Dès l'âge de 40 ans, nombreuses sont les femmes qui souhaitent reprendre une activité professionnelle après une pause (prise le plus souvent pour des raisons familiales). Elles sont bien formées, ambitieuses, mais elles peinent malgré tout à trouver du travail.
Dans une carrière linéaire, c'est pourtant dans leur tranche d'âge qu'il est possible d'effectuer de nombreux bonds. Trop souvent, on imagine alors que les femmes qui n'ont pas encore atteint un poste de cadre moyen n'ont pas d'ambition professionnelle. Un point de vue regrettable, estime Alexandra Rhiner d'Advance, une association qui s'engage pour l'égalité des genres dans l'économie suisse: «L'économie suisse se prive ainsi d'un potentiel incroyable.» Alexandra Rhiner est co-auteur d'un livre récemment publié sur les perspectives de carrière des femmes de plus de 40 ans. Le bilan de l'enquête menée auprès de 1200 femmes actives de ce groupe d'âge est décevant.
Près d'une femme sur deux entre 41 et 45 ans est insatisfaite de sa progression professionnelle. L'enquête a porté sur des femmes issues de différents secteurs et travaillant dans de grandes entreprises. Les PME ne faisaient pas partie de l'enquête. Cette dernière, menée par Advance, le centre de compétence pour la diversité et l'inclusion de l'Université de Saint-Gall et le cabinet de conseil EY n'est pas représentative, mais «très significative», selon ses auteurs. Plusieurs chercheurs dans les domaines de l'inégalité de genre et du marché du travail interrogés par Blick confirment la tendance.
Le plafond de verre est plus épais en Suisse qu'ailleurs
De nombreuses femmes réduisent leur temps de travail entre 30 et 40 ans pour s'occuper de leurs enfants. Alors que leurs collègues masculins obtiennent promotion sur promotion, les femmes mettent plus de temps à faire carrière en raison de leur temps partiel. Selon le Gender Intelligence Report de l'Université de Saint-Gall, seuls 4% de toutes les promotions sont attribuées à des collaborateurs travaillant à moins de 80%.
«Après 40 ans, l'heure de pointe de la vie de famille est passée pour beaucoup de femmes, analyse Alexandra Rhiner. Mais elles se trouvent dans leur carrière là où leurs collègues masculins se trouvaient à 30 ans.» Beaucoup sont prêtes à augmenter à nouveau leur temps de travail et à assumer davantage de responsabilités. Mais dans de nombreux cas, elles se heurtent au proverbial plafond de verre. Et celui-ci est particulièrement dur à brise en Suisse, selon les statistiques.
Dans le «Glass-Ceiling Index» du magazine britannique «The Economist», la Suisse se situe année après année dans les derniers rangs en matière de responsabilités accordées aux femmes. Nos résultats sont bien pires que la moyenne de l'OCDE. «L'image classique des rôles de genre est toujours plus ancrée en Suisse qu'ailleurs», explique à ce sujet la professeure de sociologie Stéphanie Steinmetz. Elle mène des recherches à l'Université de Lausanne, notamment sur les inégalités entre les genres sur le marché du travail suisse. «Dans notre pays, les femmes avec enfants sont davantage poussées à travailler à temps partiel, ce qui est souvent incompatible avec une fonction de direction.»
Et les conséquences sont désastreuses, ajoute Alexandra Rhiner: «Les employeurs sont vigilants vis-à-vis de mères: elles sont considérées comme des mères qui travaillent aussi, plutôt que comme des forces de travail qui sont aussi des mères.» Certes, il existe désormais dans de nombreuses entreprises des programmes spécifiquement destinés à la promotion des femmes. Mais ils s'adressent souvent aux jeunes femmes dans la trentaine. «Les femmes de plus de 40 ans sont invisibles sur le marché du travail, elles ne sont pas considérées dans le développement des cadres», poursuit Alexandra Rhiner. Dans notre société, avoir 40 ans est considéré comme une sorte de nouvelle trentaine... sur le marché du travail, cela ne semble pas être le cas.
Manque de personnel, mais pas plus d'emploi
Cela crée de la frustration chez les femmes concernées. Dans une étude réalisée en 2023 à l'attention du Secrétariat d'État à l'économie (Seco), 85% des mères actives interrogées indiquent qu'elles se sentent surqualifiées pour leur emploi.
«Les femmes dans la quarantaine ont encore plus de 20 ans de travail devant elles», rappelle Alexandra Rhiner. Investir dans cette main-d'œuvre serait rentable, surtout au vu de la pénurie de personnel qualifié. La solution? «Les entreprises doivent prendre conscience de ce potentiel inexploité», conseille l'experte. Une analyse de son propre personnel en fonction du genre, de l'âge et de la position sociale peut constituer la première étape à cet effet.