Le calvaire du modèle Telmed
Un Suisse attend six heures et demie pour un simple conseil médical

Deux entreprises dominent le marché de la télémédecine. Et elles ne sont presque pas contrôlées. Conséquence: certaines personnes doivent attendre des heures avant de recevoir de l'aide comme ce Suisse qui a accepté de témoigner.
Publié: 14.11.2024 à 04:42 heures
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Dernière mise à jour: 14.11.2024 à 07:06 heures
Des heures d'attente en cas d'urgence: de nombreux clients et clientes désespèrent du modèle Telmed.
Photo: Shutterstock, Getty Images - Montage: Beobachter
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Jenny Bargetzi

«Pour le moment, tous nes collaborateurs sont occupés. Nous vous prions de bien vouloir patienter», informe le message au bout du fil. Puis la musique retentit, encore et encore. C'est dimanche matin, début octobre. Tim R.* attend depuis six heures et demie dans la file d'attente téléphonique. 

Le Suisse espère obtenir un conseil médical pour sa fille de 20 ans, qui souffre de fortes démangeaisons sur tout le corps. En vain. Ce n'est que peu après sept heures du matin que ce père inquiet reçoit l'aide d'un professionnel de la santé. Le calvaire de sa fille se termine finalement sans gravité.

Le modèle Telmed est largement répandu

Selon un portail suisse de comparaison des assurances, environ 1,25 million de Suisses sont assurés dans le cadre d'un modèle Telmed. En cas de problèmes de santé, ils sont tenus de contacter le service de conseils téléphoniques de leur caisse maladie avant de consulter un médecin. 

Ceux qui ne respectent pas cette obligation s'exposent à ce que la caisse maladie ne prenne pas en charge les frais de traitement ou qu'elle les rétrograde dans un modèle standard plus cher. Un cas de figure qui peut être appliqué dès la deuxième infraction, selon une association de protection des consommateurs.

Mais le modèle fonctionne-t-il? Une question que doivent se poser de nombreuses personnes qui veulent trouver une parade à l'incessante hausse des primes. Medi24 et Medgate dominent le marché Telmed. Les deux entreprises promettent un service 24 heures sur 24 pour de nombreuses grandes caisses. Medi24 coopère avec Helsana, CSS, Visana et CPT. Medgate travaille avec Sanitas, Sympany, le Groupe Mutuel, ÖKK et Concordia.

Une attente toujours plus longue

Tim R., client d'Helsana, utilise Telmed de Medi24 depuis 15 ans. Auparavant, il était satisfait, mais aujourd'hui, il subit des temps d'attente de plus en plus longs, dit-il à l'hebdomadaire «Beobachter». Et il n'est pas le seul dans ce cas. Depuis des mois, les plaintes en ligne concernant des heures d'attente s'accumulent, surtout la nuit. C'est ce que montrent de nombreuses évaluations sur Google.

Helsana reconnaît que ces dernières semaines, Medi24 a parfois connu des problèmes de joignabilité. Selon Nico Nabholz, porte-parole de la caisse maladie, ces problèmes ont été causés par «des pénuries imprévues de personnel médical spécialisé». L'entreprise travaille en étroite collaboration avec Medi24 et contrôle régulièrement ses prestations à l'aide d'un système de surveillance.

Medi24 elle-même va dans le même sens et parle de pénuries inattendues auxquelles il faut remédier par le biais d'un monitoring. Mais le cas de Tim R. ne reflète pas le standard de qualité, selon l'entreprise: environ 80% de tous les appels sont pris en charge dans les 20 secondes. Les temps d'attente peuvent varier en fonction du volume d'appels. Et c'est surtout que cela peut prendre plus de temps. Des explications que ne convainquent pas Tim R.: «J'ai du mal à imaginer qu'autant de personnes appellent la nuit.»

Les cantons gèrent la surveillance de manière différente

En Suisse, la surveillance des prestataires de télémédecine incombe aux autorités sanitaires des cantons dans lesquels les prestataires sont domiciliés en tant qu'entreprise. Pour Medi24, il s'agit de Berne, pour Medgate de Bâle-Campagne.

Le canton de Berne affirme qu'il n'existe pas de directives ou de contrôles concernant l'accessibilité ou les temps d'attente pour les services de télémédecine. En principe, il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation pour exploiter un service ambulatoire, qu'il s'agisse d'un service classique ou de télémédecine. 

Le canton se contente de surveiller les différents médecins qui travaillent sous leur propre responsabilité et qui ont donc besoin d'une autorisation d'exercer. Jusqu'à présent, aucune plainte n'a été déposée contre Medi24 concernant l'accessibilité ou la qualité de ses services.

Bâle-Campagne inspecte en revanche les concepts d'exploitation et l'accessibilité promise par Medgate. Des contrôles sont effectués notamment en cas de problèmes spécifiques, mais aucun n'a été constaté jusqu'à présent. Le canton considère que la responsabilité incombe avant tout aux caisses maladie: elles doivent veiller à une accessibilité suffisante et intervenir en cas de problèmes. Aucune plainte concernant l'accessibilité ou la qualité des prestations de Medgate n'a été enregistrée jusqu'à présent.

En cas d'urgence, aux urgences

Tim R. envisage entre-temps de changer de modèle d'assurance. Une décision qui engendrerait des coûts plus élevés. Il apprécie pourtant le concept Telmed: «Il permet d'économiser des frais et des visites chez le médecin», dit-il. «Mais il doit être fiable – surtout en cas d'urgence.» Helsana et Medi24 conseillent d'appeler directement les services d'urgence habituels en cas de problèmes médicaux urgents. Une recommandation similaire est faite par le canton de Bâle-Campagne.

* Nom d'emprunt

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