«C'est une situation favorable», déclare le ministre de la Santé Alain Berset lors de la conférence de presse de vendredi sur l'évolution du coronavirus en Suisse. Le nombre de cas est en baisse depuis des semaines, tout comme les admissions à l'hôpital et les décès. En de nombreux endroits en Europe, la troisième vague est déjà considérée comme brisée.
Mais l'optimisme affiché du conseiller fédéral s'apparente à du déjà-vu. «Les choses se présentent très, très bien en ce moment», déclarait il y a tout juste un an le célèbre épidémiologiste Marcel Salathé. Son pronostic s'est révélé faux en quelques semaines. Le nombre de cas Covid a explosé en octobre 2020 avec la reprise des grands événements et le changement de météo. La Suisse s'est alors lancée tête baissée dans la deuxième vague de la pandémie.
Sommes-nous menacés aujourd'hui du même sort qu'il y a un an?
Les chiffres sont inquiétants
Un examen détaillé des statistiques montre que, malgré la tendance à la baisse, le nombre de nouvelles infections est actuellement presque trois fois plus élevé qu'il y a un an. Nous enregistrons actuellement 73 nouvelles infections pour 100'000 habitants. Il y a un an, ce chiffre était de 27, après quoi la courbe a été multipliée par 20 pour atteindre 640 nouvelles infections pour 100'000 habitants en 7 jours.
Si les températures plus fraîches de cette année entraînent une augmentation aussi rapide, le chiffre atteindrait alors 1500 nouvelles infections pour 100'000 habitants par semaine. Les hôpitaux seraient alors désespérément surchargés. En effet, même si les chiffres sont à la baisse en ce moment, la charge de travail dans les unités de soins intensifs reste élevée. Il y a peu de marge de manœuvre.
L'épidémiologiste génomique Emma Hodcroft prévenait d'ailleurs dans une interview au Blick: «Il serait dangereux de conclure que nous avons vaincu la pandémie et que nous pouvons abandonner toute prudence.»
Emma Hodcroft prévient également qu'il ne faut pas se fier aux signaux positifs émis par d'autres pays: Danemark, Suède, Norvège, Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, qui ont tous officiellement déclaré la pandémie terminée ou, du moins, mis un terme aux mesures de gestion de la pandémie.
«L'enjeu est plus important en Suisse»
Mais cela ne signifie pas que la Suisse puisse faire de même. Ces pays ont en commun un taux de vaccination de 80% et plus. Chez nous, ce chiffre n'est que de 58%. «Ce n'est tout simplement pas comparable», souligne Emma Hodcroft. «Le risque d'une nouvelle vague forte est beaucoup plus élevé que dans les autres pays européens. L'enjeu est tout simplement plus grand en Suisse.»
Dans notre pays, trois millions de personnes ne bénéficient d'aucune protection vaccinale à ce jour, comme l'a rappelé le conseiller fédéral Berset lors de son point de presse de vendredi. Il a souligné: «La Suisse a l'un des taux de vaccination les plus bas d'Europe.»
Emma Hodcroft avertit que cela n'est pas suffisant: «Rien que dans le groupe à risque des plus de 65 ans, il y a encore 150'000 personnes qui n'ont pas été vaccinées. S'ils sont infectés, ils ont de fortes chances de devoir être hospitalisés.»
Le variant Delta érode l'avance en matière de vaccination
Pour ne rien arranger, le variant Delta est, selon les estimations, jusqu'à 60% plus infectieux que le variant original du virus qui a causé la deuxième vague il y a un an.
En d'autres termes: La Delta érode une partie de l'avance que la vaccination nous donne.
Emma Hodcroft préconise un taux de vaccination d'au moins 80% en Suisse. Ce n'est que de cette manière que l'on pouvait éviter avec certitude une autre forte vague.
A cette fin, le Conseil fédéral prévoit une véritable offensive de vaccination. Le «dernier sursaut» de la campagne de vaccination doit coûter 150 millions de francs. Il y aura 170 centres de vaccination mobiles. En outre, des bons de 50 francs pour tous ceux qui convainquent quelqu'un d'autre de se faire vacciner.
Toutefois une chose est claire: le taux de vaccination ne passera pas de 58 à 80% du jour au lendemain. Ne serait-ce que parce qu'il y a quatre semaines entre la première et la deuxième dose.
Baisse des températures, hausse des infections
Le Conseil fédéral, ainsi qu'Emma Hodcroft et d'autres scientifiques, oscillent entre confiance et prudence. «Grâce à la vaccination et aux tests, nous réduisons le risque d'une nouvelle vague forte, précise Emma Hodcroft, nous devons rester vigilants. Jusqu'à présent, l'automne a été doux et nous avons passé beaucoup de temps à l'extérieur. Dès que les températures baissent, nous pourrions assister à une augmentation du nombre de cas.»
Lundi, les températures vont baisser de dix degrés. Les réunions familiales passeront de la terrasse ensoleillée à la salle du restaurant. Il sera donc bientôt possible de savoir si les signes indiquent réellement une détente ou si la courbe sera à nouveau ascendante.