«J'ai reçu un email de propagande politique de la part de mon dentiste […]. Cela m'a choqué, non seulement pour des questions déontologiques, mais aussi de non-conformité flagrante avec la Loi sur la Protection des Données.» Ce Lausannois a peu goûté au courriel reçu le 22 septembre dernier, de la part de celui qui fut brièvement, selon ses dires, son dentiste.
Blick a eu accès au document. Dans les faits, le dentiste, Olivier Marmy, conseiller communal (législatif) libéral-radical (PLR) à Lausanne, y annonce sa candidature au Conseil national pour les élections du 22 octobre. En préambule, il mentionne le rôle des représentants des professions médicales dans le débat public, notamment concernant le système de santé et son maintient.
L'email se termine sur une formule prudente. L'élu local proposant en substance aux patients qui jugeraient le courrier inopportun de ne pas en tenir compte.
Utile pour des rendez-vous, pas de la politique
Pas suffisant pour le Lausannois mécontent. «Il me semble que les données doivent être collectées dans un but précis. Et surtout, utilisées dans le but pour lequel elles ont été recueillies», tance le patient.
Il reconnaît l'utilité pour un médecin d'obtenir les adresses de sa patientèle, pour confirmer des rendez-vous. Éventuellement pour partager des informations annexes, comme la tenue d'une conférence médicale, ou «à la limite», pour présenter un produit. «Ce qui me gêne ici, déplore le Vaudois, c'est que c'est politique».
Pas l'intention de nuire
Justement. Au moment de justifier sa démarche, le médecin-dentiste partage son engouement pour son rôle politique, peut-être exprimé un peu maladroitement à travers le courriel. «Les questions liées au domaine de la santé, surtout actuellement, me tiennent vraiment à cœur, glisse-t-il à Blick au bout du fil. Bien sûr, j'ai un avis PLR sur la question, mais là n'est pas l'essentiel. En admettant que je sois élu, je m'investirais sur ce sujet de toutes mes forces, avec passion, sincérité et indépendance, confie Olivier Marmy. C'est dans cette idée que j'ai contacté mes patients. Je n'avais pas l'intention de nuire à quiconque.»
Le médecin «entend bien la question soulevée par le patient. Le fichier mail était-il réellement destiné à cela? Cet envoi était un peu à la marge, c'est vrai». Reste que de «nombreux commentaires très positifs» lui sont parvenus, notamment de patients de longue date qui «ont apprécié être prévenus». La démarche était spontanée et peut-être «candide», reconnaît le prétendant à la Chambre basse, qui a eu «la conviction de faire quelque chose de bien».
Dénonciation à la faîtière des dentistes
Mais qu'en est-il de la Loi sur la protection des données? Le patient qui s'en est offusqué a dénoncé l'e-mail et la pratique à la Société suisse des médecins-dentistes (SSO). Olivier Marmy est membre du comité, et la faîtière tarde à répondre. «Je me demande s'ils comptent prendre des mesures, questionne le patient. Je pense qu'ils savent que c'est délicat puisqu'ils ne répondent pas.»
Il a ainsi fait de même, de manière anonyme, auprès de la Confédération. Pour cela, il a utilisé le Formulaire d’annonce des violations des prescriptions de protection des données (pour les tiers).
Cette plateforme en ligne demande à l'utilisateur qui se plaint, s'il a contacté en primeur la personne dont il se plaint? Le Lausannois ne l'a pas fait. «Il n'aurait peut-être jamais lu mon courriel. Et puis m'enlever de la liste de diffusion ne l'empêche pas de continuer à écrire à d'autres.»
Manifester son mécontentement
Maître Nicolas Capt, avocat spécialisé notamment en droit des technologies et de la réputation, parle d'une «judiciarisation de notre société. J'ai reçu plusieurs emails similaires, notamment de la part de divers professionnels impliqués en politique, alors que je ne suis affilié à aucun parti. J'estime, à titre personnel, qu'il est toujours possible de répondre que le contenu du message ne nous intéresse pas.»
En termes de conformité à la loi sur la protection des données, «cela peut être conçu comme un détournement de finalité. Ce n'est en effet pas conforme à la raison pour laquelle le patient a donné son adresse. Cela étant, il y a des cas plus choquants dans le domaine...»
Les bonnes pratiques peuvent-elles venir des associations professionnelles? «Pourquoi pas, mais leurs règles ne sont pas contraignantes, nous rappelle Maître Capt. Cela dit, une ligne de conduite émanant des professionnels peut constituer une base à suivre.»
C'est ce qu'a décidé de faire Olivier Marmy. «La SSO est un peu ma maison et je la laisse répondre de ce reproche qui porte plutôt sur la déontologie. Je ne veux pas me mêler du processus. J'accepterai sa délibération, car j'ai une grande confiance en notre politique professionnelle. J’ai une longue expérience, conclut le candidat au Conseil national. Jamais je n’aurais entrepris une action non conforme à notre code de déontologie!»