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Comment les entreprises suisses peuvent réduire leurs frais de douane

Les droits de douane deviennent une priorité pour les entreprises suisses. Malgré la suspension des droits punitifs américains, un droit général de 10% persiste. Les experts soulignent l'importance d'une gestion efficace des processus douaniers.
Publié: 10:33 heures
Trump a créé une onde de choc lorsqu'il a dévoilé sa liste de pays qu'il souhaite soumettre à des droits de douane punitifs.
Photo: Getty Images
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Holger Alich

«La majorité des entreprises ignorent combien elles paient réellement en droits de douane», déclare Simeon Probst, expert en douanes et commerce international chez PricewaterhouseCoopers (PwC), un réseau britannique de portée mondiale regroupant des sociétés spécialisées dans l’expertise comptable. Aujourd’hui, le sujet s’impose comme une priorité dans les agendas des chefs d’entreprise. Même si le président américain Donald Trump a finalement suspendu les droits de douane punitifs de 31% appliqués à la Suisse, un droit de douane général de 10% reste en vigueur, en plus des taxes déjà existantes sur certains groupes de marchandises.

Le système douanier est particulièrement complexe. De ce fait, il offre aux entreprises un large potentiel d’optimisation: en appliquant correctement les règles douanières, elles peuvent économiser en moyenne 20% de frais, explique Simeon Probst. Le moyen le plus simple de réduire cette charge consiste à tirer parti des suspensions de droits de douane par pays et à réapprovisionner ses stocks directement depuis les Etats-Unis.

En outre, il existe quatre leviers dans le domaine douanier: la classification des marchandises avec le bon numéro de tarif, la déclaration du pays d'origine, l'évaluation en douane, c’est-à-dire la détermination de la valeur de la marchandise en prenant en compte le prix d’achat, les frais de transport et d’assurance, et la procédure douanière applicable.

Les entreprises enregistrent mal leurs flux de marchandises

«Pour optimiser les frais de douane, je dois savoir ce que je produis, et où», explique Hevin Demir, responsable de l’équipe Global Trade Advisory chez Deloitte, un réseau international d'audit. C’est justement à ce niveau que de nombreuses entreprises rencontrent déjà des difficultés: bien souvent, les matériaux et produits intermédiaires ne sont pas enregistrés dans les systèmes internes avec leur numéro de douane, et l’origine des produits n’est pas toujours correctement documentée. «L’analyse des flux de marchandises n’est pas encore une pratique courante, précise Mathias Bopp, expert en douanes et fiscalité chez KPMG. En revanche, celles qui ont numérisé leurs processus tôt disposent d’un net avantage.»

Les entreprises ayant déjà réalisé cette analyse s’attaquent maintenant à l’ingénierie des produits, poursuit Mathias Bopp. «Cela consiste à répartir la création de valeur entre les différents sites de production de manière à réduire au maximum les coûts des produits et les droits de douane.» Les frais douaniers sont donc étroitement liés à la localisation des sites de production. Le groupe suisse Lindt & Sprüngli en a donné un exemple concret: pour éviter les droits de douane punitifs imposés par le Canada, l’entreprise n’approvisionne plus ses clients canadiens depuis les Etats-Unis, mais directement depuis l’Europe.

Les entreprises pratiquent souvent le multi-sourcing, c'est-à-dire qu'elles peuvent acheter le même produit dans différents pays. «Ces entreprises sont aujourd'hui avantagées, car elles peuvent réorganiser leur sourcing de manière à pouvoir acheter des produits dans des pays où les droits de douane sont moins élevés», explique Hevin Demir. Mais ce qui n'est pas possible, c'est d'envoyer des marchandises dans un pays où les droits de douane sont plus bas qu'en Suisse, comme la Grande-Bretagne, pour ensuite les exporter vers les Etats-Unis.

Où a lieu le «saut tarifaire»?

Pour déterminer le pays d'origine, il est décisif de savoir où une marchandise a subi une étape de transformation substantielle. Mathias Bopp appelle cela un «saut tarifaire». La question est de savoir où, par exemple, une batterie multifonctionnelle devient une voiture électrique. Ainsi, des fabricants de téléphones ont échappé aux droits de douane chinois en exportant les composants de Chine vers les Philippines et en y faisant assembler les appareils avant de les exporter ensuite vers les Etats-Unis.

Dans le cas d’une transformation de marchandises, les entreprises peuvent bénéficier du principe dit de la «première vente à l’exportation», qui permet de réaliser d’importantes économies sur les droits de douane. Par exemple, une entreprise suisse achète un produit en Chine pour 10 dollars, puis le revend aux Etats-Unis pour 100 dollars. Grâce à la procédure douanière «First Sale for Export», elle peut effectuer le dédouanement sur la base du prix d’achat – et non du prix de vente. 

«Actuellement, la demande pour ce principe de première vente est très forte», observe Simeon Probst de PwC. Le cas classique est celui de l’industrie textile, qui s’approvisionne au Vietnam et ne déclare aux douanes américaines que la valeur d’achat des marchandises.

Quels coûts peuvent être déduits?

Simeon Probst donne un autre conseil concernant la valeur en douane: «Il est possible de déduire de la valeur de la marchandise certains coûts qui ne lui sont pas directement liés – par exemple les frais centraux liés aux ressources humaines, à l’informatique ou à la finance». En revanche, les commissions de vente ou les licences de produits ne peuvent pas être déduites.

Une question reste ouverte concernant les entreprises qui livrent leurs marchandises à leur propre filiale de distribution aux Etats-Unis, en appliquant des prix de transfert internes. Si les frais de douane supplémentaires ne peuvent pas être entièrement répercutés sur le prix de vente final, se pose alors la question d’un ajustement du prix de transfert – notamment pour maintenir constant le bénéfice imposable de la filiale américaine.

Mais si ce prix de transfert ajusté est en même temps utilisé comme valeur d’importation déclarée, les autorités douanières américaines pourraient refuser de reconnaître cette réduction. «Cela crée des tensions complexes entre la planification fiscale et la reconnaissance de la valeur en douane», explique Hevin Demir.

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