Au premier trimestre de l'année 2023, les épiceries solidaires suisses de Caritas ont enregistré le plus important chiffre d'affaires de leur histoire. Il est près de 40% plus élevé comparé à l'année précédente. Tout comme le nombre de clients qui a augmenté dans les mêmes proportions.
Pour le directeur des épiceries Caritas, Thomas Künzler, ces résultats ne sont pas matière à réjouissance. Le soixantenaire n'hésite pas à dresser ce triste constat: «Le système a échoué.» En effet, dans les épiceries Caritas, les personnes à petit budget peuvent acheter des denrées alimentaires et d'autres biens de consommation courante à moindre coût. Pour cela, elles doivent demander une carte. Elle est destinée aux personnes qui vivent avec le minimum vital, qui touchent l'aide sociale ou des prestations complémentaires.
A lire aussi
Une clientèle plus nombreuse que jamais
Aujourd'hui, 110'000 personnes en Suisse possèdent une telle carte. Et ce nombre ne cesse d'augmenter: «Nous avons beaucoup de nouvelles demandes de toutes parts», détaille Thomas Künzler. Autrement dit: de plus en plus de personnes n'ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins élémentaires.
Les raisons en sont multiples. La première coupable est l'inflation. En mars, le renchérissement s'élevait à 2,9%. Pour les personnes les plus pauvres, c'est un taux aux conséquences dévastatrices.
L'année dernière déjà, les épiceries Caritas ont eu plus de clients en raison de l'inflation. «Mais nous ne nous attendions pas à la poussée massive de cette année», note Thomas Künzler. Cette année, le renchérissement s'est vraiment fait sentir. Les primes d'assurance maladie ont augmenté. Et les frais d'électricité sont également plus élevés cette année.
Les produits les moins chers marchent le mieux
Même Caritas a donc été contrainte d'augmenter légèrement ses prix. Mais les gens ne dépensent pas plus d'argent pour autant. «Ils achètent simplement moins», souligne le directeur des épiceries solidaires. Les produits les moins chers sont aussi ceux qui marchent le mieux. «Le chocolat à 60 centimes est désormais nettement plus acheté que celui à 80 centimes.»
Thomas Künzler déplore que, dans le commerce de détail, ce soient justement les prix des aliments de base qui aient augmenté de manière drastique - et ce de 45% en moyenne. Caritas a comparé les prix des discounters comme Aldi et Lidl avec ceux d'il y a deux ans. Pour l'huile, la hausse des prix est particulièrement drastique: «Une huile végétale bon marché coûtait encore 2,60 francs en 2021. Entre-temps, elle est passée à 4,50 francs», compare Thomas Künzler.
Des denrées alimentaires en partie subventionnées
Dans les épiceries Caritas, les aliments de base comme le lait, les pâtes, le riz, la farine et le sucre sont subventionnés. Ils peuvent donc être proposés moins chers qu'ils ne le sont en réalité. Le tout est financé par des dons.
Les fruits sont encore une fois particulièrement subventionnés, car sinon les personnes en précarité ne consommeraient pratiquement que des glucides. Caritas vend 50% de fruits et légumes de plus que l'année précédente. Mais elle doit maintenant se demander comment elle pourra encore payer la subvention. Caritas essaie de se procurer les autres produits au prix le plus bas.
De nombreux réfugiés ukrainiens font également leurs achats à l'épicerie Caritas. «Au début, ils recevaient directement une carte. Entre-temps, ils doivent en faire la demande, mais ils l'obtiennent en fait avec leur passeport ukrainien», détaille Thomas Künzler.