La semaine passée, la Banque nationale suisse (BNS) a de nouveau serré la vis des taux d'intérêt: le président Thomas Jordan et ses collègues de la Direction générale ont augmenté le taux directeur de 0,5% à 1%. Les gardiens de la monnaie veulent ainsi lutter contre le renchérissement.
Pour les propriétaires de maisons - et tous ceux qui souhaitent le devenir - cette hausse du taux directeur n'est pas une bonne nouvelle. Si le niveau général des taux d'intérêt augmente, le financement d'une maison individuelle deviendra lui aussi plus cher à plus ou moins long terme.
Il y a un an, les hypothèques à taux fixe sur dix ans étaient proposées à un taux d'intérêt d'à peine 1%. Aujourd'hui, il faut compter entre 2,5 et 3%. Ainsi, pour une hypothèque de 800'000 francs conclue fin 2021, les frais d'intérêts annuels s'élèvent à 8000 francs. Pour le même montant de crédit, des intérêts hypothécaires annuels compris entre 20'000 et 24'000 francs seraient dus aujourd'hui.
Minimiser le risque d'un krach immobilier
Afin d'éviter que les propriétaires ne se retrouvent dans une situation difficile à cause d'une importante hausse des taux d'intérêt, la règle suivante a été établie en Suisse: les coûts d'un logement en propriété à usage personnel, c'est-à-dire les intérêts et l'amortissement, ne doivent pas dépasser un tiers du revenu familial - et ce, avec un taux d'intérêt calculé de 5%. Cette règle générale a pour but d'éviter que les propriétaires ne puissent plus faire face à leurs obligations envers la banque lorsque les taux d'intérêt augmentent soudainement et qu'un renouvellement de l'hypothèque est nécessaire. En d'autres termes, ce calcul doit réduire au minimum la probabilité d'un krach immobilier.
Le rapport sur la stabilité financière 2022 de la Banque nationale suisse montre toutefois que la règle des un tiers a été de plus en plus ignorée ces dernières années. Selon ce texte publié en septembre, les banques n'exigent plus de capacité financière conforme aux calculs classiques pour une nouvelle hypothèque sur deux.
En 2021, la part des emprunteurs dont les frais d'intérêt et d'amortissement de l'hypothèque dépassent un tiers du revenu avec un taux d'intérêt calculé de 5% s'élevait à 55%. Dix ans auparavant, ce taux était de 41%. La raison de ce changement de pratique est facilement identifiable: les prix des logements en Suisse ont doublé au cours des 20 dernières années. Comme les salaires n'ont pas autant augmenté, il devient de plus en plus difficile pour les emprunteurs de remplir les critères traditionnels de capacité financière.
Mais comment se fait-il que de plus en plus de personnes obtiennent le financement de leur logement alors qu'elles ne gagnent pas assez d'argent? Les banques ont-elles discrètement adapté leurs règles de capacité financière?
Ne pas tenir compte uniquement du revenu
Les principaux acteurs du marché hypothécaire suisse le contestent. Interrogés, Raiffeisen, Credit Suisse (CS), UBS ainsi que la Banque cantonale de Zurich (ZKB) soulignent à l'unisson qu'ils n'ont pas adapté leurs normes de calcul de la capacité financière au cours des dix dernières années. Les instituts financiers admettent toutefois qu'ils acceptent, «dans des cas exceptionnels», des demandes de crédit qui ne correspondent pas aux exigences habituelles en matière de capacité financière. Ils ne souhaitent pas préciser le nombre de fois où ils le font.
Raiffeisen, CS, UBS et ZKB ne contestent pas les chiffres de la Banque nationale, mais se défendent d'augmenter ainsi le risque de défaut de crédit. Un porte-parole de l'UBS critique une analyse qui prend exclusivement en compte le revenu du débiteur hypothécaire: «Les actifs disponibles par ailleurs peuvent également être pris en compte dans le calcul.»
La Finma ne voit pas les choses d'un si bon œil
La ZKB avance le même argument, mais insiste également sur le fait que le respect strict des règles de capacité financière est moins important pour les personnes ayant des salaires très élevés: «De tels preneurs d'hypothèques ne rencontrent pas de difficultés financières, même si les frais de logement augmentent à plus d'un tiers du revenu», explique un porte-parole. «Ils continuent à avoir suffisamment de moyens pour payer leurs frais fixes.»
L'autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma, n'est pas aussi optimiste. Dans son «Moniteur des risques 2022», publié mi-novembre, l'organisation met directement en garde: «Les risques liés à la capacité financière ont augmenté ces quatre dernières années pour les nouvelles hypothèques conclues, tant pour les financements de logements en propriété que pour ceux d'immeubles d'habitation à rendement». Ainsi, la Finma aurait observé, dans le cadre de contrôles sur place ou de demandes adressées aux banques surveillées, que des critères d'octroi de crédit plus souples étaient parfois appliqués.
Pour Donato Scognamiglio, chef du prestataire de services immobiliers Iazi, les chiffres de la Banque nationale prouvent clairement que l'exception à la règle de la capacité financière n'est plus une rareté. Cela donne à réfléchir, surtout dans le contexte de la hausse vertigineuse des taux directeurs.
«Pendant longtemps, le taux d'intérêt calculé de 5% a été considéré par le secteur - et aussi par de nombreux emprunteurs - comme excessivement prudent, souligne-t-il. Mais l'évolution actuelle des taux montre désormais que les choses peuvent aller très vite et que la règle empirique établie est donc tout à fait pertinente.» Il ne reste plus qu'à espérer que les taux hypothécaires stagneront dans les mois et les années à venir - et que les calculs de capacité financière des banques suisses seront épargnés par un retour à la réalité trop difficile.