«C'est totalement exagéré sur le plan financier»
La Verte Lisa Mazzone et le PLR Thierry Burkart s'affrontent en duel sur l'extension de l'autoroute

Le 24 novembre, la Suisse votera sur l'extension des autoroutes. Le président du PLR Thierry Burkart se bat pour, alors que la présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone est contre. Dans le débat de Blick, les deux personnalités politiques ne se font pas de cadeau.
Publié: 13.11.2024 à 20:49 heures
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Dernière mise à jour: 15.11.2024 à 14:58 heures
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Lisa Mazzone, présidente des Vert-e-s, et Thierry Burkart, président du PLR, sur l'aire de repos du Grauholz.
Photo: Thomas Meier
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Tobias Bruggmann, Céline Zahno et Thomas Meier

Elle ne prend que son vélo et le train, lui a même un permis poids lourd. La présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone et le président du PLR Thierry Burkart se rencontrent sur l'aire de repos de Grauholz à Berne. En cas de oui à l'extension de l'autoroute le 24 novembre, l'A1 devrait être élargie à huit voies à cet endroit. Burkart se bat pour, Mazzone contre. Dans le débat de Blick, deux visions politiques s'affrontent.

Lisa Mazzone, l'élargissement de l'autoroute ne vous concerne pas directement. Pourquoi les gens devraient-ils continuer à être bloqués dans les embouteillages?
Lisa Mazzone: L'extension des autoroutes conduit à davantage d'embouteillages. Ce n'est pas seulement la science qui le montre, mais aussi l'expérience: le tunnel du Baregg à Zurich a été élargi. Ensuite, le trafic a de nouveau augmenté assez rapidement. Et cela signifie aussi que plus de voitures et de camions traversent les villages et les villes. C'est là que les voitures doivent finalement passer pour atteindre le tunnel élargi.

Thierry Burkart: Cette affirmation est doublement fausse! J'habite dans la région du tunnel du Baregg. Avant l'extension, on entendait tous les jours des informations sur les embouteillages à la radio. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le tunnel du Gubrist a, lui aussi, été aménagé, et les embouteillages ont diminué. Mais surtout, il y a eu moins de trafic dévié dans les villages environnants.

LM: Ce que vous oubliez, c'est que personne ne passe la nuit sur l'autoroute. Cela signifie qu'il faut d'abord traverser les villages pour rejoindre l'A1. Nous parlons à Genève de dizaines de milliers de voitures de plus par jour qui seront sur l'autoroute. Le trafic en ville va doubler. Cela entraînera plus de bruit et d'insécurité dans les quartiers.

Thierry Burkart, plusieurs chercheurs et experts en transports affirment que l'effet de l'extension de l'autoroute s'estompe en quelques années. Ces aménagements ne sont-ils pas inutiles?
TB: La mobilité est la base de notre prospérité. C'est pourquoi nous devons résoudre le problème des embouteillages dès aujourd'hui. Plus nous attendons, plus la situation s'aggrave. Nous sommes les champions du monde du chargement des marchandises sur le rail. Et pourtant, 70% des marchandises sont transportées par la route. Elles doivent en effet arriver jusqu'aux clients dans les magasins, de manière à ce que Lisa Mazzone puisse, elle aussi, aller acheter son lait à Genève en vélo-cargo.

LM: Si cette extension a lieu, il y aura d'abord des chantiers pendant dix ans, avec plus de bouchons et plus de bruit. Et pour quoi faire? Aux heures de pointe, une personne est assise dans la voiture. Cette extension est vraiment inefficace et totalement exagérée.

TB: Sur les bientôt 50'000 heures de bouchons sur la route nationale, seuls 4% sont dus aux chantiers. Cela vaut la peine d'investir si, en contrepartie, on a ensuite peu de bouchons dus à la surcharge. Car la surcharge est à l'origine de près de 87% des cas.

La Confédération veut dépenser 4,9 milliards de francs pour cet aménagement.
LM: C'est totalement exagéré sur le plan financier. Les coûts atteindront 5 à 7 milliards de francs. Et cet argent est dépensé alors que l'on coupe dans d'autres domaines: dans l'AVS, dans les réductions de primes, dans les transports publics, dans la protection du climat et surtout dans les transports publics.

