Le taux de natalité baisse en Suisse
Crèches ou «communautés villageoises»? Il faudra choisir!

En Suisse, le taux de natalité ne cesse de baisser. Cela s'explique par le fait que les enfants coûtent cher, selon le chroniqueur Werner Vontobel, mais également à cause du coût et de l'impact des crèches, ainsi que de l'immobilier, au sein d'un quartier.
Publié: 14.08.2023 à 20:00 heures
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Le chroniqueur Werner Vontobel s'inquiète.
Photo: Paul Seewer
Werner Vontobel

En Suisse, le taux de natalité est tombé à 1,39 enfant par femme. Et ce ne seront pas les crèches, très coûteuses, qui aideront à faire remonter ce chiffre! Nous devrions plutôt repenser la construction de lotissements, modifier les structures du marché immobilier, ou encore veiller à ce que davantage de communautés villageoises modernes s'occupent des plus jeunes, comme des plus âgés.

Le pédagogue Remo Largo aimait citer cette sagesse africaine: «Il faut tout un village pour éduquer un enfant.» Par «village», il entendait des voisinages vivants et hétéroclites, comme on a pu en admirer récemment dans le «Tages-Anzeiger». Le quotidien rapportait l'entraide d'un groupe d'habitants de Zurich Wollishofen, composé d'une vingtaine d'adultes et d'enfants.

La plupart des 39 locataires habitent sur place depuis longtemps. L'entente et l'entraide entre voisins est donc monnaie courante. Puisque, au sein du groupe, certains travailleurs ne sont actifs qu'à temps partiels, qu'un retraité est disponible, et qu'il y a même une salle commune, le quartier a-t-il réellement besoin d'une garderie? Il peut tout à fait s'en passer, il s'occupe de ses enfants lui-même.

Un rendement foncier attractif

Mais ce quartier zurichois est un modèle en voie de disparition, à cause d'une décision des bailleurs. Ceux-ci sont un couple de frères originaires de Suisse centrale, où la fiscalité est avantageuse. Ils ont récemment informé leurs locataires qu'ils souhaitaient vendre les six maisons du quartier, très bien situées, au plus offrants. Ils estiment pouvoir vendre les biens entre 60 et 80 millions. Seulement, cette estimation se base sur le fait que deux fois plus de logements seraient construits sur le terrain.

Chaque appartement coûterait alors environ 900'000 francs, un prix qui sera désormais la norme. Avec un taux d'intérêt de 3%, cela coûte plus de 2'000 francs par mois de rente foncière pure par locataire ou acheteur. Les deux propriétaires fonciers perçoivent ainsi plus que leurs locataires ne paient en impôts communaux, cantonaux et fédéraux.

Loyers élevés, enfants coûteux

Zurich Wollishofen n'est de loin pas un cas isolé. Sur le même modèle, le Tribunal administratif fédéral a fait état de deux autres quartiers dans la ville de Zurich qui recevront le même traitement, à savoir démolition ou rénovation coûteuse. Les moins bien lotis doivent déménager pour laisser les plus fortunés s'installer. Or, il est très improbable que ces nouveaux arrivants forment une communauté villageoise aussi soudée que ses prédécesseurs. Car en plus du loyer élevé, peu d'entre eux ont les moyens d'élever un enfant. Exit donc la communauté.

Selon une étude d'UBS, un enfant coûte environ un demi-millions à ses parents au fil des ans. Pas étonnant, donc, qu'il y ait trois fois moins d'enfants dans les ménages des deux cinquièmes les plus pauvres de la population, que dans les classes plus aisées. Bientôt, il risque d'y avoir plus de retraités que de travailleurs en Suisse.

Que pouvons-nous faire pour sortir de ce piège démographique? La solution évidente serait d'écrémer massivement les rentes foncières à des fins fiscales. Après tout, le «bon emplacement» sur lequel reposent les prix élevés a été largement façonné par l'État: routes, écoles, liaisons de transport, taux d'imposition bas, etc. Les propriétaires fonciers faisant valoir leurs droits, le principe d'une communauté d'entraide reste un doux rêve utopique.

Des crèches comme alternatives

Au lieu de cela, nous misons sur des crèches fortement subventionnées. De cette manière, les parents peuvent travailler plus longtemps, payer un loyer élevé et peuvent peut-être se permettre d'avoir un ou deux enfants supplémentaires. Les partisans des crèches, issus de la gauche, comme la conseillère nationale socialiste Min Li Marti, mettent volontiers en avant le bien-être de l'enfant. «Il s'agit aussi d'un enrichissement pour les enfants, de rencontrer d'autres personnes de référence et d'autres enfants.» En effet, la mort des communautés de quartier fait que la crèche est, pour de plus en plus d'enfants – surtout uniques –, la seule chance de passer du temps avec d'autres jeunes de leur âge.

Mais c'est une solution coûteuse et qui nécessite des emplois: selon une prise de position de Kibesuisse, il faut 37% de poste par enfant, soit 156 francs par jour et par enfant, rien que pour le personnel d'encadrement. S'y ajoutent le loyer, le mobilier, le nettoyage, etc. Les enfants doivent être amenés et récupérés. De plus, avec chaque crèche, la probabilité qu'un lotissement anonyme devienne un village diminue.

Un danger pour les personnes âgées

Ce n'est pas seulement mauvais pour les enfants, mais aussi pour les retraités et les personnes seules. Eux aussi ont besoin de contacts avec des enfants et d'autres personnes de référence. La solitude est, avant l'alcool et le tabac, le plus grand risque pour la santé et la démence. Moins il y a de voisinage, plus nous devons dépenser d'argent pour les soins. Les «crèches pour les seniors» sont encore plus chères.

En développant les crèches, en recrutant de la main-d'œuvre étrangère et en proposant de lier la rente AVS au nombre d'enfants, nous nous attaquons uniquement à la pointe de l'iceberg. Au lieu de cela, nous devrions penser aux causes. Concrètement, libérer le marché du logement de l'emprise des maximisateurs de profit et redonner aux ensembles résidentiels anonymes l'aspect de villages semble être une solution plus pérènne.

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