieurs centaines de millions de francs par an. Au lieu des 6,14% prévus, les dépenses de l'armée devraient seulement augmenter de 4,25%. Ce qui semble n'être qu'une petite correction pourrait toutefois avoir des conséquences navrantes: l'armée mettrait du temps à être pleinement opérationnelle. C'est surtout au niveau des troupes au sol que des sérieuses lacunes apparaîtraient.
Controverse à Berne
Cette proposition est controversée. La ministre de la Défense Viola Amherd veut renforcer l'armée depuis l'attaque russe contre l'Ukraine. Le Parlement a également décidé d'augmenter le budget de la défense à 1% du produit intérieur brut d'ici à 2035.
Les experts dirigés par Serge Gaillard remettent désormais fondamentalement en question cette décision et argumentent qu'une attaque sur le sol suisse est peu probable à l'avenir. Ils recommandent plutôt d'orienter l'armée vers des menaces réelles telles que les cyberattaques et les attaques aériennes.
Une idée qui fait frémir à Berne. Le conseiller aux États de l'Union démocratique du centre (UDC) bernois Werner Salzmann est remonté. Il avertit que l'armée ne doit pas être à nouveau négligée. «Je suis perplexe que cette commission d'économie se permette de remettre en question des scénarios de menace largement soutenus politiquement», déclare-t-il à la «NZZ am Sonntag». La conseillère aux États argovienne du Centre Marianne Binder se montre elle aussi critique: «On ne repousse pas des missiles ennemis avec des ordres d'économies.»
Viola Amherd reste calme
«Ce sont des experts en finances, pas en questions de sécurité. Que ce groupe veuille mieux évaluer la situation sécuritaire que les spécialistes est prétentieux», déclare le conseiller national libéral-radical schwytzois Heinz Theiler. A la Société suisse des officiers, on s'alarme également. «L'armée est traitée en parent pauvre», s'insurge le président Dominik Knill, qui réclame une action rapide.
Mais la droite n'est pas la seule à s'agiter. La gauche aussi s'en mêle. Pour le Parti socialiste (PS) et les Vert-e-s, cette idée d'économie tombe à pic. «Une guerre sur le sol suisse reste irréaliste», déclare la conseillère nationale zurichoise des Vert-e-s Marionna Schlatter. Il vaudrait mieux consacrer les fonds à la lutte contre le changement climatique ou aux cyberattaques.
De son côté, la ministre de la Défense Viola Amherd ne voit pas de quoi s'agiter. Lors d'une séance de la Commission de la politique de sécurité à la mi-août, elle aurait laissé entendre qu'elle considérait que les propositions de la Commission des économies n'avaient absolument aucune chance et qu'aucune proposition d'économie ne passerait le cap au Parlement. Les fronts se sont durcis, la lutte de pouvoir autour des finances de l'armée est menée avec acharnement.