TB: Cet argent ne provient pas du budget général de l'État, mais du Fonds pour les routes nationales et les agglomérations (FORTA) et ne manque ni pour les TP, ni pour l'AVS, ni pour les réductions de primes. Les usagers de la route ont déjà payé cet argent. Ce serait bien la première fois que vous vous inquiétez de l'argent des automobilistes.

Si la fortune du FORTA tombe en dessous de 500 millions de francs, le prix de l'essence devra augmenter, c'est ce que prévoit la loi. Selon les estimations, cela pourrait déjà être le cas dans quatre ou cinq ans.
TB: C'est une tactique de confusion de la part des opposants. Cette réglementation a déjà été adoptée par le peuple suisse en 2017. Il n'y aura pas d'augmentation du prix de l'essence à cause de ce projet. L'argent est disponible, nous avons encore plus de 2,5 milliards de francs de réserves, chaque année d'autres milliards viennent s'ajouter, et les projets ne sont pas réalisés en une année, mais répartis sur de nombreuses années.

LM: Au lieu d'investir ici dans plus d'embouteillages, nous devrions plutôt utiliser plus d'argent du fonds pour les transports publics. Nous avons besoin d'autres solutions. Autour de l'autoroute, on n'a souvent tout simplement pas d'alternative. Il n'y a pas de bus. Nous pourrions rapidement proposer davantage de lignes ou des prix plus bas.

TB: Il va de soi qu'il faut, en plus de l'extension de l'autoroute, une amélioration des transports publics. Nous dépendons de tous les modes de transport. Mais si cela ne tenait qu'à madame Mazzone, on n'aurait pas construit d'autoroutes il y a 60 ans déjà. Imaginez le trafic qui traverserait les villages aujourd'hui. Nous voulons justement que le trafic se passe sur la route nationale.

LM: Si cela ne tenait qu'à Monsieur Burkart, on utiliserait exactement les mêmes solutions qu'il y a 50 ans et on continuerait simplement à ignorer la crise climatique. Ce n'est pas possible. Avec ce projet, nous aggravons la crise climatique et bétonnons de précieuses terres cultivables.

TB: J'ai toujours soutenu les projets de transports publics au Parlement. Nous avons besoin d'une vision globale des transports et non d'une idéologie unilatérale. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'on assiste actuellement à une décarbonisation rapide. Les émissions de CO2 du trafic routier ne cessent de diminuer.

Thierry Burkart, vous avez dit non à l'initiative sur la biodiversité, entre autres parce que les agriculteurs auraient perdu des terres. C'est également le cas avec l'extension de l'autoroute.
TB: Il s'agissait là de dimensions tout à fait différentes. Ici, il ne s'agit que de huit hectares de terres cultivables perdues. Sur ces six projets, trois sont des tunnels. Cela signifie que l'on perd très, très peu de terres cultivables. L'Union suisse des paysans soutient également l'extension.

LM: Au Parlement, même les politiciens de l'UDC étaient contre, justement parce qu'ils représentent les paysans. A Genève et en Valais aussi, les chambres d'agriculture sont contre ce projet, parce que ces terres cultivables sont tout simplement perdues. De plus, il n'est pas certain que toutes les terres des agriculteurs puissent vraiment être remplacées.

Madame Mazzone, si les chauffeurs de camion sont en retard à cause d'un embouteillage, il se peut que des médicaments importants manquent ou que les rayons des magasins restent vides. C'est ce que vous voulez?
LM: Environ la moitié du trafic est un trafic de loisirs. Les gens vont faire des courses ou rencontrer des amis. Il est urgent de rendre les transports publics plus attractifs pour cette utilisation. Pour cela, il faut baisser les prix. Les routes seraient alors libres pour les personnes qui dépendent réellement de la voiture, comme les chauffeurs de camion qui nous livrent des médicaments et des denrées alimentaires. Au lieu de cela, on construit un tunnel à Bâle pour que davantage de camions étrangers traversent la Suisse.

TB: Nous voyons déjà que cela coûte de plus en plus cher aux clients et aux clientes. Plus il y a de camions bloqués dans les embouteillages, plus les prix augmentent. De plus, il y a un problème de chauffeurs: qui voudra encore prendre le volant s'il est constamment bloqué dans les embouteillages?

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