Au sein de l'UDC, le chaos règne. Le cœur du problème? Une intervention d'Erich Ettlin, conseiller aux Etats du Centre, qui veut supprimer les salaires minimaux cantonaux. Ceux-ci sont en effet une épine dans le pied des artisans et des employeurs. En particulier dans les cantons de Genève (23 francs de l'heure) ou de Neuchâtel (20 francs), où les conventions collectives de travail (CCT) prévoient parfois des salaires horaires encore plus bas. Le député du canton d'Obwald a donc déposé une intervention dans ce sens. Mais surprise: une partie de l'UDC s'y oppose farouchement.
Le parti d'extrême droite serait-il soudain acquis à la cause des salaires minimaux cantonaux? Pas vraiment. Mais ces derniers avaient été approuvés par le peuple lors de votations cantonales. L'UDC pourrait donc perdre sa crédibilité en tant que gardienne autoproclamée des droits populaires si elle ne respecte pas elle-même les décisions du souverain. Ce n'est donc pas dans l'intérêt du parti populaire de faire annuler de telles décisions. Un oui à cette intervention ne mettrait pas seulement en danger les décisions en tant que telles, mais égratignerait également le principe du fédéralisme.
L'UDC et la gauche dans le même bateau
Au sein de la commission de l'économie, concrètement, qu'en dit-on? L'intervention n'a été adoptée que par onze voix contre dix. La gauche et les Vert-e-s se sont bien évidemment opposés à la proposition, à l'inverse de la majorité bourgeoise. Mais le chef du groupe parlementaire UDC Thomas Aeschi et la conseillère nationale Magdalena Martullo-Blocher ont combattu aux côtés de la gauche. L'entrepreneuse grisonne s'est d'ailleurs particulièrement prononcée contre la proposition, dit-on en coulisses.
Pourtant, l'opposition à cette intervention ne fait pas consensus au sein du parti. Certains membres ne veulent pas entendre parler de défendre les salaires minimaux. «Nous ne sommes pas tous d'accord, confirme le chef de groupe à Blick. Mais pour moi, le fédéralisme et les décisions populaires cantonales priment complètement sur les contrats conclus par l'économie privée.» D'autant plus que les conventions collectives de travail pourraient encore gagner en importance. «Je trouve délicat que les salaires minimaux ou le 13e mois soient pratiquement délégués à des organes secrets.»
Même si les partenaires sociaux négocient une CCT, le peuple doit pouvoir décider d'autres dispositions, estime le Zougois. «Même si cela conduit à des règles plus strictes qui ne nous plaisent pas, les décisions du peuple doivent être respectées», tranche Thomas Aeschi.
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Guy Parmelin est aussi contre
Et si le camp du oui venait à l'emporter, le parti devrait s'opposer à son propre conseiller fédéral. En effet, le ministre de l'Economie UDC Guy Parmelin rejette lui aussi la proposition d'Erich Ettlin. «Une CCT déclarée de force obligatoire ne bénéficie pas de la légitimité démocratique dont jouit une loi cantonale», écrit le Vaudois à ce sujet. Si la motion était mise en œuvre, la Confédération «annulerait la volonté populaire au niveau cantonal, les principes fédéralistes et la répartition constitutionnelle des compétences», déplore-t-il.
Un reproche que la conseillère nationale UDC Esther Friedli, par exemple, ne peut pas entendre. Elle rappelle qu'une initiative populaire pour un salaire minimum national a lamentablement échoué dans les urnes en 2014. «La population suisse s'est ainsi prononcée en faveur du partenariat social», estime la Saint-Galloise, qui laisse éclater sa colère: «La gauche a contourné cette décision populaire en proposant des salaires minimums cantonaux, voire locaux!»
Avec la CCT et les salaires minimums cantonaux, les syndicats voudraient à la fois le beurre et l'argent du beurre, s'irrite-t-elle. Esther Friedli voit donc le oui à l'intervention avant tout comme une «reconnaissance claire du partenariat social». Mais les considérations économiques jouent aussi un rôle. Pour les entreprises actives dans toute la Suisse, le fait d'avoir d'une part une convention collective nationale et d'autre part des salaires minimaux différents dans les cantons constitueraient un défi, selon la conseillère nationale.
Mais il est impossible pour l'instant de prédire de quel côté penchera la balance au sein du groupe UDC. «Je pars du principe que les avis divergent à peu près moitié-moitié, comme au sein de la commission», déclare Thomas Aeschi. Et si cet objet devait être à l'ordre du jour lors de la session d'hiver, le soutien ou non du premier parti de Suisse à l'intervention d'Erich Ettlin pourrait clairement faire pencher la balance au Conseil national. L'issue pourrait être très serrée.