On passe Noël avec ceux qu'on aime, on reçoit une foule de cadeaux et on mange de bons petits plats. Mais une telle fête reste un privilège; tout le monde ne peut pas se le permettre, même en Suisse. Peter Lack, chef de Caritas Suisse, explique pourquoi Noël est particulièrement important pour cette organisation sociale et si une amélioration est en vue pour l'année prochaine.
Peter Lack, que signifient les fêtes de fin d'année pour les personnes les plus pauvres de la population?
Pour les 1,34 million de personnes en Suisse qui sont touchées ou menacées par la pauvreté, la période de l'Avent est particulièrement douloureuse. Elles prennent une nouvelle fois conscience qu'elles ne sont pas dans la même situation que la majorité de la population suisse. Elles n'ont pas la possibilité d'offrir des cadeaux à leurs propres enfants ou à leurs proches, d'acheter un sapin de Noël ou de préparer un menu de Noël spécial.
Que fait Caritas pour permettre à ces personnes de fêter Noël?
Pendant la période de l'Avent, les Épiceries Caritas proposent notamment des actions sur les décorations de Noël ou des idées de recettes pour des menus de Noël accessibles. Lors de l'action d'échange de cadeaux de la Kulturlegi à Zurich, 3000 souhaits d'enfants ont été réalisés au total. Caritas Zurich a en outre célébré le 24 décembre une fête de Noël avec 300 visiteurs. Nos pilotes de la Kulturlegi aident toute l'année d'autres personnes à participer à la vie sociale. Ils accompagnent par exemple des personnes en situation de pauvreté à un musée ou à un match de football. Cela permet de lutter contre l'isolement social.
La solidarité n'est-elle pas particulièrement forte pendant la période de l'Avent?
À Noël, il s'agit d'offrir et de partager. Dans cette abondance, beaucoup de gens se rendent compte à quel point ils sont privilégiés. Sans le volume élevé des dons pendant la période de l'Avent, il serait difficile pour nous, mais aussi pour d'autres organisations, de faire face. Je tiens à les en remercier. Mais les personnes en situation de pauvreté doivent se battre tout au long de l'année. Elles doivent jongler avec leurs factures, les enfants ne peuvent pas aller en colonie de vacances ou dans un club de sport. Il nous tient donc à cœur que la solidarité ne se limite pas à cette période de l'année.
Les pauvres sont-ils trop souvent oubliés dans notre pays?
Je suis toujours bouleversé de voir à quel point la population suisse est ignorante de la pauvreté. Cela s'exprime aussi dans le travail politique. Les nombreuses personnes touchées ou menacées par la pauvreté en Suisse ont trop peu pour vivre et doivent parfois économiser sur la nourriture. C'est une réalité.
La situation ne s'est donc pas améliorée cette année pour les personnes à petit budget?
Pour les personnes vivant au minimum vital ou juste au-dessus, l'année a encore été difficile. D'une part, un nombre record d'achats a été effectué dans les épiceries Caritas. D'autre part, il y a jusqu'à 20% de demandes supplémentaires de conseil en matière d'endettement auprès des Caritas régionales. Le problème est que de nombreuses personnes et familles ont épuisé leurs réserves pendant la pandémie de Corona et n'ont pas pu les reconstituer depuis. Même si le renchérissement a diminué cette année, l'augmentation des frais d'assurance maladie et de loyer a été exigeante. Les budgets sont si serrés que 100 ou même 20 francs de plus par mois font une grande différence.
La situation s'améliorera-t-elle l'année prochaine?
Je ne suis pas très optimiste. Les primes d'assurance maladie vont encore augmenter, ce qui rendra à nouveau la situation difficile. La question du logement pourrait également s'aggraver. Les personnes en situation de pauvreté sont de plus en plus repoussées hors des centres urbains. Elles doivent plus souvent vivre dans des logements bruyants et mal isolés, situés dans des endroits peu propices et dangereux. Il faut donc trouver des solutions durables.
Il n'y a donc pas assez d'action politique?
Nous faisons face à un paradoxe: alors que l'injustice sociale et la pauvreté augmentent, tant en Suisse qu'à l'échelle mondiale, la volonté politique ainsi que les contributions financières des pouvoirs publics et des particuliers diminuent. En fait, il faudrait plus d'engagement, mais nous constatons qu'il y en a de moins en moins. C'est une situation très difficile pour les personnes touchées par la pauvreté. Surtout en Suisse, car on se sent vite oublié ou pas pris au sérieux. Dans notre pays aussi, il y a des personnes en situation de pauvreté qui vivent dans des conditions indignes. Cela ne peut pas être dans l'intérêt de la Suisse. Je suis d'avis que la Suisse n'est 100% suisse qu'avec 0% de pauvreté. Et c'est possible.
Dans ce contexte, qu'est-il essentiel de ne pas oublier?
Ici aussi, en Suisse, la crise climatique fait de plus en plus de victimes – comme le glissement de terrain catastrophique de cet été dans le Misox. Il y a des parts qui ne sont pas couvertes par les assurances. Caritas aide ceux qui ne peuvent pas supporter de tels coûts supplémentaires. Nous verrons à l'avenir à quel point la Suisse est vulnérable face à la crise climatique.
Que souhaitez-vous pour Noël?
Je souhaite que l'idée de justice sociale de Noël soit encore plus présente dans le comportement politique lors des votations et des élections. Et je souhaite que l'on comprenne que nous nous porterons tous mieux si nous sommes solidaires.