La devanture de la crèche, installée dans un immeuble de bureaux discret en plein cœur de Zurich, inspire confiance. Jusqu'à douze enfants y sont accueillis, dès l'âge de trois mois. Selon le site internet de l'établissement, il s'agit d'un lieu «plein de rires, d'aventures et de fantaisie».
Mais derrière la façade habilement décorée de l'établissement, la scientologie distillerait ses préceptes à des bambins. Ainsi, une fois confiés au personnel de la crèche, les enfants ne se contenteraient pas seulement de jouer, de chanter et de peindre. Ils y apprendraient également les bases de la scientologie.
La crèche est en effet gérée par une association de parents, essentiellement composée de scientologues. En octobre dernier, l'association est inscrite au registre du commerce, en précisant que «l'encadrement est basé sur les principes fondamentaux de la scientologie et sur les principes élaborés par L. Ron Hubbard», le fondateur très controversé de la secte.
D'abord réservées aux enfants dont les parents sont membres actifs de la scientologie, les inscriptions peuvent toutefois être ouvertes à d'autres familles en cas de places libres, précise l'établissement.
Le mouvement anti-scientologie s'étrangle
La crèche dispose d'une autorisation de la ville. Debora Komso, porte-parole du département social zurichois, confirme: «La crèche a une autorisation d'exploitation, mais ne reçoit pas de subventions de la ville.»
En principe, il n'y aurait pas de dispositions légales concernant l'orientation religieuse ou politique des crèches. La surveillance des crèches se limite ainsi au respect des dispositions légales prévues pour ce genre d'établissement.
Mais Georg Schmid, directeur du centre d'information protestant Relinfo, ne l'entend pas de cette oreille et tient des propos acides sur l'établissement. Selon lui, il est important que les crèches assument les liens qui les unissent aux mouvements religieux. Sur le site web de la crèche, on ne trouve en effet aucune mention de la scientologie. «C'est opaque et problématique», s'étrangle Georg Schmid. Et de rajouter que de telles crèches font grandir les enfants «dans une bulle idéologique». C'est mauvais «pour la cohésion d'une société pluraliste».
«Nous suivons avant tout les directives de l'État»
La scientologie est confrontée depuis des années à de violents critiques au niveau international. Il s'agirait selon certains d'un mouvement totalitaire, antidémocratique, d'où il serait difficile de sortir si l'on en est membre. Les scientologues démentent toutefois ces accusations.
Les gérants de la crèche soulignent, eux, que l'association de parents existe depuis plus de 30 ans et assurent tenir compte en premier lieu des obligations de l'Etat: «Nos éducateurs et éducatrices sont formés par l'État et appliquent les principes qu'ils ont appris pendant leur formation.»
Dans la crèche, les enfants seraient ainsi éduqués «à l'indépendance et à la pensée autonome». La crèche serait par ailleurs «ouverte à la diversité», ce qui permettrait d'y intégrer différentes orientations religieuses.
Mais alors, pourquoi n'y a-t-il aucune mention de la scientologie sur le site web de l'établissement? Tout simplement parce que le site internet n'a été mis en ligne que récemment et est encore en cours d'élaboration, balayent d'un revers de main les gérants. «La mention sera bien entendu intégrée» poursuivent-ils.
«Cette crèche devrait être interdite»
Sabrina David connaît la scientologie de l'intérieur. Cette Bâloise a été membre de la secte pendant 14 ans – avant de réussir à en sortir en 2017: «Cette crèche devrait être interdite», s'indigne-t-elle.
Pour la jeune femme, il s'agit d'un endroit avant tout destiné à «former de nouveaux scientologues». Elle met en garde contre les techniques d'embrigadement mise en place par L. Ron Hubbard et reproduites dans la crèche: «Si un enfant s'est fait mal, par exemple, on ne peut pas s'approcher de lui pour le consoler. Et on ne doit se taire.»
Par ailleurs, le fait que l'usage de médicaments soit limité en scientologie est également problématique, selon Sabrina David. «Quand un enfant est malade, on lui donne généralement simplement des vitamines au lieu d'aller chez le médecin.» Et de conclure: «J'ai fini par penser que tout cela était normal», avant d'avoir une vision différente de la vie, après avoir quitté le mouvement.