Avenir Suisse attaque les syndicats
«Le creusement de l'écart salarial est un conte de fées»

L'écart salarial se creuse-t-il toujours plus entre les riches et les pauvres en Suisse? Pour le directeur d'Avenir Suisse, c'est un «conte de fées». Son groupe de réflexion libéral s'interroge dans une étude sur l'importance de la protection des salaires dans le pays.
Publié: 18.11.2022 à 06:21 heures
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Dernière mise à jour: 18.11.2022 à 09:14 heures
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Les ouvriers du bâtiment, comme ici à Zurich...
Photo: keystone-sda.ch
Nicola Imfeld

Savez-vous quel est le point commun entre les pilotes, les ouvriers du bâtiment et les aide-soignantes en Suisse? Ils sont tous mécontents de leur salaire! Certains ont menacé de faire grève, d'autres ont arrêté leur travail à court terme.

Cet automne, les conflits liés au travail donnent lieu à des discussions particulièrement animées partout dans le pays. C'est le moment choisi par le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse pour publier une nouvelle étude que Blick a pu consulter. Celle-ci s'en prend frontalement aux syndicats jusqu'à remettre en question l'importance de la protection des salaires.

«Nous allons beaucoup mieux en Suisse que ce que les syndicats veulent nous faire croire, nous explique Peter Grünenfelder, directeur d'Avenir Suisse. Dans notre pays, les revenus et la prospérité sont largement répartis, ce qui est essentiel pour la cohésion sociale.» Il appuie ses propos sur des données concrètes: Entre 2008 et 2020, les 10% de salaires les plus bas en Suisse ont augmenté autant que les 10% de salaires les plus élevés, à savoir de près de 12%.

Le creusement de l'écart salarial est «un conte de fées»

Point important: en termes relatifs, les salaires des personnes peu qualifiées ont même augmenté plus fortement que ceux des personnes hautement qualifiées. «L'écart salarial qui se creuse est un conte de fées syndical, lance Peter Grünenfelder, qui est candidat PLR au Conseil d'État zurichois. Avec leurs déclarations déformées, les syndicats ne font qu'encourager une sorte de culture de la jalousie en Suisse.»

Interrogé par Blick, Daniel Lampart, économiste en chef de l'Union syndicale suisse (USS), contredit cette affirmation. «Cela n'a rien à voir avec de la jalousie, répond-il. De plus en plus de travailleurs et travailleuses ont de la peine à joindre les deux bouts à cause du renchérissement et du choc des primes. Ces personnes ont le droit de pouvoir vivre décemment de leur salaire.»

Les plus pauvres ne profitent pas du salaire minimum

Le fait que l'écart salarial ne se creuse pas davantage en Suisse reste toutefois une bonne nouvelle. Mais Avenir Suisse met également en garde: le mythe d'un marché du travail libéral avec des conditions de travail flexibles correspond de moins en moins à la réalité de notre époque. Pour le groupe de réflexion, l'Etat intervient trop fortement, sous la pression des syndicats.

Les auteurs de l'étude citent les salaires minimums cantonaux en exemple. Depuis que le peuple suisse a rejeté le salaire minimum national en 2014, celui-ci a été introduit dans cinq cantons. La hausse des salaires en Suisse n'est pas une conséquence de ces instaurations, mais plutôt la cause d'un marché du travail flexible avec un partenariat social qui a fait ses preuves. «Les salaires minimums ne sont pas un instrument de politique sociale», affirme Peter Grünenfelder. L'étude montre aussi que la majorité des plus pauvres, sans emploi ou à temps partiel, ne bénéficie de toute manière pas d'un salaire minimum.

Autre son de cloche pour le syndicaliste Daniel Lampart: «Les salaires minimums cantonaux servent à faire respecter le minimum vital.» Selon lui, il est inquiétant qu'une association comme Avenir Suisse exige des salaires qui ne permettent pas de vivre. «Et cela uniquement pour que les entreprises puissent faire plus de bénéfices. C'est ensuite la collectivité qui doit payer - via l'aide sociale ou les prestations complémentaires», déplore-t-il.

La CCT, garante de la paix du travail

Outre les salaires minimums, Avenir Suisse considère également les conventions collectives de travail (CCT) de force obligatoire comme un danger. Les CCT peuvent - sous certaines conditions - être déclarées de force obligatoire. Cela signifie qu'elles s'appliquent aussi aux entreprises et aux employés qui ne sont pas membres d'une association ou d'un syndicat. La libre fixation des salaires au sein de l'entreprise est ainsi rendue plus difficile, voire impossible, peut-on lire dans l'étude.

«Il y a une syndicalisation rampante du marché du travail», déclare Peter Grünenfelder à Blick en se référant aux données. En l'espace de quinze ans, le nombre de travailleurs soumis à une CCT étendue dans toute la Suisse a plus que triplé. «La participation politique à la fixation des salaires est donc déjà une réalité helvétique», explique-t-il.

À l'Union patronale, on considère les conventions collectives de travail comme fondamentalement positives: «Grâce aux CCT, nous avons une paix du travail en Suisse et peu de grèves. C'est l'un des facteurs de réussite de notre pays.» De son côté, Peter Grünenfelder ne veut pas non plus renoncer aux conventions collectives de travail, «mais avec discernement et seulement là où c'est utile», conclut-il.

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