La conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter est devenue la nouvelle ministre des Finances (DFF). L'UDC Albert Rösti, fraîchement élu, reprend quant à lui le Département de l'environnement, des transports et de l'énergie (DETEC). Comment en est-on arrivé là?
Voici ce qu'on raconte dans les couloirs de la Berne fédérale: Le PLR et l'UDC se sont mis d'accord. Karin Keller-Sutter obtient le siège vacant de l'UDC Ueli Maurer. Et, en échange, Albert Rösti peut accéder directement au ministère de l'Energie. Quant au ministre de l'Intérieur Alain Berset, il ne reçoit rien et reste à sa place. Mais est-ce vraiment ce qui s'est passé en coulisses?
Ce qui est sûr, c'est qu'on ne ment jamais autant que lors des élections au Conseil fédéral. Le dernier rebondissement en date? Il provient de l'entourage d'Alain Berset. On dit que ce dernier ne voulait pas quitter le ministère de l'Intérieur (DFI). Le fait qu'il ait déjà jeté son dévolu sur le département des Finances il y a quelques années contredit toutefois cette idée. Pourtant, le ministre de l'Intérieur n'a pas pris le risque d'un vote jeudi, lorsque le Conseil fédéral a redistribué les départements. Au lieu de cela, Karin Keller-Sutter a mis la main à la pâte.
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Pas d'intérêt pour le DETEC du côté socialiste
Et le DETEC? Alain Berset ne s'y est pas intéressé. En tant que doyen de la fonction, l'ensemble du Conseil fédéral ne lui aurait probablement guère refusé ce souhait. Mais pourtant, Albert Rösti s'est emparé du département. Sans combat, puisqu'il n'y a pas eu de vote. Et donc pas de perdants évidents comme en 2018.
Mais la gauche et les Verts ont fait des déclarations indignées. «Le PS n'avait aucune chance de l'avoir! C'est un cartel politique! Les bourgeois enterrent le tournant énergétique!» Alors, Alain Berset n'a-t-il vraiment pas pu l'avoir... ou ne l'a-t-il simplement pas voulu? «La majorité bourgeoise de droite est passée en force, déclare le vice-président du PS Jon Pult. Il n'y avait aucune chance d'ébranler le pacte du PLR et de l'UDC.» Mais le président du PLR Thierry Burkart n'est pas d'accord. «Il n'y a pas eu d'accord entre le PLR et l'UDC, tonne-t-il. La répartition des départements est l'affaire du Conseil fédéral!»
Or, le passage de Karin Keller-Sutter au Département des finances était prévu dès le début. Les partis bourgeois et les associations économiques avaient clairement fait savoir très tôt qu'ils voulaient empêcher un ministre des Finances socialiste. C'est là que la politique de pouvoir a joué.
Cela vaut-il aussi pour Albert Rösti au DETEC? «Il n'est pas arrivé au DETEC avec le soutien du PLR, assure Thierry Burkart. Ce n'était même pas nécessaire, la séance s'est déroulée de manière consensuelle. Si le PS avait voulu le DETEC avec Alain Berset, il l'aurait obtenu.» Ce que le président du PS Cédric Wermuth conteste vivement. «Ce n'est pas comme si la répartition des départements n'était décidée que lors de cette séance. Cela commence des semaines auparavant. L'accord du PLR et de l'UDC était scellé depuis belle lurette.»
Le DFI est plus important que l'écologie pour le PS
Une chose est sûre: un changement de rôle pour Alain Berset aurait signifié que son département serait passé en mains bourgeoises. Ce qui aurait été pire pour le PS qu'Albert Rösti au DETEC. «Pour nous, le DFI est important: la question des retraites, la politique de la santé, le danger d'une médecine à deux vitesses, confirme Cédric Wermuth. Il est compréhensible qu'Alain Berset ait voulu empêcher que le DFI aille au PLR ou à l'UDC.»
