Les cas augmentent en Suisse
Racisme à l'école: «J'ai toujours eu peur du lendemain»

Un rapport de la Commission fédérale contre le racisme et de l'association humanrights.ch le montre: les signalements de racisme dans les écoles suisses sont en augmentation.
Publié: 25.04.2022 à 07:11 heures
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Dernière mise à jour: 26.04.2022 à 11:25 heures
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Outre la xénophobie générale, le racisme fondé sur la couleur de peau reste la forme de discrimination la plus fréquente en Suisse.
Photo: Keystone
Janina Bauer

Des insultes et des empoignades de la part de camarades de classe. Des brimades du maître de classe en primaire ou encore des remarques comme «Retourne d’où tu viens». Tout cela faisait partie du quotidien de Milo*, treize ans, pendant sa scolarité. Si le jeune garçon du canton de Saint-Gall se défendait, il était puni par la direction de l’école. Au bout d’un certain temps, il a simplement laissé l’horreur s’installer.

Les conséquences de cette pression psychologiques sont nombreuses. Milo a un sommeil agité, il lui arrive de faire pipi au lit ou encore de se griffer à la tête de lit en cuir de son sommier pendant son sommeil. Des symptômes qui révèlent l’intensité du stress psychique que vit le jeune garçon. «J’ai toujours eu peur du lendemain», raconte-t-il à Blick. «Quelle sera la gravité de la situation aujourd’hui?» Telle était la pensée qui le hantait au réveil.

Il y a un peu plus d’un an, la situation a dégénéré pour le jeune Suisse: lors d’un camp scolaire, l’accompagnateur masculin lui a donné un coup de poing sur la poitrine. Le maître de classe ne l’a pas aidé et a même nié l’incident par la suite. Pendant cinq semaines, Milo n’ose plus aller à l’école. Pourquoi est-il victime de tout cela?

Une question de couleur de peau

Milo est un «enfant métis», dit affectueusement sa mère Camille*, tout comme son petit frère Lenni* de onze ans. Elle-même est originaire du Cameroun et a déménagé en Argovie à l’âge de seize ans. Son mari Mustafa*, le père de Milo et de Lenny, a des racines turques et vit en Suisse depuis l’âge de sept ans. À table, ils parlent tous les quatre le dialecte. Les enfants et Camille ont des passeports suisses. La Suisse est leur maison. Leur couleur de peau est toutefois une provocation pour certains.

Outre la xénophobie générale, le racisme lié à la couleur de peau reste la forme de discrimination la plus fréquente en Suisse. C’est ce que montre un rapport de la Commission fédérale contre le racisme (CFR) et de l’association Humanrights.ch, publié dimanche. Au total, les 23 centres de consultation du réseau ont signalé 630 cas de discrimination raciale, ce qui constitue un nouveau record. Les Noirs en ont été victimes 207 fois.

C’est au travail qu’ils sont le plus souvent confrontés à la discrimination raciale, presque aussi souvent dans les établissements d’enseignement. Il est frappant de constater que les cas signalés dans les écoles et les crèches ont fortement augmenté. D’une part, cela est lié à l’augmentation générale du nombre de cas dans les centres de consultation, explique Gina Vega, responsable du service Discrimination et racisme chez Humanrights.ch. En 2021, les centres de consultation ont traité 58 cas de plus que l’année précédente. La raison: «La société dans son ensemble est plus sensibilisée. Cette tendance est également visible dans les écoles. Tant les parents que les enfants et les jeunes sont plus conscients de ce qu’ils vivent et veulent faire quelque chose pour y remédier», explique Gina Vega.

D’autre part, les cas en âge d’aller à la crèche et à l’école montrent aussi à quel point il est urgent de considérer la discrimination raciale comme un problème de société. «Le comportement des enfants est le reflet de ce qui leur est transmis.» Les parents et les enseignants, en particulier, doivent prendre conscience de leur rôle de modèle et de l’influence qu’ils ont sur les plus jeunes.

La discrimination dans les écoles est minimisée

C’est également l’avis de Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission contre le racisme. Elle critique la minimisation du problème: «Souvent, la discrimination est classée comme un problème relationnel entre les élèves ou rejetée comme un cas isolé. On ne cherche pas à comprendre la systématique qui se cache derrière.»

Selon elle, les écoles ne sont souvent pas en mesure de gérer la discrimination, car elles n’ont pas de concept pour cela. Le personnel enseignant n’est pas formé pour faire face à de tels incidents. «Dans de nombreux cas, nous voyons que les enfants et les parents ne s’adressent pas à la direction de l’école par peur d’être encore plus défavorisés. Cela ne doit pas se produire – et doit être évité», estime Martine Brunschwig Graf.

Le cas de Milo à Saint-Gall prouve que toutes les écoles ne sont pas capables de gérer la discrimination. Après que Mustafa et Camille se sont adressés à la direction de l’école, le problème a d’abord été nié, puis on a essayé de le faire disparaître.

Pendant des mois, les courriers des parents sont restés sans réponse. Ce n’est qu’avec l’aide d’un avocat, d’un service de conseil et d’un médiateur que le conflit a pu être résolu. Mais pour Milo, il fallait tourner la page: il y a six mois, il a changé d’établissement scolaire.

*Noms d’emprunt

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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