Pour la première fois, les politiciens doivent publier leur budget de campagne lors des élections nationales actuelles. Ceux qui génèrent plus de 50'000 francs doivent communiquer ces chiffres au Contrôle fédéral des finances. Les noms des personnes ou des organisations qui font des dons de plus de 15'000 francs doivent également être publiés.
Dans la réalité, le système de divulgation est beaucoup plus compliqué. La réglementation laisse aux politiciens une certaine marge de manœuvre pour ne pas déclarer les dons. La possibilité la plus simple est qu'un comité électoral intercale une association de donateurs entre le donateur et la campagne. Ainsi, seul le montant versé par l'association de donateurs apparaît dans la campagne. Celui qui verse de l'argent à l'association de donateurs n'est pas enregistré, et reste dissimulé.
Donateurs, soutiens, amis
Les données publiées par le contrôle des finances montrent qu'il existe de nombreuses stratégies de ce type. Par exemple le «Club Bürgerliche 100 SVP AG» (qui soutient la campagne de l'UDC Argovie à hauteur de 100'000 francs), le «Churfirsten-Club SVP SG» (qui verse 20'000 francs pour la campagne de l'UDC Saint-Gall) ou l'«Association des donateurs du PLR Lucerne» (20'000 francs pour la campagne cantonale du PLR).
Pour d'autres, il faut une recherche plus approfondie pour savoir qui profite de l'argent de l'association. L'«Association pour une politique bourgeoise dans le canton de Zoug», par exemple, ne soutient pas de personnes du PLR ou du centre avec ses 95'000 francs de donation, mais exclusivement les 18 candidats de l'UDC du canton de Zoug. L'origine de cet argent n'est pas connue.
Il en va de même pour l'«Association pour une politique orientée vers les solutions». Elle soutient exclusivement la conseillère nationale du centre de Bâle-Campagne Elisabeth Schneider-Schneiter, à hauteur de 120'000 francs. Selon un rapport de la SRF, Elisabeth Schneider-Schneiter a elle-même fondé l'association. La conseillère nationale du centre a déclaré à la SRF: «Je respecte les lois et les règles de transparence. Tout est en ordre.» Elisabeth Schneider-Schneiter, qui est également présidente du conseil d'administration de la banque Raiffeisen de Bâle, révèle tout de même un don de 20'000 francs de celle-ci, en supplément du don de son association.
Double imbrication
Le PLR du canton de Schwyz dispose, lui, d'un système de double imbrication: une association de soutien, qui a elle-même une association de soutien. L'association «Suito 1833» s'appelle «Association de soutien des amis du PLR du canton de Schwyz» et a été fondée il y a 40 ans déjà. L'association «Freunde der FDP» est quant à elle le véritable vecteur de dons pour le PLR cantonal. Selon les documents remis au contrôle financier, «Suito 1833» a toutefois versé les dons de 54'000 francs directement à la campagne du PLR du canton de Schwyz.
L'association des donateurs de l'UDC du canton de Berne s'appelle «Bären-Club» et finance la campagne du conseiller aux Etats UDC Werner Salzmann à hauteur de 30'000 francs. L'UDC du canton de Berne reçoit également la même somme pour sa campagne. Les bailleurs de fonds du club restent eux aussi dans l'ombre.
«Maintenant, nous faisons comme ça»
Le président du «Bären-Club» est le député bernois Thomas Fuchs. Il avait déjà témoigné de son aversion pour les politiques de transparence au printemps 2023, lorsqu'il a tiré les ficelles d'une votation municipale sur les taxes de stationnement. A Berne, des politiques de transparence similaires font que les dons de plus de 5'000 francs doivent être publiés.
En l'espace de quelques jours, le comité de Thomas Fuchs a annoncé à la chancellerie municipale trois dons d'un montant de 4999,50 francs chacun. Les donateurs sont ainsi restés secrets. Thomas Fuchs avoue sans ambages qu'il s'agissait pour lui de contourner la réglementation sur la transparence: «Maintenant, nous faisons comme ça», a-t-il déclaré à l'époque au «Beobachter».
Le Contrôle des finances a certes mis en ligne les déclarations des partis et des candidats sur son site Internet, mais il est difficile de faire plus de recherches sur les données. C'est pourquoi le collectif de recherche de la WAV a mis en place une plateforme pour rendre les annonces du Contrôle des finances accessibles. Toutes les personnes intéressées peuvent s'y rendre pour se faire une idée des candidats et des partis qui bénéficient de dons.
«Il y a trop de lacunes dans la nouvelle législation», déclare le journaliste Balz Oertli du collectif de recherche WAV. «C'est évident: les associations de donateurs, de bienfaiteurs et les autres sont là pour dissimuler l'origine de l'argent.»