Pas d'achats en Suisse! Ce slogan fait de plus en plus d'émules en Europe occidentale. Et le Conseil fédéral s'en alarme. Il estime que l'industrie de l'armement nationale est en danger. Celle-ci risque de perdre de plus en plus le marché étranger sans lequel elle ne peut pas survivre. Et sans forges d'armes dans le pays, la capacité et la longévité de l'armée suisse sont également menacées.
Pour la première fois, le Conseil fédéral confirme que l'Allemagne compte renoncer de plus en plus au matériel d'armement suisse. Ainsi, lors de l'acquisition prévue de 100'000 filets de camouflage, les entreprises helvétiques ont été volontairement boudées, selon les dires les autorités allemandes à notre demande.
Les Allemands ne veulent pas connaître à nouveau les mêmes problèmes que pour les munitions du char antiaérien Gepard, qu'ils n'ont pas pu transmettre à l'Ukraine en raison de l'interdiction de réexportation. Pour des raisons de neutralité, notre loi sur le matériel de guerre stipule qu'aucun matériel militaire suisse ne peut être envoyé dans des pays en guerre.
Stratégie «Swiss free»
Cette décision a suscité peu de compréhension à Berlin. On ne peut pas compter sur Berne en tant que partenaire d'armement en temps de guerre, avait alors fulminé le vice-chancelier allemand Robert Habeck. Les réactions ne se sont pas fait attendre: l'Allemagne produit désormais des munitions Guépard sur son propre territoire.
Et Berlin n'est pas seul à appliquer sa stratégie «Swiss free». Parce que la Suisse torpille les efforts de soutien à l'Ukraine par son blocage, le Parlement néerlandais avait déjà décidé en 2023 de ne plus acheter d'armes et de munitions suisses, comme l'avait révélé Blick à l'époque.
Le veto du Conseil fédéral à l'achat de 96 chars Leopard 1 stockés en Italie avait irrité Mark Rutte, alors Premier ministre néerlandais et actuel secrétaire général de l'OTAN. «Honnêtement, j'ai vraiment été déçu et cette situation est difficile à comprendre.» Il était prévu de remettre les chars à flot en Allemagne et de les envoyer ensuite en Ukraine. La Suisse est à nouveau intervenue – et ne s'est pas fait d'amis.
L'Espagne et le Danemark sont-ils les prochains?
Et ce n'est pas encore la fin de l'histoire, comme le précise le Conseil fédéral. Car le Danemark et l'Espagne discutent eux aussi de bouder prochainement la Suisse dans ses achats d'armement, annonce le gouvernement en réponse à une interpellation de la conseillère aux Etats du Centre Brigitte Häberli-Koller.
Et ce n'est pas surprenant! Ces deux pays avaient également l'intention de transmettre à l'Ukraine des avoirs militaires qu'ils avaient déjà postés en Suisse il y a des années. Le Danemark et l'Espagne avaient également été freinés par Berne.
Leur réaction met l'industrie suisse de l'armement dans l'embarras. La politique fédérale l'a compris depuis longtemps. C'est pourquoi elle lutte depuis plus de deux ans déjà pour un assouplissement de la loi sur le matériel de guerre.
Mais jusqu'à présent, chaque proposition a été rejetée. En juin, la commission de sécurité du Conseil national a de nouveau présenté un projet qui permettrait à la Suisse de livrer indirectement des armes à l'Ukraine. Mais cette proposition est sous le feu des critiques. La gauche estime qu'elle va trop loin, la droite pas assez. Et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) brandit depuis des mois le sabre du référendum.
L'industrie suisse de l'armement doit donc continuer à s'inquiéter. Et l'Ukraine continue d'espérer en vain des armes et des munitions suisses.