C'est une claque pour la ministre de la Défense Viola Amherd et ses compagnons d'armes. Comme on pouvait s'y attendre, le Conseil des Etats a fait passer à la trappe lundi 3 juin l'accord de 15 milliards pour l'armée et la reconstruction de l'Ukraine en contournant le frein à l'endettement par 28 voix contre 15 et 2 abstentions. Le sujet n'est donc plus d'actualité, car aucune autre intervention de la même teneur n'a été déposée au Conseil national. La manne financière pour Viola Amherd reste pour l'instant inexistante.
Pourtant, la conseillère fédérale a vraiment tout essayé. Pendant des semaines, elle a fait campagne en coulisses pour l'accord, bombardant les commissions et ses collègues du Conseil fédéral avec son argumentaire. Vendredi dernier, elle en a même rajouté avec une contribution («Nous devons maintenant investir dans notre défense») dans les journaux Tamedia. Et, pour finir, elle s'est attaquée individuellement à ses propres conseillers aux Etats du Centre afin de les mettre sur la bonne voie – en vain.
Sur les dépenses de l'Armée suisse
S'attaquer au principe de collégialité
Et ce, en dépit du principe de collégialité. Car oui, le Conseil fédéral a, lui aussi, décidé de ne pas faire sauter le frein à l'endettement. Ni la croissance des dépenses de l'armée ni la contribution fédérale à la reconstruction de l'Ukraine ne rempliraient les exigences légales en matière de dépenses extraordinaires. Au sein du collège gouvernemental, la présidente de la Confédération n'a certainement pas récolté de points positifs avec sa croisade solitaire.
Au Conseil des Etats également, la ministre de la Défense s'est retrouvée sur la touche, d'autant plus qu'elle a dû y défendre la position de rejet du Conseil fédéral. Elle n'a toutefois pas manqué d'attirer une nouvelle fois l'attention sur la dégradation de la situation sécuritaire en Europe.
Pour elle, il est essentiel que l'armée puisse être réarmée rapidement. Celle-ci gère certes son argent avec parcimonie, «mais cela ne suffit pas, et de loin, à compenser approximativement les manquements créés ces dernières années».
Une arrogance en matière de finances
Mais même ses propres conseillers aux Etats du Centre n'étaient pas prêts à accepter de nouvelles dettes pour cette raison. Daniel Fässler a ainsi mis en garde contre «l'arrogance en matière de politique financière». Son collègue Benedikt Würth a qualifié le frein à l'endettement d'«instrument d'équité intergénérationnelle».
Il a rappelé qu'il ne s'agissait pas seulement de 10 milliards de francs pour l'armée. «Ce sont des coûts récurrents.» Les conseillers aux Etats du Centre ne cessent de s'écarter de la direction du parti. Ils ont maintenant aussi montré leurs muscles face à Viola Amherd.
Un conseiller aux Etats PLR propose une solution
Pourtant, même si le Conseil des Etats a fait capoter l'accord de 15 milliards, la dispute sur le budget de l'armée se poursuit sans interruption. Viola Amherd peut même espérer l'aide de ceux qui ont fait échouer son projet. Après tout, une nette majorité bourgeoise au Parlement est d'avis que l'armée a besoin de plus de moyens.
C'est ainsi que le Conseil des Etats a décidé lundi d'augmenter de quatre milliards de francs le plafond de dépenses de l'armée pour les années 2025 à 2028, le faisant passer à 29,8 milliards de francs. En ce qui concerne le programme d'armement, il souhaite dépenser 660 millions de francs de plus que le Conseil fédéral.
Mais d'où proviendront ces milliards si les caisses de l'Etat sont vides? Le conseiller aux Etats PLR Benjamin Mühlemann a proposé une solution qui a permis d'obtenir une majorité au sein de la Chambre haute. Selon lui, la moitié des coûts supplémentaires devrait être économisée dans l'aide au développement, Viola Amherd devrait trouver elle-même 15% et les autres départements devraient contribuer à hauteur de 35%, ce qui devrait encore donner lieu à quelques discussions.
Malgré la décision du Conseil des Etats, l'augmentation du budget est loin d'être dans la poche. En effet, lorsqu'il s'agit de réaliser des économies concrètes dans les différents domaines, le Parlement a toujours reculé. Mais malgré la douloureuse défaite de l'accord à plusieurs milliards, Viola Amherd peut continuer à espérer.