La Suisse ne réagit pas!
L'Italie fait traîner délibérément des procédures d'asile et nous prend pour des imbéciles

L’Italie cherche à reprendre le moins possible de demandeurs d’asile venus d’autres pays européens, même lorsqu’elle y est légalement tenue. L'exemple de cette famille somalienne l’illustre parfaitement: par son inaction, Rome freine purement et simplement la Suisse.
Publié: 29.04.2025 à 14:34 heures
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Depuis que Giorgia Meloni gouverne l'Italie, le pays ne réadmet plus de demandeurs d'asile, contrairement aux dispositions de l'accord de Dublin.
Photo: Getty Images
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Lucien Fluri

Rien n'a été décidé. Pendant des mois. En décembre 2022 déjà, une famille somalienne avait déposé une demande d’asile en Suisse. Mais aujourd’hui encore, la femme et son enfant ignorent ce qu’il adviendra d’eux. L’homme, lui, a entre-temps disparu. Depuis fin 2022, cette famille attend. Inlassablement. Pendant 28 mois, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) n’a pris aucune décision. Désormais, il n’a plus le choix: le Tribunal administratif fédéral vient d’ordonner aux autorités de trancher. Selon les juges, il ne s'agit que d'un retard juridique.

Au cœur de ce blocage? l’Italie. Et le refus de coopérer de la Première ministre Giorgia Meloni. Ce dossier illustre de façon criante l’indifférence de notre voisin du sud envers la coopération en matière d’asile. Rome refuse de réadmettre des requérants… en ne faisant rien. Un «dolce far niente» assumé par les autorités italiennes, restées passives pendant près de deux ans. Aucun retour, aucune réponse aux sollicitations suisses.

Deux ans au lieu de huit jours

Certes, en mars 2023, l’Italie avait accepté – en principe – de reprendre cette famille, puisqu’elle détenait un permis de séjour en Italie en tant que réfugiée. Mais ensuite… plus rien. Rome n’a plus répondu aux relances de la Suisse. Pourtant, selon l’accord bilatéral de réadmission, les autorités italiennes devaient réagir sous huit jours! Résultat: près de deux ans plus tard, le silence perdure. Le tribunal a donc tranché: la Suisse doit statuer sans attendre davantage la coopération italienne.

Pour le tribunal, l’inaction de la Confédération est incompréhensible. Pourquoi ne pas avoir insisté davantage? Pourquoi avoir accepté d'être menée en bateau? Interrogé sur ce cas, le SEM refuse de commenter. L’Office du conseiller fédéral Beat Jans précise toutefois qu’il est en contact régulier avec les autorités italiennes, «du niveau opérationnel jusqu’au niveau ministériel».

Refus dans 1454 cas

Dans ce cas précis, il s’agissait d’une famille déjà titulaire d’un permis en Italie. Mais la situation est encore plus tendue pour les cas dits «Dublin» – ces personnes enregistrées en Italie qui déposent ensuite une demande d’asile en Suisse. L’accord prévoit que Rome les reprenne.

«
Nous restons en contact avec l’Italie
Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM)
»

Or, depuis l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni fin 2022, l’Italie ne respecte plus cet engagement. Les conséquences sont lourdes pour la Suisse: pour 1454 demandeurs d’asile, le délai de transfert a expiré. La Confédération a donc dû traiter elle-même leurs demandes. À ce jour, 511 de ces personnes ont obtenu l’asile ou une admission provisoire.

En novembre dernier, Beat Jans a rencontré son homologue italien Matteo Piantedosi. Ce dernier s’était alors montré «prêt à discuter de la réadmission des cas Dublin». Mais concrètement, rien n’a bougé depuis. Aujourd'hui encore, le SEM se contente d’assurer: «Nous restons en contact avec l’Italie.»

L'arnaque Giorgia Meloni aussi en Grèce?

Le même problème pourrait bientôt surgir en Grèce. Depuis 2011, la Suisse ne procède plus à des transferts Dublin vers ce pays, en raison de failles constatées dans son système d’asile. La Confédération souhaite pourtant les reprendre, «à un niveau bas pour les individus non vulnérables». Mais pour l’instant, tous les cas sont bloqués devant les tribunaux. Aucun transfert n’a donc été effectué.

Les perspectives restent sombres. Récemment, un tribunal allemand a autorisé les renvois vers la Grèce. En réponse, Athènes a clairement fait savoir qu’elle ne respecterait plus l’accord Dublin.

Comme l’Italie, la Grèce se considère débordée et abandonnée par ses partenaires européens. «Tant qu’il n’y aura pas une répartition équitable des charges au sein de l’Union européenne, la Grèce n’acceptera pas les renvois», a déclaré le ministre grec de l’Immigration Makis Voridis. Certes, les dossiers sont traités, mais Athènes admet n’être «pas particulièrement ouverte». Le scénario italien pourrait donc bientôt se répéter avec la Grèce pour la Suisse.

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