Prendre des vacances au moment des fêtes de fin d'année est souvent une tannée. Fatigue accumulée, épuisement à venir en prévision de Noël, collègues prioritaires sur le choix des congés et exigences organisationnelles parfois tardives de l'employeur: le début du mois de décembre est l'occasion rêvée de se renseigner sur ce que dit la loi suisse sur la question. Au-delà, bien entendu, des jours fériés et des quatre semaines de vacances minimum par année – cinq pour les employés de moins de vingt ans.
Or, les passages sur le droit du travail sont très succincts. Dans le Code des obligations, seul l'article 329 (en particulier ses alinéas a à d) régit le droit aux vacances. Alexandre Curchod, avocat spécialiste FSA en droit du travail, détaille cet état de fait pour Blick: «Ce n'est pas comme en France, où le Code du travail est hyper volumineux. En droit suisse, nous n'avons qu'une quarantaine d'articles et que quelques articles spécifiques aux vacances.»
Pour savoir ce qu'il en est des spécificités des congés de fin d'année, il faut donc aller creuser «à la fois dans la jurisprudence et dans la doctrine», explique l'avocat au barreau de Lausanne, qui a officié durant quinze ans comme vice-président de tribunal des prud'hommes vaudois.
C'est dans ces deux autres sources du droit que l'on trouve «des mentions de l'intérêt personnel de l'employé quant à ses vacances», mais aussi sur des sites comme celui du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). Au-delà, tout peut encore dépendre des secteurs concernés, c'est-à-dire souvent des conventions collectives de travail (CCT) et des conventions internes à chaque entreprise, voire à chaque contrat.
Imposer ou refuser des vacances à la der'?
Votre employeur a-t-il le droit de vous imposer des vacances de fin d'année? Certaines entreprises ferment leurs portes pour une à deux semaines entre Noël et Nouvel An (ou plus), par manque de clients ou pour toute autre raison. Et c'est bien normal pour Maître Alexandre Curchod: «De manière générale, l'employeur fixe les vacances en tenant compte des intérêts légitimes des employés. Si la bonne marche de l'entreprise le justifie, il peut imposer des vacances.»
Mais dans certains cas, l'employé peut légitimement s'en offusquer. «Les vacances doivent être fixées avec un peu d'anticipation, spécifie l'expert du droit du travail. Le délai communément admis est de trois mois.» Autre composante essentielle: «Il faut que cette décision corresponde à un besoin d'entreprise réel. Il ne faut pas que ce soit un prétexte.»
Idem quand il s'agit de refuser des vacances de fin d'année à ses employés. «Avec la recrudescence des achats à Noël, l'entreprise peut anticiper qu'elle aura besoin des employés pendant la période des fêtes. Elle peut donc dire qu'elle ne veut pas de vacances à ce moment-là», confirme Me Curchod en répétant les conditions. S'y prendre suffisamment tôt et justifier un besoin réel: voici les maîtres-mots pour les employeurs.
La grande question du solde
Autre problématique spécifique aux derniers jours de l'année: celle du solde de vacances. Si vous n'avez pas pris l'ensemble de vos jours de congé avant le 31 décembre, vous pourriez avoir la bonne idée de les repousser à l'année d'après. «L'entreprise essaie parfois de vous forcer à les prendre sans trop tarder», commente l'avocat vaudois.
Mais celui-ci a la parade, qu'il tire de son étude des textes de loi: «Je tiens juste à préciser que le solde des vacances peut être reporté, c'est un droit. La règle est que la prescription – soit le délai pour réclamer vos vacances – est de cinq ans.» Alors pas de panique si vous avez des vacances en rab', vous avez le temps de voir venir.
De plus, la responsabilité de gérer les vacances revient à votre entreprise. «Le fardeau de la preuve des vacances appartient à l'employeur, énonce Alexandre Curchod. C'est à lui de tenir un décompte des vacances et de prouver que celles-ci ont bien été prises.»
La responsabilité revient à l'employeur
Car oui, c'est bien à votre entreprise de faire des efforts pour satisfaire vos demandes – dans la mesure du possible et de la loi, on vous voit venir. Des vacances partagées avec celles de votre partenaire, que vous soyez marié ou non? L'assurance que vos congés soient synchronisés aux vacances scolaires? «La responsabilité de l'employeur est de s'assurer que les gens prennent des vacances afin de préserver leur santé», assène Me Curchod.
Il s'agit de faire en sorte que l'employé trouve son compte. Que ce soit sur le plan familial, amoureux ou sur celui des passions et des hobbys. L'avocat spécialisé l'assure: «La doctrine juridique reconnait deux buts aux vacances: vous permettre de vous reposer et favoriser le développement de votre personnalité.»
Me Curchod y voit une question de mise en balance des intérêts: «L'entreprise ne peut pas juste dire 'oui' ou 'non', elle doit tenter de trouver une solution, faire des efforts pour tenir compte des intérêts personnels des différents employés. Et s'il n'est pas possible de contenter tout le monde, alors il y aura des arbitrages à faire.» C'est là qu'entre en jeu la notion de priorité de certains employés sur d'autres. Mais la loi suisse ne s'aventure pas sur ce terrain.
Et en cas de conflit sur les congés?
Aborder le sujet des vacances avec son employeur, d'autant plus à l'approche de la fin de l'année, revient bien souvent à marcher sur un fil. «C'est toujours délicat pour un employé de se plaindre formellement de ce genre de choses, tant que les rapports de travail n’ont pas été résiliés», reconnaît l'avocat qui a défendu bon nombre de membres du personnel face à leur (ex-)employeur.
Mais des conflits concernant uniquement les vacances et qui vont jusqu'au tribunal, c'est plutôt rare, relate Me Alexandre Curchod: «C'est généralement à l’occasion d’un licenciement, lorsque les vacances auxquelles l’employé avait droit n’ont pas pu être prises intégralement.»
La raison pour l'avocat en droit du travail? La «culture du dialogue» qui domine en Suisse. «On ne judiciarise pas un conflit à la moindre difficulté, précise-t-il. S'il y a des problèmes, généralement, on passe d'abord par un contact avec les RH, puis on escalade au sein de l'entreprise.» Finalement, à l'approche des fêtes, c'est le dernier conseil qu'on puisse vous donner. En cas de conflit sur vos congés de fin d'année, discutez-en rapidement et renseignez-vous sur vos droits.