L'un des bailleurs est conseiller cantonal des Vert'libéraux
Ses propriétaires refusent de lui installer des WC handicapés

Pascal Heggendorn est en fauteuil roulant. Il a besoin d'une salle de bains adaptée à son handicap dans son appartement. Mais les propriétaires s'y opposent. L'un des deux bailleurs est conseiller cantonal des Vert'libéraux… et s'engage pour les droits des locataires.
Publié: 08.11.2023 à 09:45 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2023 à 10:06 heures
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Pascal Heggendorn, de Lucerne, est désespéré: il a d'urgence besoin d'une salle de bains adaptée aux personnes handicapées.
Photo: Linda Käsbohrer
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Nicolas Lurati et Janik Leuenberger

Le politique Lorenz Ilg est dans la tourmente. Ce député du canton de Schwyz et son frère sont propriétaires d'un immeuble à Rickenbach, dans le canton de Lucerne. Jusqu'ici, tout va bien.

Ce membre du comité directeur des Vert'libéraux suisses est également membre de l'association Casafair. Selon ses propres dires, l'association en question s'engage pour une construction respectueuse du climat, un lieu de vie sain, une utilisation mesurée du sol et des rapports de location et de voisinage équitables. Tout va toujours bien.

Mais Lorenz Ilg doit actuellement faire face à de violents reproches de la part… d'un locataire. Et pas n'importe lequel. Pascal Heggendorn reproche au politicien de ne pas avoir de cœur. Le cinquantenaire habite avec sa femme Eveline et son fils Ryan dans une maison. Depuis des années, le locataire se bat pour pouvoir installer dans son appartement une salle de bains adaptée à ses besoins. Mais les bailleurs Ilg s'y opposent. Pourtant, cette demande est nécessaire et urgente au bien du locataire. Et pour cause, Pascal est en fauteuil roulant. 

Aller aux toilettes est une torture

Par conséquent, le locataire inhabilité ne se douche que lorsqu'il en a la force. Le rentier à l'AI raconte à Blick: «Ma femme m'aide à me glisser dans la douche.» Aller aux toilettes est également une torture. Sa femme est là pour le soutenir. «Non sans difficulté, elle me hisse sur la cuvette», explique la personne en situation de handicap. Ces manœuvres les laissent tous les deux complètement à bout de souffle, se désole le couple.

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«Cela me simplifierait la vie, mais ils n'ont pas de cœur»
Pascal Heggendorn
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La solution la plus simple serait d'aménager la salle de bain pour les personnes à mobilité réduite. Une douche au niveau du sol, une cuvette plus longue et une barre d'appui pour les toilettes. «Je pourrais enfin utiliser la salle de bains tout seul», explique le père de famille.

L'AI serait prête à payer pour la transformation. Et c'est là que les frères Ilgs entrent en jeu. Les bailleurs s'opposent aux travaux, bien qu'il n'y ait aucun frais à leur charge. Pascal Heggendorn est profondément blessé: «Cela me simplifierait la vie, mais ils n'ont pas de cœur. Il ajoute: L'AI paierait aussi une éventuelle démolition de la salle de bains.» Cette fois encore, aucun franc ne serait demandé aux frères Ilg.

«Ils veulent que nous quittions l'appartement»

Les propriétaires n'en ont apparemment rien à faire. Ils s'obstinent. Pascal Heggendorn raconte les échanges: «Le frère de Lorenz Ilg, qui est notre interlocuteur, dit qu'il veut d'abord un rapport médical détaillé avec mon diagnostic médical.» Mais l'homme ne se laisse pas faire: «Cela ne le regarde pas.» Ils ont déjà son certificat médical du médecin de famille, précise l'homme. «Cela devrait suffire!»

Mais ce n'est pas tout: «Le bailleur veut aussi inspecter tout l'appartement pour se faire une idée», s'indigne le locataire. «Pourtant, un coup d'œil dans la salle de bain suffirait à comprendre le problème. En quoi cela concerne-t-il Monsieur Ilg de savoir à quoi ressemble notre chambre à coucher, alors qu'il s'agit de transformer la salle de bains? Je ne veux pas que mon bailleur fouille dans mon appartement.» Point barre.

Pascal Heggendorn ne comprend pas pourquoi ses bailleurs s'opposent à ce point à sa demande, pourtant légitime. Mais il a sa petite idée: «Ils veulent que nous quittions l'appartement.»

Les bailleurs prennent position

Confrontés par Blick, les frères Ilg réfutent formellement ces déclarations. «Loin de nous l'idée d'expulser les Heggendorn de leur appartement.» Au contraire, ils sont intéressés à «trouver une solution équitable et viable pour les deux parties», affirment les bailleurs.

Ils soulignent qu'ils ne sont pas non plus sans cœur. Dans les «derniers temps difficiles», ils n'ont augmenté ni les charges ni le loyer. Et ce, malgré «l'augmentation massive des coûts dans le secteur de l'énergie» et la hausse du taux d'intérêt de référence. «Il ne s'agit pas d'un manque d'empathie, mais plutôt de bailleurs agissant de manière socialement responsable.»

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«Il ne s'agit pas d'un manque d'empathie, mais plutôt de bailleurs agissant de manière socialement responsable»
Les frères Ilg
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Concernant la transformation de la salle de bain, ils estiment n'avoir pas assez d'informations en main. «Jusqu'à présent, nous attendons des documents concrets, comme des plans de transformation précis ou une explication de l'artisan mandaté par l'AI pour comprendre la situation concrète sur place. Ce n'est qu'à partir de ces documents que nous pourrons signer l'accord demandé, mais pas à l'avance avec une déclaration d'accord en blanc sans clarification préalable de la manière dont l'éventuelle démolition sera effectuée.» 

Preuves du contraire

Blick dispose toutefois d'un document dans lequel un artisan énumère concrètement divers travaux de transformation dans la salle de bains d'Heggendorn. Des photos de la situation actuelle ainsi qu'un croquis du plan accompagnent ce document. La lettre est adressée au frère de Lorenz Ilg.

Les Ilgs estiment que les souhaits de transformation de la famille auraient pu être discutés lors d'une visite sur place. Mais le locataire s'est braqué en «invoquant sa sphère privée. Nous n'avons aucune intention de fouiller un appartement privé et nous ne l'avons d'ailleurs jamais fait.»

Les frères estiment aussi avoir besoin d'un rapport médical détaillé pour s'assurer que la transformation est médicalement nécessaire. Dans le «très bref certificat» du médecin de famille de Heggendorn, il est seulement écrit qu'une «adaptation de la construction de la zone de douche et de bain est indiquée d'un point de vue médical». Il n'y aurait rien sur une «nécessité établie». «Et manifestement, les soins corporels de Monsieur Heggendorn fonctionnent encore aujourd'hui dans la situation actuelle.»

«Je n'en peux plus»

Au fond, les propriétaires continuent de proclamer leur ouverture à propos de la transformation de la salle de bains: «Nous étions – et sommes toujours – ouverts à une demande bien fondée.»

Malgré son certificat médical et la prise en charge de l'AI, les Ilgs ne sont pas convaincus. Il en faudra plus aux bailleurs pour prouver que la transformation est médicalement nécessaire. De son côté, le locataire est à bout: «Je n'en peux tout simplement plus.»

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