Lorsque Michael Ambühl a négocié pour la première fois avec l'UE, le conseiller fédéral en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis ne siégeait même pas encore au parlement du village de Collina D'Oro (TI). L'ancien secrétaire d'État connaît les mécanismes de Bruxelles comme sa poche. Au milieu des années 1990, il a fait partie de la délégation suisse qui a négocié les accords bilatéraux I. Quelques années plus tard, en tant que négociateur en chef, il conclut avec succès les bilatéraux II.
Aujourd'hui, Ambühl — un opposant à l'accord-cadre qui a échoué — présente avec la scientifique de l'EPFZ Daniela Scherer un plan visant à réparer les relations avec l'UE. Il s'agirait des troisièmes accords bilatéraux.
Le premier qui bouge a perdu
Le plan des Bilatérales III prévoit ainsi trois étapes: dans un premier temps, les auteurs recommandent à la Suisse de prendre des mesures pour renforcer la confiance mutuelle. Il pourrait s'agir d'un échange plus étroit avec Bruxelles et les capitales européennes, comme l'a récemment initié le ministre des affaires étrangères. Ou encore de la normalisation de la libre circulation des personnes en provenance de la Croatie — ces dernières n'en bénéficiant pas encore pleinement sur le sol helvète. Le déblocage du deuxième milliard pour le budget cohésion est également sur la table.
Selon le site de la Confédération, «la Suisse participe depuis 2007 à des projets visant la réduction des disparités économiques et sociales dans l’UE élargie, et ce à hauteur de 1,302 milliard CHF. La Suisse choisit de manière autonome et s’accorde directement avec les pays partenaires sur les projets qu’elle entend financer.»
Selon le site de la Confédération, «la Suisse participe depuis 2007 à des projets visant la réduction des disparités économiques et sociales dans l’UE élargie, et ce à hauteur de 1,302 milliard CHF. La Suisse choisit de manière autonome et s’accorde directement avec les pays partenaires sur les projets qu’elle entend financer.»
Depuis 2019, la Suisse retient la contribution de cohésion d'environ 1,3 milliard de francs. Le Conseil fédéral souhaite maintenant que le Conseil national et le Conseil des Etats libèrent l'argent lors de la session d'automne. Cette session commence le 13 septembre. Selon la radio SRF, les dirigeants du Conseil des Etats ne veulent cependant pas être pressés. Ils reportent la discussion jusqu'à l'hiver. Michael Ambühl et Daniela Scherer voient dans une libération rapide «un premier signal positif adressé à Bruxelles».
Que veut la Suisse?
Dans un deuxième temps, les auteurs recommandent au Conseil fédéral de faire le point sur sa position en matière de politique européenne et d'être clair sur ce qu'il souhaite réellement. Sous la forme d'une déclaration ou d'une résolution de planification, le gouvernement doit présenter le résultat au parlement. Cela devrait renforcer la crédibilité du Conseil fédéral vis-à-vis de Bruxelles.
Eviter l'effet domino
La troisième étape prévoit que le Conseil fédéral reprenne les négociations avec Bruxelles et présente un dossier qui servirait de base à ces dernières: les Bilatérales III.
Avec ce nouveau dossier, la Suisse s'engagerait à appliquer de manière dynamique le droit communautaire. Contrairement à ce que préconisait l'accord-cadre, les auteurs proposent toutefois de simplement adapter les accords déjà existants.
Selon les deux spécialistes, cela aurait l'avantage d'éviter l'effet domino. Contrairement à l'accord-cadre sabordé par le Conseil fédéral, si un seul accord n'était pas tenu, dans le cadre des Bilatérales III, tous les accords qui lui sont liés ne seraient pas pour autant bons à jeter.
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Exceptions pour les points controversés
Les problématiques de la protection des salaires, de l'adoption de la directive sur la citoyenneté européenne et des aides d'État ont été particulièrement controversés dans l'accord-cadre. Selon Ambühl et Scherer, il faudrait que la Suisse soit libérée de l'obligation de se plier à ces trois éléments pour que l'adoption dynamique des lois européennes soit acceptée au niveau national.
L'UE n'était pas prête à accorder ce genre de dérogations lors des négociations sur l'accord-cadre. Pourquoi changerait-elle d'avis maintenant? «Après l'échec, nous sommes dans une position différente du point de vue de la négociation», explique Daniela Scherer. «Dans nos propositions, nous répondons aux préoccupations essentielles de l'UE, et cela représente plus que ce que l'Europe obtient de la Suisse dans la situation actuelle.»
Une Cour européenne inutile
Daniela Scherer et Michael Ambühl soulignent un autre changement important par rapport à l'accord-cadre, en matière de règlement des différents. Ils n'envisagent plus l'intervention de la Cour de justice européenne (CJE). Si la Suisse n'adopte pas la nouvelle législation européenne, Bruxelles pourrait ordonner des mesures compensatoires contre Berne sans recourir à un tribunal. La Suisse pourrait toutefois les faire examiner par un tribunal arbitral indépendant si elle juge les mesures imposées inappropriées. "De notre point de vue, cela élimine un point sensible de la perception politique intérieure», précisent les auteurs du texte.
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Un cadeau pour l'UE?
Afin de rendre plus attractifs pour l'UE l'engagement de nouvelles négociations et le dossier de négociation, les auteurs suggèrent que la Suisse augmente de son propre chef sa contribution au budget cohésion - par exemple à hauteur de 5 milliards, ce qui serait dans la fourchette moyenne.
À titre de comparaison, la Norvège - qui n'a jamais intégré l'UE - paie environ 3 milliards, alors qu'elle compte moins d'habitants que la Suisse et que son produit intérieur brut (PIB) représente moins de 60 % de celui de la Suisse. Avec la proposition des auteurs, la Suisse contribuerait à la cohésion à la même échelle que la Norvège.
Premier arrivé, premier servi
En résumé, les Bilatérales III, c'est une adoption dynamique des lois, une augmentation de la contribution au budget cohésion, pas d'effet domino pour les diverses clauses et pas d'implication de la Cour de justice européenne.
Mais si la Suisse veut faire passer ses propositions, elle doit agir rapidement, écrivent Michael Ambühl et Daniela Scherer. Ce n'est qu'alors qu'elle pourra bénéficier de l'avantage du premier arrivé dans le cadre des renégociations. Dans le cas contraire, l'UE prendrait les rênes et déterminerait les points essentiels du futur accord.