Le directeur de l'Hôpital de l'Île
«Si ça continue comme ça, on ne pourra pas éviter le triage»

C'est la hantise des hôpitaux. Dans tout le pays, les médecins souhaitent éviter de procéder à l'horrible décision de savoir qui sera traité en premier en cas d'urgence. Pour la première fois, le directeur d'un hôpital suisse tire la sonnette d'alarme.
Publié: 28.11.2021 à 08:30 heures
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Dernière mise à jour: 28.11.2021 à 15:31 heures
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Uwe E. Jocham, le directeur de l'hôpital de l'Île à Berne, a des mots forts.
Photo: keystone-sda.ch
Tobias Marti et Sven Zaugg

Le triage. Le mot que personne n'ose encore prononcer dans notre pays. Lorsqu'il n'y a plus assez de place dans les unités de soins intensifs, c'est aux médecins de décider qui doit être hospitalisé en priorité. Parfois, cela représente une décision de vie ou de mort.

Sans utiliser ce mot tabou, le conseiller fédéral Alain Berset a évoqué mercredi la présence de cette décision médicale. «Les cantons doivent préparer les structures hospitalières à une nouvelle charge très élevée. Tout en sachant que les possibilités de le faire sont limitées», a déclaré le ministre de la Santé. .

Il met en garde contre le triage

Les premières mises en garde viennent déjà du front. «Si les chiffres continuent à évoluer de la sorte, on ne pourra pas éviter le triage», prévient Uwe E. Jocham, directeur de l'hôpital de l'Île à Berne.

Il lance un appel à la population pour aller se faire vacciner ou recevoir la dose de rappel. «L'hôpital de l'île manque déjà de personnel en temps normal, précise-t-il, je n'ose pas imaginer s'il fallait étendre le service de soins intensifs.»

«La préparation a ses limites»

Depuis le début de la pandémie, les lits de soins intensifs sont déjà le goulet d'étranglement du système de santé. Les hôpitaux de tout le pays envisagent donc les semaines à venir avec inquiétude.

C'est le cas de l'hôpital universitaire de Zurich. Selon la porte-parole Barbara Beccaro, les patients Covid surchargent à nouveau massivement les unités de soins intensifs. Cela devrait avoir des répercussions sur le fonctionnement normal, avec d'autres reports d'opérations.

«L'évolution des chiffres nous préoccupe sérieusement», prévient également Daniel Germann. Le chef de l'hôpital cantonal de Saint-Gall en appelle au Conseil fédéral pour qu'il décide maintenant de mesures coordonnées. «Nous sommes préparés, mais la préparation a ses limites», souligne Daniel Germann.

Une augmentation du nombre de lits en soins intensifs est irréaliste, prévient le patron de l'hôpital saint-gallois. «Cela se ferait au détriment d'autres groupes de patients», insiste-t-il.

Mais on entend aussi d'autres sons de cloche. Vincent Ribordy, directeur de l'Hôpital fribourgeois (HFR), veut rassurer: «Nous avons maîtrisé la première et la deuxième vague et nous maîtriserons aussi celle-ci.»

Le personnel hospitalier est à bout de souffle

Après bientôt deux ans de pandémie, le personnel hospitalier est au bord de l'épuisement total. «Le stress persistant entraîne des signes d'usure et des absences», explique-t-on au département de la santé argovien. Le personnel spécialisé est depuis longtemps très sollicité et ne peut plus être appelé pour des missions spéciales.

Les hôpitaux ont cherché des renforts à l'étranger, mais cela n'a servi qu'à compenser les départs. Selon l'expérience argovienne, cela n'a plus suffi pour créer de nouvelles réserves de personnel.

Opérations reportées

Les chiffres de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) montrent à quel point les hôpitaux sont sous pression. Alors qu'au 1er novembre, 111 patients devaient être traités intensivement à cause du Covid, leur nombre est passé à 190 à la fin du mois. Les malades du Covid occupent actuellement 22% des capacités des unités de soins intensifs en Suisse.

Dans certains hôpitaux, des opérations non urgentes ont déjà dû être reportées. Tout cela rappelle la deuxième vague d'il y a un an. Selon la Société Suisse de Médecine Intensive (SSMI), des patients doivent déjà être transférés dans d'autres hôpitaux du canton et hors canton.

La vaccination protège contre les formes graves

L'hiver sera difficile, a également souligné cette semaine la responsable de la Task force scientifique Covid Tanja Stadler. «Il faut s'attendre à 30'000 hospitalisations si nous ne faisons pas de progrès significatifs en matière de vaccination». D'un point de vue épidémiologique, des manœuvres de freinage seraient immédiatement nécessaires.

Mais le fait est aussi que la vaccination protège contre les formes graves du Covid. Seuls deux des 61 patients de l'unité cantonale de soins intensifs étaient doublement vaccinés, selon la direction de la santé argovienne, qui en fait le décompte depuis le 21 août.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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