La ministre de la Défense Viola Amherd n'avait, elle, pas ce dilemme auquel faire face. Elle n'a toutefois pas levé le petit doigt. L'ancienne politicienne des transports aurait pu, en tant que cheffe du DETEC, faire avancer le tournant énergétique que sa collègue de parti Doris Leuthard avait autrefois initié.
«Ce qui est vrai pour Alain Berset l'est aussi pour Viola Amherd, déclare le président du PLR Thierry Burkart à ce sujet. Elle aurait eu le DETEC si elle l'avait voulu.» Il insiste sur le fait qu'aucun nouveau conseiller fédéral n'aurait été privilégié contre la volonté d'un ancien. «Dire que nous aurions participé à une telle manigance est une insinuation absurde.»
Viola Amherd voulait rester à la tête de l'armée. Même les parlementaires du Centre s'en irritent: elle a pris ses aises. Le chef du groupe parlementaire du Centre Philipp Matthias Bregy prend la défense de Viola Amherd: «Elle aurait aussi fait une bonne ministre de l'Energie et des Transports. Mais en pleine guerre en Ukraine, elle a décidé, au service du pays, de poursuivre sa mission importante au DDPS.»
Le fait reste qu'Albert Rösti, lobbyiste de l'automobile et des énergies fossiles, s'est vu offrir le département de l'environnement. Ni Viola Amherd ni Alain Berset ne se sont battus contre cela. Et le climat n'est pas une priorité pour Albert Rösti, c'est le moins qu'on puisse dire. «Il fera passer la sécurité de l'approvisionnement en premier», déclare le conseiller national UDC Michael Graber. Le nouveau ministre des Transports va-t-il désormais paver le pays d'autoroutes? Michael Graber tempère: «Il tient davantage compte du trafic individuel que son prédécesseur. Et c'est très bien ainsi.»
Les Vert-e-s broient du noir
Les Vert-e-s tirent déjà la sonnette d'alarme sur tous les réseaux. Et pas seulement par souci du climat: ils ouvrent ainsi la campagne électorale. En 2007, l'UDC a remporté des voix avec le slogan «Renforcer Blocher - voter UDC». Aujourd'hui, les Vert-e-s renversent la vapeur: «Le baron du pétrole reprend le DETEC. Un cauchemar pour la protection du climat et de l'environnement. Renforcer les Verts maintenant!»
Le PLR sort renforcé de cette rocade pour l'année électorale, les Verts surfent sur la vague anti-Rösti - et le PS démarre avec un ministre de l'Intérieur qui vient d'être élu président de la Confédération avec un maigre score de 140 voix.
Un siège du PS va-t-il vaciller? Le vice-président Jon Pult fait signe que ce n'est pas le cas: «Alain Berset est le conseiller fédéral le plus apprécié du peuple. Et pour les élections parlementaires, le magistrat qui dirige tel ou tel département ne joue aucun rôle.» Jon Pult part du principe que rien ne changera de sitôt dans la répartition des sièges.
Le chef de la fraction du Centre, Philipp Matthias Bregy, affirme: «Nous sommes contre les attaques à l'encontre des conseillers fédéraux en fonction. Les discussions sur la répartition des sièges n'ont de sens qu'en cas de vacance.» Mais il est clair pour lui qu'«arithmétiquement, la gauche et les Vert-e-s ont ensemble deux sièges à pourvoir. Ils doivent se les partager.»
Des manigances électorales du PLR
Le PLR n'en est pas à son coup d'essai en matière de manigance politique. Et il a certainement frappé récemment. Rappelons que c'est la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider qui a été élue - avec de nombreuses voix du PLR en poche. Pourquoi? Plusieurs sources rapportent que Karin Keller-Sutter a fait pression sur son parti contre Eva Herzog. Peu avant l'élection, Thierry Burkart aurait insisté auprès du groupe parlementaire sur le fait qu'Elisabeth Baume-Schneider était un avantage pour les partis bourgeois, car la Jurassienne affaiblissait le PS en cette année électorale. En d'autres termes, le PLR a contribué à empêcher la nomination d'une représentante de l'économie urbaine pour des raisons de tactique électorale.
(Adaptation par Lliana Doudot)