La Confédération se met-elle en travers de la route des cantons et veut-elle vraiment annuler leur décision populaire? Le Conseil national devra se prononcer sur ce sujet ce mercredi. Le conseiller aux Etats du Centre Erich Ettlin veut déposer une motion pour supprimer les salaires minimums cantonaux.
Du moins lorsque les partenaires sociaux conviennent de salaires plus bas dans une convention collective de travail (CCT) et que le Conseil fédéral déclare la CCT de force obligatoire pour toute la branche. Actuellement, à Genève (23 francs de l'heure) ou à Neuchâtel (20 francs), c'est le salaire minimum cantonal qui prime. Si cette motion était acceptée, cette priorité serait ainsi renversée.
«Une attaque contre l'autonomie des cantons»
La situation de certains travailleurs pourrait s'en voir fortement impactée. Les cantons romands s'y opposent farouchement. La proposition s'attaque aux principes fédéralistes «et ne respecte pas la volonté du peuple», tonne la Conférence des Gouvernements de Suisse occidentale (CGSO) dans une lettre adressée aux conseillers nationaux. La motion doit impérativement être rejetée afin de protéger les institutions étatiques et les droits démocratiques.
«Il s'agit d'une attaque en règle contre l'autonomie des cantons!», poursuit le texte. Elle réduit la compétence constitutionnelle des cantons d'agir en matière de politique sociale. De plus, «une CCT de force obligatoire ne jouit pas de la même légitimité qu'une loi cantonale», ajoutent encore les Romands.
«Attaque contre les 'working poor'»
Mais les cantons romands ne sont pas les seuls à monter aux barricades. Des voix s'élèvent aussi parmi les syndicats aussi. Selon président de l'Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard, la motion ne restreint pas seulement la liberté des cantons. «Elle s'attaque aux working poor en proposant des salaires minimums cantonaux inférieurs», s'insurge le conseiller national vaudois. Le but des salaires minimums est pourtant d'assurer un minimum vital, glisse le socialiste.
Le syndicat Unia a calculé l'impact qu'aurait la motion sur certains employés. Si le salaire minimum cantonal était supprimé à Genève, une coiffeuse pourrait perdre plusieurs centaines, voire 1000 francs de moins par mois. A Neuchâtel, la suppression du salaire minimum cantonal signifierait une perte allant jusqu'à 400 francs par mois.
«Une telle réduction de salaire n'a aucun sens», assène Pierre-Yves Maillard. Les expériences faites jusqu'à présent montrent que les salaires minimums cantonaux n'entraînent pas plus de chômage. «Au contraire, c'est le manque de personnel qui pose problème», en conclut le syndicaliste.
Le PLR y est favorable
Mais les patrons continuent de battre le tambour. Même en Suisse romande. «Sur cette question, je suis plus radical que romand», tranche d'emblée le conseiller national vaudois PLR Olivier Feller. Le salaire minimum cantonal reste en vigueur tant qu'il n'y a pas de CCT étendue. «Mais la force obligatoire est décidée par le Conseil fédéral sur la base d'une loi fédérale, explique le Vaudois. C'est pourquoi le droit fédéral prime ici sur le droit cantonal.» Il s'agit donc aussi d'une question de droit fédéral.
Que penser du fait que les syndicats puissent annuler les dispositions obligatoires des CCT par le biais de réglementations étatiques cantonales? Le libéral-radical s'irrite. «Choisir un seul aspect est tout simplement injuste», assène-t-il.
Mais que dire à la coiffeuse qui devrait boucler ses fins de mois avec un salaire inférieur? Olivier Feller se montre très clair à ce sujet. «Elle doit exiger de son syndicat qu'il négocie de meilleurs salaires dans la CCT, estime-t-il. Ou alors, les syndicats devraient dénoncer la CCT pour que le salaire minimum cantonal prévale!»
Au sein de la commission de l'économie du Conseil national, la motion n'a pas soulevé les foules. Elle n'a été acceptée que de justesse, par 11 voix contre 10. Un débat chaud s'annonce en séance plénière. Et là aussi, l'issue devrait être serrée.