Les aéroports régionaux se défendent
La Confédération soutient l'aviation privée des super-riches à coups de millions d'impôts

La Confédération a budgété 33,2 millions de francs pour le soutien des aéroports régionaux en 2024. Pourtant le citoyen lambda, qui dispose d'un revenu modeste, n'utilise pas ces aéroports. Les jets privés, en revanche, y atterrissent.
Publié: 09.03.2025 à 12:00 heures
|
Dernière mise à jour: 09.03.2025 à 13:01 heures
1/5
L'aviation d'affaires devient de plus en plus importante pour les aérodromes régionaux.
Photo: Shutterstock
RMS_Portrait_AUTOR_249.JPG
Robin Wegmüller

Hier, Swiss a dévoilé la livraison spéciale de son premier Airbus A350. À la fin de l'été 2025, il devrait décoller pour la première fois de Zurich, décoré de marmottes, d'un skieur et de motifs représentant neuf villes suisses. Pour les passagers au revenu moyen, cette décoration fera peut-être esquisser un sourire. Quant aux plus fortunés, ils n’y prêteront sans doute pas attention, préférant de toute façon voyager en jet privé.

Jets et aéroports régionaux

Ces personnes fortunées emploient très souvent les petits aéroports régionaux de Suisse pour leurs voyages en jet. Autrefois, de nombreux voyageurs ordinaires empruntaient également ce type d'aéroports, ce qui n'est plus le cas. Comme le rapporte le «Tages-Anzeiger», les aéroports régionaux de Berne-Belp, Buochs, Granges, La Chaux-de-Fonds, Lugano, Samedan, Sion et Saint-Gall-Altenrhein bénéficient encore aujourd’hui de subventions publiques, alors que la situation a radicalement changé. 

Des destinations comme Berne ou Lugano n’offrent plus de liaisons quotidiennes vers les grandes villes européennes depuis longtemps, le trafic régulier et charter s’est effondré. C'est là que le bât blesse: un budget de 33,2 millions de francs a été alloué aux huit aéroports régionaux pour 2024.

De plus en plus de jets privés

Parallèlement, le trafic d'affaires devient de plus en plus important dans ces petits aérodromes. Une étude de l'université de Saint-Gall montre qu'aujourd'hui, près d'un tiers de ce que l'on appelle «l'aviation d'affaires» passe par les huit aéroports mentionnés. Grâce aux fonds publics, ils peuvent soutenir des prix compétitifs. Une question se pose alors: est-ce que par conséquent, le contribuable suisse paie pour que les propriétaires de jets privés puissent voler?

En y regardant de plus près, il devient évident que tous les aéroports ne peuvent pas être mis dans le même panier. La gestion du contrôle aérien constitue un point crucial. Les aéroports facturent bien une redevance aux voyageurs pour ce service, mais son montant varie d’un site à l’autre.

L'Engadine peut voler de ses propres ailes

«Les vols internationaux d'aviation d'affaires paient chez nous une contribution deux fois plus élevée», nous explique Christian Gorfer, porte-parole d'Engadin Airport. Situé à la plus haute altitude d’Europe, cet aéroport est souvent associé aux riches visiteurs de St-Moritz. Pourtant, cette image est en partie trompeuse. Sur les 16'000 mouvements aériens annuels, 80% concernent des vols en hélicoptère liés à la sécurité publique et à l’aviation sportive, ainsi qu’à la formation. Il s’agit principalement de vols pour le déclenchement préventif d’avalanches, la sécurisation des routes de montagne, le ravitaillement des cabanes du CAS (Club Alpin Suisse) ou encore les interventions de la Rega.

De plus, l'aéroport de Samedan n'a pas de contrôle aérien de Skyguide sur place. «Nous avons notre propre contrôle aérien, justifie Christian Gorfer, celui-ci est massivement moins cher.» Les huit aérodromes régionaux sont loin de pouvoir assumer eux-mêmes leur contrôle aérien. En moyenne, la Confédération prend en charge 88% des coûts. En Engadine, l'aérodrome et ses clients financent 60% de leur propre caisse.

Des reproches réfutés

Les aéroports de Saint-Gall-Altenrhein et de La Chaux-de-Fonds ont également tenu à nous exposer leurs arguments Plus des deux tiers des 29'000 mouvements en Suisse orientale sont dus à des vols de formation, d'instruction et d'entraînement. En Suisse romande, les vols de formation, y compris ceux des futurs pilotes de Swiss, représentent 45% des mouvements aériens. Les deux exploitants réfutent les reproches selon lesquels le contribuable ne profite pas de l'argent de la Confédération. Les cinq aérodromes restants n'ont pas réagi à nos sollicitations.

Quoi qu'il en soit, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter (PLR) et le Conseil fédéral veulent réduire drastiquement le soutien aux aéroports régionaux à 5 millions de francs. A l'avenir, seuls Granges et Berne-Belp devraient encore en profiter. Pour la plupart des petits aéroports, cela signifierait probablement la fin, comme ils le laissent entendre. La proposition est actuellement en consultation.

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la