Les couples mariés devraient être taxés comme les concubins. Le National a soutenu mercredi par 98 voix contre 93 le projet du Conseil fédéral visant à supprimer la pénalisation fiscale du mariage. Ce dossier occupe la politique fédérale depuis 25 ans. Plusieurs solutions soumises aux Chambres ont jusqu'à présent échoué, a rappelé la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. «Nous en sommes ainsi revenus à la case départ.»
A lire sur l'imposition
Actuellement, les couples mariés paient plus d'impôts pour un même revenu qu'un couple non marié. L'imposition individuelle corrige la «pénalisation du mariage». Les Femmes PLR ont lancé une initiative dans ce but. Pour le Conseil fédéral, il n'est pas nécessaire de régler cette question dans la Constitution.
Il a présenté un contre-projet indirect. Chacun et chacune remplira individuellement sa déclaration d'impôt, marié ou non. La réforme doit être appliquée à tous les échelons de l'Etat: Confédération, cantons et communes.
«Monstre bureaucratique»
Lors des débats, l'UDC et le Centre ont critiqué le nouveau système qui créera de nouvelles inégalités, notamment pour les couples qui n'ont qu'un seul revenu ou un deuxième faible. Quelques-uns ont dénoncé la destruction de la famille traditionnelle. Beaucoup redoutent une énorme charge pour les cantons, le terme de «monstre bureaucratique» revenant à plusieurs reprises.
L'introduction de l'imposition individuelle pour les cantons entraînera en effet 1,7 million de déclarations supplémentaires, mais cette bureaucratie n'est pas insurmontable selon les experts, a assuré la ministre des Finances. La numérisation devrait atténuer la bureaucratie, leur a-t-elle répondu.
Equité fiscale
La gauche et le PLR ont plaidé eux pour l'équité fiscale entre hommes et femmes. «Le choix de se marier ou non est une affaire privée et ne doit pas avoir d'effet sur l'imposition», selon Jean Tschopp (PS/VD).
Plusieurs élus ont mis en avant les avantages économiques à la clé. «Nous pourrions gagner 53'000 équivalents temps plein si environ la moitié des femmes qui restent actuellement à la maison après avoir fondé une famille pouvaient retourner au travail», selon Jacqueline de Quattro (PLR/VD). Une aubaine pour la Suisse qui manque de main-d'œuvre spécialisée.
Pertes fiscales critiquées
Mercredi, les députés ont débattu des pertes fiscales. Le gouvernement s'attend à ce que la réforme entraîne une diminution des recettes de l'impôt fédéral direct à hauteur d'un milliard de francs par année, soit 800 millions pour la Confédération et 200 pour les cantons.
Plusieurs propositions alternatives étaient sur la table. Elles ont toutes été refusées. La proposition du PVL visant à réduire la perte à 500 millions par le biais d'un relèvement de la progression fiscale a par exemple échoué par 122 voix contre 70. Les modèles de splitting défendus par le Centre et l'UDC ont aussi été rejetés par 98 voix contre 95. Ces dernières propositions ne répondent pas à l'initiative, a souligné Karin Keller-Sutter.
L'initiative populaire du Centre contre la discrimination des couples mariés est revenue souvent sur le tapis. Ce texte propose un calcul alternatif de l'impôt qui permettrait de comparer deux modèles, celui de l'imposition commune et celui applicable aux personnes non mariées. Le fisc retiendrait le calcul le plus avantageux pour chaque couple. La gauche et le PLR ont pointé des pertes fiscales encore plus importantes avec ce modèle.
Effets variables
Les députés ont enfin décidé que la loi devrait entrer en vigueur au plus tard six ans après le délai référendaire ou après l'acceptation en votation de l'initiative. Les cantons ont exigé un délai de dix ans. Le National donnera ultérieurement sa recommandation de vote sur l'initiative des Femmes PLR.
Selon les calculs de la Confédération, les effets du projet sur les contribuables sont variables. Une majorité devrait voir la charge de l'impôt fédéral direct baisser. Cela vaut en particulier pour les personnes mariées dont les revenus sont répartis plus ou moins également et pour les couples retraités.
La réforme pourrait en revanche entraîner une augmentation de la charge fiscale pour les couples mariés qui ne disposent que d'un revenu principal ou d'un revenu principal et d'un revenu secondaire faible. L'objet va au Conseil des Etats.