«Depuis plusieurs jours, sur un total de 50 animaux, deux vaches ont des onglons fortement enflammés, parfois purulents. D'autres ont des croûtes sur la truffe et des écoulements nasaux», explique le producteur laitier Peter Trachsel à la «Bauern Zeitung». Au total, 15 de ses animaux sont malades. Et le diagnostic est à chaque fois le même: le virus de la langue bleue (également appelé BTV).
L'agriculteur argovien n'est pas le seul dans ce cas. Car le virus ne cesse de gagner du terrain en Suisse. A l'heure qu'il est, 670 exploitations sont concernées. Un chiffre qui inquiète.
La maladie de la langue bleue est une épizootie à déclaration obligatoire. L'agent pathogène n'est pas dangereux pour l'être humain. La viande et les produits laitiers peuvent en outre être consommés sans crainte. Néanmoins, l'impact de cette maladie sur les exploitations est considérable.
Vaccins non autorisés en Suisse
Transmise par des petits moucherons (les gnous), la maladie de la langue bleue provoque de graves symptômes chez les animaux, en particulier chez les moutons: la fièvre notamment, des inflammations des muqueuses, des œdèmes et des boiteries. Selon l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), la maladie est souvent moins grave chez les bovins, même si ceux-ci peuvent parfois présenter des symptômes importants et être sujets à une baisse de leur production laitière.
Il existe certes trois vaccins contre la maladie de la langue bleue, mais ils ne sont pas autorisés en Suisse.
Se retrouvant seuls face à ce fléau, de nombreux paysans ne se sentent pas pris au sérieux par les autorités. Officiellement, il existe une liste de recommandations sur la manière dont les agriculteurs doivent procéder en cas d'infection. Mais dans les faits, cette marche à suivre, actualisée pour la dernière fois en 2008, est complètement dépassée. Sollicité par la «Bauern Zeitung», l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a toutefois assuré que la liste était en cours de révision. Une maigre consolation pour les exploitations concernées...
Epizootie observée en Allemagne
«Je me sens abandonné. Et si demain je recevais un résultat positif pour mes animaux?», s'inquiète l'un d'entre eux dans les pages de la «Bauern Zeitung». Une colère qui s'explique également par un manque d'anticipation.
Car le fait que le virus puisse toucher la Suisse dans de telles proportions était parfaitement prévisible. En octobre 2023, une première infection a été confirmée en Allemagne dans un élevage de moutons. Depuis, la maladie de la langue bleue se propage à une vitesse fulgurante. Alors qu'en juin, l'Institut Friedrich Loeffler (FLI), l'institut fédéral de recherche sur la santé animale, recensait encore 13 élevages touchés dans toute l'Allemagne, on en comptait déjà plus de 1200 en juillet. Le 23 août, soit environ un mois plus tard, 48'000 exploitations étaient concernées.
Fin août, le virus a été détecté pour la première fois en Suisse chez deux moutons d'une exploitation agricole du canton du Jura et chez un mouton du canton de Soleure. Dans le canton de Vaud, un bovin a également été touché.
Impossible à prévenir complètement
La maladie de la langue bleue a été détectée pour la première fois en Suisse en 2007. Mais à l'époque, c'était le variant de sérotype 8 (BTV-8) qui circulait. Entre 2008 et 2010, la Suisse a mené un vaste programme de vaccination. Mais cette fois, c'est un autre variant, le BTV-3, qui sème la pagaille.
Les agriculteurs doivent en plus faire face à un autre problème majeur, puisqu'il n'est guère possible de protéger complètement les animaux contre les gnous. Les moustiquaires et les barrières physiques peuvent toutefois réduire la probabilité que les moustiques piquent les animaux et propagent le virus. L'utilisation d'insecticides peut aussi aider à réduire le nombre de moustiques dans l'environnement des animaux. Il est enfin recommandé d'éliminer les eaux stagnantes, car elles constituent un lieu de reproduction idéal pour les moustiques.
En Suisse, une zone de lutte contre la langue bleue a été mise en place en raison des infections. Le transit des animaux reste donc possible sans restriction à l'intérieur du pays, comme l'a indiqué l'OFAG fin août. Mais l'exportation vers des pays sans cas de langue bleue n'est possible qu'à certaines conditions. Le sperme, les ovules et les embryons sont également concernés par ces mesures.