Le paquet européen se fait attendre
Sans accord avec l’UE, nos voisins allemands s’inquiètent pour leurs liens avec la Suisse

Des milliards de francs et des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu. Aucune région n'est aussi liée à la Suisse que le Bade-Wurtemberg. Mais l'absence d'accord avec l'UE suscite l'inquiétude. Les élus allemands plaident pour une nouvelle stratégie avec la Suisse.
Publié: 23.03.2025 à 11:55 heures
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Dernière mise à jour: 23.03.2025 à 11:59 heures
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Près de 60'000 personnes se rendent chaque jour en Suisse pour travailler depuis le Bade-Wurtemberg.
Photo: Keystone
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Près de 60'000 personnes se rendent chaque jour en Suisse pour travailler depuis le Bade-Wurtemberg.
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Sven Altermatt

Aucune autre région allemande n'est aussi proche de notre pays que le Bade-Wurtemberg. Avec plus de 300 kilomètres de frontière commune, des liens économiques étroits et environ 60'000 frontaliers qui viennent travailler chez nous chaque jour, le Bade-Wurtemberg est indissociable de la Suisse. 

La Suisse est d’ailleurs le deuxième partenaire commercial de ce Land de 11 millions d’habitants, tant comme client que comme fournisseur. En 2024, le Bade-Wurtemberg a exporté pour 20,2 milliards d’euros de marchandises vers notre pays, et en a importé pour 18,7 milliards.

Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que la région du sud de l’Allemagne s’invite dans les discussions entre la Suisse et l’UE. Le gouvernement du ministre-président vert Winfried Kretschmann a plaidé en faveur de la Suisse. On a «construit des ponts entre Berne et Bruxelles», a-t-il déclaré fièrement.

«Plus d'excuses!»

Mais le Bade-Wurtemberg doit aussi revoir sa propre politique vis-à-vis de ses voisins. Il reste à ce jour le seul Land – et sans doute la seule région étrangère tout court – à disposer d’une stratégie spécifique envers la Suisse. Un document vieux de près de dix ans, aujourd’hui largement obsolète.

Sur place, l’incertitude règne. Sur le plan juridique, de nombreuses zones grises demeurent. Tous les partis, ou presque, s’accordent à dire qu’il ne faut pas tout miser sur Bruxelles. Mais la conclusion d’un nouvel accord avec la Suisse pourrait prendre des années.

Face à cela, l’opposition monte au créneau, notamment les femmes du Parti libéral-démocrate allemand (FDP). «Plus d'excuses!», a récemment lancé la députée Alena Fink-Trauschel au Parlement régional allemand. «J’attends toujours la présentation finale de la stratégie suisse.» Et d’ajouter que ce document devrait être plus qu’une simple pile de papier: les entreprises ont besoin de conditions-cadres claires.

La peur de nouvelles tensions est bien réelle. Au point que les libéraux-radicaux parlent déjà d’«escarmouche suisse»: des frictions qui pourraient ressurgir tant que la stratégie n’est pas aboutie et que le Land ne clarifie pas sa relation avec la Suisse.

Lors du dernier débat, le député des Vert-e-s Niklas Nüssle a ainsi résumé la situation: «S'il n'y a plus d'espace entre les guerres et les crises, entre les dictateurs et les despotes, entre Donald Trump et Elon Musk, alors aucune feuille de papier ne doit pouvoir s'interposer entre la Suisse et l'UE.» 

Cela inquiète les voisins

Mais alors, quand cette fameuse stratégie verra-t-elle le jour? Contacté par Blick, un porte-parole du ministère d’Etat du Bade-Wurtemberg répond: «Nous sommes en train de finaliser le texte et nous visons un traitement rapide au cabinet.» Il est question d’une «collaboration approfondie et solide pour l’avenir» avec les voisins suisses. Plusieurs dossiers urgents doivent être abordés. L’accès au marché helvétique reste problématique: les mesures d’accompagnement et obstacles techniques compliquent l’offre de services et le détachement de personnel. La réglementation des frontaliers, elle aussi, doit être simplifiée.

Le domaine des transports fait également partie des priorités, avec par exemple le retard d’électrification de la ligne du Haut-Rhin. Les deux régions misent sur les technologies de pointe, mais souvent sans coordination. Le Land voit pourtant un fort potentiel de coopération dans les secteurs de la santé, de l’aéronautique, de l’espace et de l’intelligence artificielle.

L’approvisionnement énergétique est également un axe stratégique. Un projet de pipeline d’hydrogène le long du Haut-Rhin pourrait transformer la région de Bâle et Fribourg-en-Brisgau en hub de référence. Mais finalement, tout dépendra des accords entre la Suisse et l’Union européenne. Pour les Vert-e-s du Bade-Wurtemberg, ces accords restent «l’étalon-or». Et ils espèrent que Berne donnera bientôt son feu vert – car sans cela, les tensions risquent de refaire surface.

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