Mardi, l'Azerbaïdjan a lancé une opération militaire au Haut-Karabakh, une province peuplée majoritairement d'Arméniens. D'abord prêts à riposter, ces derniers ont finalement déposé les armes un jour plus tard, souffrant notamment du retrait de leur ancienne puissance protectrice, la Russie.
L'allié le plus proche de l'Azerbaïdjan, le président turc Recep Tayyip Erdogan, se retrouve donc aujourd'hui en position de force. Depuis longtemps, Ankara et Bakou se considèrent en effet comme «une nation avec deux États».
Des positions divergentes au Conseil de sécurité de l'ONU
La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a déclaré à New York: «La France condamne avec la plus grande fermeté le lancement par l'Azerbaïdjan d'une opération militaire dans le Haut-Karabakh.»
La Suisse, elle, ne condamne pas, se disant simplement «profondément préoccupée», a déclaré jeudi l'ambassadrice suisse à l'ONU Pascale Baeriswyl, lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU à New York.
Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a rencontré cette semaine ses homologues arménien et azéri, respectivement Ararat Mirsoyan et Jeyhun Bayramov, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York: «La fin des hostilités, la désescalade et la protection de la population civile sont cruciales. La Suisse est prête à contribuer au dialogue et à une paix durable si les parties sont d'accord», a ainsi savoir le patron du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur X – ex Twitter.
Les bonnes intentions de la Suisse sur les réseaux sociaux sont toutefois restées lettre morte. Une porte-parole du ministre arménien des Affaires étrangères a d'ailleurs refusé de s'exprimer sur la question, malgré les sollicitations de Blick.
Socar, la multinationale au cœur des critiques contre la Suisse
L'attitude d'Ignazio Cassis suscite en effet l'indignation de la diaspora arménienne de Suisse. Samedi, une manifestation a eu lieu sur la Münsterplatz à Berne: «L'Arménie veut la paix, l'Azerbaïdjan la guerre», lisait-on sur une banderole. Une autre banderole soulignait l'interdépendance économique entre l'Azerbaïdjan et la Suisse: le géant azérie des hydrocarbures Socar gère ses affaires européennes depuis Genève.
L'un des plus critiques à l'égard d'Ignazio Cassis est certainement Stefan Müller-Altermatt: «Ce que fait le régime de Bakou (Azerbaïdjan) est un génocide. Le DFAE hésite à le nommer ainsi et fait ainsi des câlins au dictateur», déclare le conseiller national du centre.
Certes, la Suisse s'est engagée au Conseil de sécurité pour éviter une catastrophe humanitaire. «Mais c'est cynique si l'on considère que l'argent avec lequel les Arméniens sont bombardés est généré en Suisse. Il faut des sanctions contre l'Azerbaïdjan. Les mots n'arrêteront pas le dictateur sanguinaire» martèle le Centriste. Et de poursuivre: «Les Arméniens ont besoin d'une protection internationale, sinon ils seront massacrés. Le fait que la Suisse ne demande pas explicitement cette protection est incompréhensible.»
La Suisse, pieds et mains liés
Le DFAE balaye cette critique: «La Suisse a toujours souligné que le recours à la violence pour résoudre des conflits n'est pas acceptable». Mais selon le ministère, la Suisse respecte aussi le droit international et donc l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan. Le DFAE demande toutefois que les droits des minorités soient protégés et que les droits des Arméniens du Haut-Karabakh soient respectés.
Le Conseil fédéral ne pourrait imposer de sanctions que si celle-ci étaient décidées par l'ONU, l'OSCE ou d'autres partenaires commerciaux importants comme l'Union européenne. Et à l'heure actuelle, «aucune décision n'a été prise sur la situation actuelle autour du Haut-Karabakh» conclut ainsi le DFAE.