Genève en a les moyens. Genève en a aussi les capacités. Alors, pourquoi ne pas inviter la cité de Calvin dans la cour des grands de l’intelligence artificielle (IA)?
Lors du sommet de Paris qui vient de s’achever, le conseiller fédéral Albert Rösti a communiqué la proposition helvétique d’organiser en Suisse une conférence similaire, en 2026 ou en 2027. Géants de la tech et dirigeants gouvernementaux s’y retrouveraient pour aborder les coopérations possibles et les questions qui fâchent. «Il est naturel qu’une telle conférence, si elle voit le jour, se déroule à Genève a argumenté Albert Rösti lors d’une conférence de presse à Paris. De plus en plus, les progrès de l’intelligence artificielle impacteront la Genève internationale. Et avec nos start-ups, nos hautes écoles et les capitaux disponibles dans la région lémanique, la Suisse a les moyens d’être dans le haut du tableau de l’IA.»
Un tel sommet coûte cher
Cette conférence est-elle acquise? Non. «Nous devons en parler au sein du Conseil fédéral» a poursuivi Albert Rösti. Car réunir un sommet comme celui de Paris coûte cher, voire très cher. Deux options pourraient donc être retenues. La première serait de focaliser sur l’aspect technique, en visant davantage à réunir ministres et chefs d’entreprise que les Chefs d’État ou de gouvernement. La seconde option est d’organiser, comme la France vient de le faire avec l’Inde, une coprésidence d’un tel sommet sur l’intelligence artificielle. «Nous avons proposé de l’organiser en Suisse de façon informelle, et nous sommes en discussion avec le Nigeria pour une coprésidence» a complété le conseiller fédéral.
L’activisme helvétique en matière d’intelligence artificielle est, selon les experts présents aux côtés d’Albert Rösti, indispensable. «Nous avons pas mal d’atouts en main explique Bernard Maissen, directeur de l’Office fédéral de la communication (Ofcom). Nous savons gérer une approche bottom-up (de bas en haut) qui laisse la place aux initiatives. Nous pouvons mobiliser les capitaux car la Suisse est perçue comme stable et sûre. Nous avons les ingénieurs et la connaissance.»
109 milliards d’euros en France
Pour ces raisons, Albert Rösti ne craint pas la concurrence de la France qui espère accueillir 109 milliards d’euros d’investissements pour créer des centres de données, financés notamment par les Emirats arabes unis. «Je vois au contraire une complémentarité. Nous pouvons être les partenaires des Français. Surtout si nous trouvons le bon équilibre en matière de régulation.»
La régulation, justement. Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en ont fait le point central de leurs discours. Leur objectif commun? Protéger le marché et les acteurs européens. Ce que le vice-président américain JD Vance a regretté, avouant son inquiétude devant des mesures qui défavoriseraient les géants de la Tech d’outre-atlantique. Or la Suisse n’entend pas emprunter cette voie européenne. «J’ai moi-même douté, mais j’y vois plus clair désormais. Il faut absolument favoriser l’innovation, la créativité et matière d’intelligence artificielle. Nos règles ne doivent pas brider les entreprises.» Presque un appel lancé aux GAFAM, les géants américains, pour qu’ils regardent du côté de la Suisse.
Genève, capitale mondiale de l’IA? «Cela fait sens juge un diplomate français, spécialiste de ces questions, mais pour que ça marche, il ne faut pas nous rejouer le feuilleton connu du dumping fiscal et réglementaire. Face à Trump, l’Union européenne ne tolérera pas que la Suisse accueille des multinationales américaines pour qu’elles profitent mieux du marché communautaire.» Le sommet des bords du lac, s’il a lieu en 2026 ou 2027, devra donc faire au préalable l’objet d’une clarification entre Berne et Bruxelles.
Intérêt général
Pour l’heure, la Confédération a renouvelé à Paris son partenariat avec huit pays, dont la France pour lancer une initiative pour une intelligence artificielle (IA) «d’intérêt général». Baptisé «Current AI», ce partenariat, soutenu par des patrons comme Arthur Mensch de la jeune pousse française Mistral AI ou Fidji Simo à la tête de la plateforme américaine de livraison de courses Instacart, est doté d’un investissement initial de 400 millions de dollars. L’objectif est de lever 2,5 milliards de dollars sur les cinq prochaines années pour rendre l’IA plus» transparente et sécurisée».