La Suisse est considérée comme un pays qui aime bien les autoroutes. En 2017, le peuple donné son feu vert au fonds de financement des routes nationales. En 2016, les Suisses ont approuvé un deuxième tunnel routier au Gothard. En l'an 2000, ils ne voulaient pas entendre parler d'une réduction de moitié du trafic. Et même en 1990, ils ont clairement rejeté les quatre initiatives dites du «Trèfle» qui, à l'époque déjà, voulaient mettre un terme au développement des autoroutes.
Mais cet engouement semble s'être calmé. Les votants ralentissent cette croissance. C'est ce qu'indique le deuxième sondage de la SSR sur les votations du 24 novembre. Les opposants ont le vent en poupe avec 51% de non, le camp du oui étant retombé à 47%.
La course s'annonce serrée. Le ministre des Transports UDC Albert Rösti, habitué au succès, doit certainement ne pas savoir sur quel pied danser dans cette dernière ligne droite pour une victoire qu'il croyait acquise depuis longtemps. Et ce, bien que les arguments du oui – comme la surcharge des routes nationales – soient tout à fait recevables. Blick explique en cinq points pourquoi Albert Rösti risque pour une fois de perdre.
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L'écologie et les femmes
Les opposants à l'extension des autoroutes avancent surtout des arguments environnementaux: les objectifs climatiques ne peuvent être atteints que si les transports participent à l'effort commun. Et les surfaces détruites par les nouvelles routes sacrifient la nature ainsi que les terres agricoles. Comme le montre le sondage de la SSR, les femmes y sont plus favorables. 60% des femmes veulent voter non, et seul un tiers est favorable à l'extension. Chez les hommes, c'est l'inverse avec 56% de oui.
Les femmes ont tendance à être plus favorables aux questions écologiques et sociales, comme le montrent les votations précédentes. Lors de certains votes, elles ont fourni les voix décisives pour faire pencher la balance du côté écologique, comme lors du oui au moratoire sur les centrales nucléaires ou du non à la loi sur la chasse.
Le prix de l'essence
«Vous voulez payer plus pour l'essence?», a demandé l'UDC lors de la votation sur la loi sur le CO2 en 2021. La réponse des votants a été non. Cette question devrait également jouer un rôle dans le cas de l'extension des autoroutes. Le fonds des routes nationales dispose encore d'une fortune de 3,5 milliards de francs, mais comme la réserve diminue rapidement, de nouvelles sources de revenus seront bientôt nécessaires. Une augmentation du prix de l'essence de 4 centimes par litre est prévue dans les années à venir.
Cette augmentation n'est certes pas directement liée à la loi sur les autoroutes. Mais plus les projets en rapport avec les routes seront approuvés, plus il y aura besoin d'argent à long terme. D'autres taxations sont déjà envisagées, comme celle des véhicules électriques qui pourrait augmenter.
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La politique d'austérité
La ministre des Finances Karin Keller-Sutter ne cesse d'appliquer une politique d'austérité. Elle met inlassablement en garde contre des déficits de plusieurs milliards. Pour éviter cela, le budget fédéral va être allégé de 3 milliards de francs par an à partir de 2027 et de 4 milliards à partir de 2030. Un groupe d'experts a présenté à cet effet 60 mesures présentant un potentiel d'économies allant jusqu'à 5 milliards.
La ligne directrice de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter pourrait avoir des répercussions sur la votation sur les autoroutes. L'extension devrait coûter 5 milliards, peut-être même plus. Pourquoi ne pas faire des économies en ces temps difficiles? Ce projet ne changera certes rien au budget fédéral, puisque l'extension sera financée par un fonds spécial. Mais l'aversion à dépenser reste dans les esprits.
Pas assez de cantons sont concernés
Dans le cadre de la votation sur les autoroutes, six projets sont en discussion dans les cantons de Berne, Bâle-Ville, Saint-Gall, Schaffhouse, Genève et Vaud. Pas étonnant que les Tessinois, les Lucernois, les Grisons, ou les Valaisans ne se sentent pas concernés et ne votent pas. Pour la population pas directement impliquée dans les projets prévus, l'utilité de se positionner est faible. Il est probable que certains déposent un «non» dans l'urne simplement parce que l'extension ne leur servirait pas personnellement.
Le deuxième tube du Gothard est un contre-exemple. Tout le monde s'est déjà retrouvé dans les bouchons à Pâques ou au retour des vacances en espérant une solution. A la lumière de ce sujet plus pressant à l'échelle de la Suisse, les tronçons visés par le projet d'extension ne semblent tout simplement pas nécessiter d'aide urgemment.
La mobilisation
51% de non, 47% de oui – tel est l'état des lieux. Mais le résultat peut encore basculer d'un côté ou de l'autre. Il s'agit maintenant de savoir quel camp arrivera à amener ses concitoyens aux urnes.
L'avantage est actuellement du côté des opposants, qui, selon les auteurs du sondage de la SSR, sont prêts à participer: «un milieu urbain et de gauche, plutôt plus mobilisé que la moyenne, est critique envers le projet». Il est possible que les deux projets de loi sur les loyers, qui rencontrent une plus forte résistance dans les zones urbaines, soient à l'origine d'une impulsion décisive. Si la base bourgeoise n'accélère pas le pas, Albert Rösti se retrouvera dans une impasse avec son projet d'extension de l'autoroute.