Les images d'un groupe de jeunes filles tabassant une fille de 16 à Oensingen, dans le canton de Soleure, ont ému tout le pays. La scène est d'une violence sans nom: aux coups de pied, s'ajoutent des coups de poing et des torrents d'insulte. D'autres clichés circulant sur le net montreraient la victime à moitié nue. Une enquête pénale a déjà été ouverte contre les auteures présumées, six adolescentes de différentes nationalités âgées de 14 à 16 ans.
Ce n'est pas la première fois qu'un gang de filles fait la une des journaux en Suisse. En novembre 2023, l'«Aargauer Zeitung» avait relayé une vidéo montrant un groupe d'adolescentes harceler, frapper et arracher les cheveux d'une jeune femme. Les agresseuses, visiblement jamais rassasiées, assénaient des coups au visage de la victime sans discontinuer, alors que celle-ci était à terre. La séquence était, là aussi, devenue virale sur internet.
D'une façon plus générale, les images semblent se propager très rapidement sur la toile lorsque ce sont des jeunes femmes qui commettent des violences. Et les réactions qu'elles suscitent sont particulièrement nombreuses.
La violence féminine est «exotique»
Monika Egli-Alge, psychologue légiste et experte en matière de violence juvénile, confirme que c'est le cas. «Les statistiques criminelles et la recherche sur le genre montrent clairement que les délits de violence sont beaucoup plus rares chez les femmes que chez les hommes: la violence féminine est exotique, c'est pourquoi elle fascine tant lorsqu'elle se produit», explique l'experte à Blick.
Or, de tels actes de violence ne sont généralement associés aux filles, ce qui renforce ce sentiment de fascination. «En général, on pense que les filles ne font pas ce genre de choses. C'est d'autant plus intéressant quand cela se produit quand même», poursuit Monika Egli-Alge.
La récente agression d'Oensingen montre pourtant que les filles sont tout aussi capables de recourir à la violence physique que les garçons. La brutalité de cette attaque ne surprend d'ailleurs pas l'experte: selon elle, lorsqu'un groupe s'attaque à une victime isolée, les mécanismes sont les mêmes pour les garçons et les filles.
Violence stimulée par l'effet de groupe
«En groupe, le seuil d'inhibition diminue, on se stimule mutuellement», explique la psychologue légiste. Elle précise: «On appelle cela la diffusion de la responsabilité. Parce que l'on voit comment les autres membres du groupe exercent également la violence, on peut pour ainsi dire justifier sa propre violence.»
Et fait terrible: plus les agressions sont brutales, plus cet effet est fort. «Seules, les auteures présumées ne seraient peut-être pas en mesure de commettre un tel délit, de donner des coups de pied et de poing. Mais le groupe fait alors la triste différence», explique Monika Egli-Alge.
Comme l'explique l'experte, cette spirale infernale a également pour effet d'anéantir le bon sens des différents individus. «On le voit aussi au fait que dans le cas d'Oensingen, les accusées ont filmé leur propre vidéo en guise de preuve.»
La vidéo, vecteur de reconnaissance
A cela s'ajoute le fait que la vidéo est souvent perçue comme un vecteur de reconnaissance, voire de célébrité. «Pour de nombreux jeunes, c'est un automatisme de documenter sa propre vie dans en photos et en vidéos, il est donc logique que les actes de violence soient également enregistrés», expliquait Lothar Janssen, directeur de l'Institut suisse pour les questions de violence, lors d'une interview accordée à Blick en 2023 à la suite d'une agression similaire.
Dans ces cas d'extrême violence, une vidéo, c'est comme un butin. Une preuve que l'on fait circuler, selon Lothar Janssen. «Plus une vidéo est violente, plus elle peut apporter de la célébrité à l'agresseur ou à l'agresseuse.»
L'importance du traitement
S'ils sont particulièrement médiatisés, les délits de violence commis par des jeunes femmes sont-ils pour autant en augmentation? Monika Egli-Alge ne le pense pas. Selon elle, la proportion de femmes parmi les délinquants de la sorte se situe toujours en moyenne autour de 20%. «Il y a toujours plus ou moins de violence chez les jeunes, des cas retentissants comme celui d'Oensingen peuvent vite rendre le tableau plus noir qu'il ne l'est», tempère-t-elle.
Pour la spécialiste de la violence juvénile, la gestion des jeunes délinquants est une question encore plus centrale que celle de la fréquence des délits. «Il est important de traiter soigneusement et en détail de tels incidents avec les moyens offerts par le droit pénal des mineurs», estime Monika Egli-Alge. Elle précise: «Cela implique également d'analyser la dynamique de groupe qui a conduit à l'explosion de violence.» L'experte l'assure: ce n'est que comme ça que les chances de récidive peuvent être réduites.