Le Conseil fédéral se prononce
Oui à une définition plus large du viol, non au principe du consentement

Le Conseil fédéral soutient les efforts du Parlement pour définir plus largement le viol dans le droit pénal. Mais la solution du consentement va trop loin, selon le gouvernement. La gauche se dit déçue.
Publié: 14.04.2022 à 06:06 heures
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La conseillère nationale PS Tamara Funiciello s'engage pour le principe du «oui veut dire oui» (principe du consentement) dans le droit pénal en matière sexuelle.
Photo: Keystone
Daniel Ballmer avec l'ATS

Le Conseil fédéral se prononce en faveur d’une définition plus large du viol dans le code pénal. La contrainte ne doit plus être une condition préalable, selon lui. En lieu et place, le principe «non signifie non» doit être appliqué: est punissable celui qui agit contre la volonté de la victime.

Le gouvernement se rallie ainsi à la commission juridique du Conseil des États (CAJ-E), comme il l’a communiqué mercredi. Sur proposition de la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter, la commission avait scindé l’harmonisation des peines et traité séparément le droit pénal sexuel.

Selon la révision, les faits constitutifs du viol englobent désormais tous les cas dans lesquels un auteur agit intentionnellement contre la volonté de la victime, exprimée verbalement ou non. Une solution d’opposition doit donc s’appliquer.

Peine possible, même sans contrainte

Il suffit que la volonté de la victime ne soit pas respectée. Ainsi, une sanction est possible même sans contrainte par la violence ou les menaces. Le principe «non veut dire non» doit en outre s’appliquer aux nouveaux faits constitutifs de l’agression sexuelle et de la contrainte sexuelle.

La solution du consentement – également appelée principe du «oui signifie oui» – avait déjà été rejetée par la commission. Pour le Conseil fédéral, la révision du droit pénal en matière sexuelle est une adaptation aux évolutions sociétales. Le fait que, selon le texte de loi actuel, il faille obligatoirement que la victime ait été contrainte pour être condamnée pour viol n’est plus accepté par la société.

Le PS et les Verts déçus du non au principe de consentement

Pour les Femmes socialistes, la décision du Conseil fédéral ne va pas assez loin. La solution «non c’est non» préconisée contient certes quelques améliorations par rapport à la situation légale actuelle, mais elle ne protège pas suffisamment l’autodétermination sexuelle. À leurs yeux, il faut en plus le principe plus large du «oui, c’est oui».

Selon ce principe, un viol ne doit pas être simplement la pénétration d’un autre corps contre la volonté de la personne concernée. Mais la pénétration sans consentement doit déjà être considérée comme un viol. Le consentement peut être donné en paroles ou par un comportement qui doit être clairement compris comme un oui.

Les Verts sont également favorables à cette solution. La direction prise maintenant est la bonne, mais le Conseil fédéral – tout comme la Commission des affaires juridiques – s’arrête à mi-chemin, critique le parti écologiste. Pour les Verts, il est clair que «le sexe doit être approuvé par toutes les personnes concernées, sinon il s’agit de violence».

Une grande partie de la population est également de cet avis, comme l’a montré un sondage commandé par Amnesty International Suisse. Selon ce sondage, 45% des habitantes et habitants de la Suisse se prononcent pour la solution «Oui signifie oui» – et seulement 27% pour «Non signifie non».

Quid de la présomption d'innocence?

Parmi les spécialistes, il y a une controverse sur le principe du «oui signifie oui», pour lequel le PS, les Verts, le PVL et le PEV se mobilisent. Les organisations qui conseillent les victimes d’abus sexuels s’engagent en faveur de la solution du consentement. Un argument important est le phénomène dit du «freeze», qui est scientifiquement prouvé: de nombreuses victimes de violences sexuelles se figent pendant l’acte et ne peuvent pas se défendre. Le simple fait de dire non n’est alors plus possible.

La Fédération suisse des avocats, en revanche, estime que le principe du «non, c’est non» va déjà trop loin, comme elle l’a clairement indiqué lors de la consultation. Les avocats estiment que le principe de la présomption d’innocence serait égratigné – un point critique également soulevé par plusieurs cantons.

Selon les juristes de l’Université de Berne, cette crainte est toutefois infondée. «L’État doit toujours prouver que l’auteur connaissait la volonté contraire ou l’absence de consentement de la victime et qu’il a quand même commis un acte sexuel», ont-ils déclaré dans une prise de position en 2021.

La Ville de Zurich a également souligné ce point dans une prise de position commune du Bureau de l’égalité et du Département de la sécurité. Comme auparavant, c’est à l’État de prouver la culpabilité de la personne accusée et non à cette dernière de prouver son innocence. Le problème de la preuve des délits sexuels reste entier, même avec «Non c’est non» ou «Oui c’est oui». Si la victime et l’auteur des faits font des déclarations crédibles et qu’il n’y a pas d’autres indices objectifs, il y aura régulièrement des acquittements à l’avenir. Car le principe du doute pour l’accusé est toujours valable.

(Adaptation par Quentin Durig)


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