L'analyse d'un politologue
L'année électorale commence maintenant!

Des élections régionales et communales auront lieu en Suisse dans les semaines à venir. Elles constituent des capteurs politiques et permettent d'annoncer la couleur avant le point culminant de l'année: les élections fédérales d'octobre.
Publié: 22.01.2023 à 15:52 heures
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Pour le politologue Michael Strebel, les parlements sont l'acteur central de notre système politique.
Michael Strebel*

Dans neuf mois auront lieu les élections législatives fédérales. Mais avant que tous les projecteurs ne soient braqués sur ce fameux 23 octobre, j'aimerais attirer l'attention des lecteurs sur le paysage parlementaire suisse à l'heure actuelle. Dans les semaines et mois à venir, les parlements des cantons de Genève, Bâle-Campagne, Lucerne, Zurich, Tessin et Appenzell Rhodes-Extérieures seront renouvelés, tout comme ceux de nombreuses communes.

En Thurgovie, par exemple, les villes de Weinfelden, Frauenfeld, Arbon et Kreuzlingen éliront un nouvel organe législatif. Ces élections régionales et communales pourraient représenter des thermomètres des tendances politiques et dessiner une tendance en amont du rendez-vous national d'octobre.

Des parlements plus anciens que l'Assemblée fédérale

Il vaut donc la peine de jeter un coup d'œil à ces parlements communaux. Après tout, certains d'entre eux ont une très longue histoire – leurs débuts remontent parfois au 18e siècle et sont donc plus anciens que l'Assemblée fédérale. De nombreuses assemblées législatives locales ont été créées entre la Révolution française et la fondation de l'État fédéral, surtout en Suisse romande et italienne. En Suisse alémanique, les parlements sont néanmoins plus récents, et dans les grandes villes, il a fallu en moyenne 100 ans de plus pour obtenir un parlement municipal.

Outre-Sarine, les plus anciens parlements municipaux se trouvent à Schaffhouse et Lucerne – tous deux établis en 1831. De nombreux parlements communaux de Suisse alémanique ont été fondés dans la seconde moitié du 20e siècle, après l'introduction du droit de vote des femmes et la création des bases légales cantonales nécessaires à leur organisation (en Argovie par exemple).

Pourquoi les élections parlementaires sont-elles centrales ?

Il existe au total 485 parlements répartis sur les trois niveaux de l'État. Acteurs centraux de notre système politique, ils décident de toutes les questions politiques importantes – et il ne s'agit pas seulement de simples décisions «oui/non», mais de contenus détaillés qui ont une influence sur la vie quotidienne des citoyens.

Dans ce sens, l'idée selon laquelle le peuple souverain peut décider directement de (toutes ou de très) importantes questions politiques est incomplète. Outre le fait que l'appréciation de ce qui est politiquement important varie, il est rare, toutes lois confondues, que des référendums soient organisés.

Sans parler de toutes les mesures prises directement par le Parlement ou les élections à des fonctions importantes (comme celles des juges ou, dans certains cantons, des membres des conseils de banque ou des conseils de l'éducation ou de la formation), qui font l'objet d'une décision finale de l'assemblée. Le peuple n'est pas non plus impliqué dans l'exercice de la fonction de contrôle sur le gouvernement et l'administration.

Tout cela montre à quel point les élections parlementaires sont importantes – en fait plus importantes que les élections du Conseil fédéral en décembre 2022!

Chez nous, l'orientation législative des partis a des conséquences concrètes. Même les petits groupes peuvent modifier un projet, des majorités changeantes peuvent conduire à des compromis acceptables – voilà une des grandes forces du parlementarisme local, s'il est vécu et compris de cette manière.

Il suffit de questionner des députés d'un groupe d'opposition au Bundestag allemand s'ils peuvent influencer les projets de loi du gouvernement pour en être convaincu... «L'opposition, c'est de la merde», disait il y a quelques années le chef du parti social-démocrate pour décrire un quotidien parlementaire dans notre pays voisin.

Tous les parlements ne se ressemblent pas

Tous les parlements ne se ressemblent cependant pas, faute au – ou grâce au – fédéralisme. Russin (GE), une commune située à l'extrémité ouest de la Suisse, et Samnaun (GR), tout à l'est, ont les plus petits parlements avec neuf membres. À l'inverse, le conseil communal de la ville de Zurich compte 125 sièges, suivi des communes vaudoises de Nyon, Vevey et Pully avec 100 sièges chacune. La commune neuchâteloise des Planchettes, avec ses 208 habitants, est la plus petite commune à disposer d'un parlement. La question de savoir si Rapperswil-Jona (SG) – jusqu'à présent la plus grande commune de Suisse sans parlement – fera le pas vers un parlement municipal sera tranchée par les urnes en mars. À Thayngen, dans le canton de Schaffhouse, il faudra répondre à la question dans l'autre sens: faut-il supprimer le parlement existant depuis 1941?

Au travers du pays, de nombreuses personnes font de la politique au sein d'un parlement à un ou plusieurs niveaux de l'État – 19'659 pour être précis –, parfois au prix de sacrifices personnels et (notamment au niveau communal) loin de l'attention médiatique et publique. Pourtant, ils occupent une fonction importante et non négligeable dans notre système étatique et jouent ainsi un rôle décisif dans l'orientation de notre société.

*Michael Strebel est docteur en sciences politiques, spécialisé dans le parlementarisme et les systèmes politiques. Il est l'auteur du livre qui vient de paraître: «Le lexique parlementaire suisse» («Das Schweizer Parlamentslexikon - Helbing Lichtenhahn Verlag»).


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