Les spécialistes du droit public s'indignent. De la mi-novembre à Noël inclus, la ville de Berne ne veut plus autoriser les grandes manifestations et les cortèges dans le centre-ville. Elle craint des débordements en lien avec le conflit au Proche-Orient. Seules les petites manifestations comme les veillées pourront encore être autorisées.
Une interdiction «disproportionnée et illégale»
Pour les juristes, cette décision va beaucoup trop loin. Une telle interdiction globale de manifester est «disproportionnée et illégale», critique par exemple l'Association des juristes démocrates. Elle dénonce une «atteinte massive» à la liberté de réunion. La ville de Berne devrait continuer à examiner les demandes au cas par cas, et les autoriser – dans la mesure du possible.
A Bâle aussi, l'interdiction de manifester fait parler d'elle. A Zurich, la ville et le canton n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les manifestations en faveur de la Palestine: ces dernières doivent-elles être interdites?
«Berne a porté haut la liberté d'expression»
Le directeur de la sécurité de la ville de Berne Reto Nause a essuyé de nombreuses critiques ces derniers jours à ce propos. Mais il ne se laisse pas démonter. Bien au contraire: «Ce sont des reproches dans le vide», considère-t-il. Selon lui, trois manifestations pro-palestiniennes et deux veillées pro-israéliennes ont déjà été autorisées. «La ville de Berne a porté haut la liberté d'expression», souligne le directeur. Et cela lui a aussi valu des critiques.
Aujourd'hui, Reto Nause pense qu'il faut prendre du recul: il est nécessaire de faire un «break». Berne s'apprête à accueillir de nombreuses manifestations et grands événements qui nécessitent à chaque fois un important déploiement policier. La visite du président français Emmanuel Macron et le match à haut risque entre YB et l'Étoile rouge de Belgrade sont notamment au programme. A cela s'ajouteraient le Zibelemärit, le jeu de lumière sur la Place fédérale et les marchés de Noël.
Aucune autre grande manifestation ne devrait être autorisée pour l'instant, en raison de «l'ambiance tendue» qui règne actuellement au centre-ville. Lors de la dernière manifestation, la police avait déjà dû intervenir et retirer des individus portant des symboles problématiques. Des drapeaux de talibans et un cercueil avec des croix gammées ont notamment été constatés.
«Devrions-nous dire à Macron de rester chez lui?»
Le directeur cantonal de la sécurité, Philippe Müller, avait donc lui aussi appelé à renoncer aux manifestations en faveur de la Palestine. Selon lui, la probabilité de violence lors d'une prochaine manifestation est haute. «Il n'existe nulle part dans la Constitution le droit de descendre dans la rue une fois par semaine pour la même cause», souligne également Reto Nause.
Les spécialistes du droit public ne sont toujours pas convaincus. Pour eux, le fait que les événements commerciaux tels que les matchs de football et les marchés de Noël aient plus de poids que la liberté de réunion reste problématique. «C'est facile d'émettre des critiques depuis sa tour d'ivoire», déclare Reto Nause à propos de cette objection. «Sur le terrain, c'est un peu différent. Devrons-nous être obligés de dire à M. Macron de ne pas venir parce qu'il y a une manifestation à Berne? Certainement pas!»
La ville de Berne entend maintenir des restrictions temporaires aux manifestations. «Dans cette ambiance surchauffée, il faut prendre le temps de la réflexion», suggère Reto Nause. «Celle-ci fera sûrement du bien à toutes les personnes concernées.»