Le mot crise contient en chinois le terme opportunité. Cette originalité linguistique nous permet de bien décrire le comportement sournois de certains locataires qui tournent la crise du logement en leur faveur. Alors que certaines personnes à la recherche d'un logement sont au bord du désespoir, en particulier dans les grandes villes, quelques locataires profitent de leur situation. L'astuce est la suivante: les locataires hors délai qui ont la possibilité de trouver un remplaçant se font payer très cher leur recommandation du nouveau locataire à leur régie de l'immeuble.
Martina P.*, une lectrice de Blick, a fait part de son expérience d'un abus flagrant de position. Elle a longtemps cherché un appartement à Zurich qui ne soit pas trop cher et qui – aspect important pour elle – ait un balcon. «J'avais visité plusieurs appartements, mais aucun ne répondait à mes critères.»
Sur la crise des logements
Un traitement de faveur en échange d'argent
Début 2023, un appartement a attiré son attention sur la plateforme immobilière Homegate: deux pièces, bien situé, avec balcon, pour un loyer mensuel plutôt avantageux de 1400 francs. Elle a visité l'appartement «en compagnie d'une centaine d'autres personnes intéressées»! Pour la quarantenaire, c'était une évidence: «C'est l'appartement de mes rêves. Il me le faut!», se rappelle-t-elle avoir pensé à ce moment.
L'ancien locataire qui quitte l'appartement hors délai doit, selon la loi, proposer un nouveau locataire à son bailleur (art. 264 al. 1 CO). Or, dans la situation de Martina P., le locataire a profité de cette obligation pour en tirer un profit. «Il m'a demandé 5000 francs» raconte-t-elle. En échange, il lui a promis de la recommander à la gérance immobilière comme nouvelle locataire pour la reprise de son bail, en ne mentionnant aucune des autres personnes intéressées.
9000 francs de frais au total
L'opération rentable ne s'arrête pas là. Le locataire a également demandé 500 francs pour ses vieux meubles dont il n'avait plus besoin et qu'il ne voulait pas déménager de l'appartement. Un des meubles était d'ailleurs «lourd et usé», rapporte Martina P. Mais elle voulait absolument cet appartement. Sachant que la recommandation du locataire à la régie était importante et qu'il y avait beaucoup de concurrence, elle a non seulement accepté ses conditions et surenchéri avec une condition supplémentaire: «J'ai proposé au locataire de prendre en charge le nettoyage».
L'ancien locataire a recommandé l'unique dossier de Martina P. à sa régie. Et effectivement, Martina P. a obtenu l'appartement de ses rêves. Au total, la recommandation, l'achat des meubles et leur élimination, le nettoyage plus la caution de deux mois de loyer lui auront coûté 9000 francs. «Je le referais» déclare-t-elle malgré tout cela.
Walter Angst, co-directeur de l'association zurichoise des locataires, ne voit pas d'un bon œil le paiement des 5000 francs qu'a effectué Martina P. «Le locataire précédent a agi de manière immorale. Mais une locataire remplaçante aurait peu de chances de succès en intentant une action en justice contre le locataire précédent, bien que celui-ci se soit enrichi sans fournir de prestation» estime-t-il.
Pralinés, photos d'enfants et dessins
D'autres personnes à la recherche d'un logement avec lesquelles Blick s'est entretenu ont vécu des histoires similaires. Tout comme Martina P., elles souhaitent rester anonymes, craignant d'être désavantagés dans leur recherche de logement. Ces dernières décrivent les files d'attente interminables lors des visites d'appartements. «On sait alors qu'il est très peu probable que l'appartement soit attribué», témoigne l'une d'elles. De nombreux candidats ont eu recours à diverses astuces, comme apporter des chocolats lors de la visite ou remettre des dossiers élaborés y joignant des photos montrant leurs enfants par exemple.
D'autres racontent qu'ils joignaient à leur lettre de candidature un dessin qu'ils avaient fait eux-mêmes de leur maison, afin de montrer à quel point ils étaient sérieux dans leur candidature. D'autres encore, ont proposé aux bailleurs de payer un loyer plus élevé que celui figurant sur l'offre. Selon l'association des locataires, cette pratique est illégale: contrairement à la vente d'un appartement, les propriétaires ne peuvent pas simplement conclure le bail avec le plus offrant. Le loyer doit être déterminé sur la base du taux hypothécaire avec l'aide du taux d'intérêt de référence.
*Nom modifié